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Citation de Pralinerie


« Dieu devient et passe », écrit Eckhart. L'étincelle, qui jaillit du foyer lumineux, disparait dans la nuit, mais le foyer lui-même ne devient pas, ne passe pas. Dieu peut être saisi, aimé, consommé : il passe. Mais la Déité est insaisissable, inconsommable et innommable : elle ne passe pas. Dieu et la Déité sont aussi différents l'un de l'autre que le ciel et la terre, dit maître Eckhart. Et c'est pourquoi il leur donne deux noms distincts. On ne désigne pas avec le même mot le ciel et la terre, le soleil et la lune, n'est-ce pas?
«Dieu n'apparaît que là où toutes les créatures le nomment, écrit encore Eckhart. Lorsque j'étais dans le fond et le tréfonds, dans le ruisseau et la source de la Déité, personne ne me demandait où je voulais aller ni ce que je faisais, parce qu'il n'y avait là personne pour m'interroger. Ce n'est qu'une fois écoulées au-dehors que toutes les créatures dirent : Dieu !» On s'écrie: Dieu! après, après seulement, quand on a été rattrapé par le ressac de l'existence et poussé au-dehors, dans le temps, rendu à la surface rugueuse des choses. Alors oui, cest vrai, parce qu'on n'est plus « dans le fond et le tréfonds », englouti, on s'écrie : Dieu! On s'écrie : Dieu ! parce qu'on existe à nouveau ; et Dieu, le pauvre bougre, si infiniment petit lui aussi, passant, léger, marginal, en comparaison de la Déité, est prisonnier avec nous dans le filet de I'existence. Quels regrets alors ! Alors oui, on s'écrie : Dieu ! parce qu'on n'a rien de mieux à faire qu'à crier et à appeler notre compagnon de détresse. On s'écrie: Dieu, où en sommes-nous, toi et moi? ou bien : Dieu, quelle chute! Mais il est trop tard déjà. Nous sommes pris au Verbe, et au fin maillage des mots qui traîne, étincelant, dans son sillage, et lui aussi, Dieu, est pris avec nous. On se prend la tête entre les mains, comme Adam chassé du paradis. Chute vertigineuse, rapetissement. Nous voilà définis, individualisés, incorporés, minuscules. Existants enfin.
Ce jour-là, l'homme est confondu, et quand il crie : Dieu ! ou : Dieu, sauve-moi! alors c'est sûr, il est loin, très loin de l'unité originelle. Il en allait autrement « dans le fond et le tréfonds » où il n'y avait pas le brouillard pluriel de l'existence, où il n'y avait pas Dieu et, en face de Dieu, comme dans un miroir, quelqu'un pour s'exclamer : Dieu! Il y avait une réalité sans mélange, sans qualité ni attribut : Gottheit. Pure simplicité, pure félicité, être pur.
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