Amour : on en vibre, on en tremble, bref, on en est tout secoué. Cela vaut sans doute mieux que d'être brûlé par ses feux, ses flammes, son ardeur. Sinon, pur, éternel, plus fort que la mort : banal. On se le jure, et ensuite on le profane. Au pluriel (délicieusement féminin), les amours sont enfantines, ou à la rigueur adolescentes, sinon elles prêtent à rire. Et comment vont tes amours ? Curieusement, les clichés liés à l'amour sont en nombre modeste, relativement à l'omniprésence de ce thème dans la littérature. L'amour est-il au-delà du cliché ? Ou bien sommes-nous déjà au-delà de l'amour ?
Cœur : organe très sollicité ; aussi tout auteur doit-il être un peu cardiologue. À savoir : le cœur ne se contente pas de battre (serait-ce la chamade), ni même de palpiter. Il tambourine (préciser : dans la poitrine). Il est capable de bonds. Plus étonnant, il se serre. Comment fait-il pour se serrer tout seul ? Sujet, également aux pincements, d'origine tout aussi mystérieuse (à la différence de ceux des fesses, Fréquents accidents cardiaques. Un moment, son cœur cessa de battre. Inutile pourtant de s'affoler : dans un instant, il n'y paraîtra plus. Un peu passées de mode, les peines de cœur (il se brise, se fend, se déchire, vole en éclats etc.) ne doivent pas inquiéter davantage.
Ironie: se présente souvent en brins (n'utiliser qu'un brin à la fois), ou en pointes (même recommandation). Deux techniques: teinter (un regard teinté d'ironie), ou empreindre (un propos empreint d'ironie). Parce qu'on ne sait pas très bien en quoi cette dernière opération consiste au juste, teinter est prudent, mais empreindre est tentant.
Reproches: les "jeter au visage" (jamais aux pieds, ni à la poubelle).
Broyer : le cœur, voire l'individu tout entier. Le regard éteint de ceux que la vie a broyés. Dans la vie littéraire, on broie énormément, et pas que du noir.
Mutiler: toujours "affreusement" (tant qu'à faire).
automobile : n'en utiliser que de deux types : l'auto puissante, rapide, qui fonce en silence, et dont les phares trouent les ténèbres ; et le tacot brinquebalant, qui hoquète et pétarade et menace à tout instant de tomber en morceaux. Laisser au garage de la vie ordinaire les insipides véhicules, modestement mais sûrement motorisés, conçus à grands efforts et vendus à prix tirés, qui nous mènent fidèlement à nos embouteillages quotidiens.
capter : tend à remplacer déceler. Frémissante, elle captait toutes les nuances de sa voix. Rien de plus moderne que les télécommunications.
bataille : la livrer (comme une pizza). Elle était résolue à livrer bataille, s'il le fallait. Expression délicate qui date d'une époque où les généraux choisissaient le temps et le lieu du massacre, et que seule la littérature (et ses fausses batailles) perpétue.
Découdre :
Toujours de quelque chose dont on ne sait jamais rien. "Il était prêt à en découdre", mais de quoi donc. Motus et bouche cousue.