Etre sans idée pour rester ouvert à tous les possibles.
Confucius
La révélation de Claude Lévi-Strauss se révèle plus pertinente que jamais : Plutôt que d'ouvrir les autres à la raison, il importe de s'ouvrir à la raison des autres car l'autre a des raisons que ma raison ignore.
La sagesse en Chine se transmet non pas des traités de philosophie ou de théologie mais à travers des anecdotes ou des maximes paradoxales qui interpellent le lecteur et brisent sa logique rationnelle. Elle consiste à éclairer, creuser toujours davantage l'évidence pour mieux savourer la vie. Elle relève de l'art de vivre et n'a donc plus rien à voir avec cette science abstraite qu'est devenue la philosophie occidentale. Pourtant selon son étymologie latine, la sagesse signifie "avoir du flair"(sagire) et "savourer"(sapere). Elle fait appel donc à l'intuition, non à la raison.
Au-delà des clichés, le paradoxe du poisson rouge nous fait découvrir l'étonnante modernité de cette civilisation, vieille de 5000 ans : des concepts inédits pour nous, comme interdépendance, impermanence, alternance, résonance, incertitude, relativité, vacuité... sont remis à l'honneur aujourd'hui par la physique moderne.
Dans un monde désormais multipolaire et interdépendant, l'heure est venue d'échanger non seulement nos marchandises, mais aussi nos sagesses. Il y a chez les Chinois des idées et des façons de faire dont nous gagnerions à nous inspirer à la fois pour notre développement personnel et notre pratique en affaires. Le poisson rouge, ou plutôt la carpe koï est un symbole très fort pour les Chinois.
La culture populaire lui prête huit vertus, toutes inspirées de la sagesse chinoise :
Ne se fixer à aucun port
Ne viser aucun but
Vivre dans l'instant présent
Ignorer la ligne droite
Se mouvoir avec aisance dans l'incertitude
Vivre en réseau
Rester calme et serein
Remonter à la source.
Une belle illustration d'efficience est donnée par Deng Xiaoping "le grand transformateur silencieux" qui a lancé en 1978 son grand mouvement de réformes et d'ouverture sans objectif précis, sans présenter un plan quinquennal, mais avec un simple slogan :
"Tâtez les pierres en traversant la rivière"
Il s'agit là d'une vieille expression populaire, compréhensible par tous, que Deng a élevé au rang de devise politique. Elle traduit l'absence de route tracée à l'avance : deux pas en avant, un pas en arrière, on verra au fur et à mesure des opportunités qui se présentent ce qu'il convient de faire.
L'être humain est appelé à se renouveler sans cesse et non à se répéter comme une horloge. La souffrance survient chaque fois qu'il résiste au flux de la vie et essaie de s'accrocher à des formes fixes.
Contrairement à la pensée rationnelle qui sépare et oppose pour mieux élaborer des lois et des théories, la pensée complexe recherche les liens subtils que l'apparence oppose
un proverbe persan "Si je rêve tout seul, cela reste un rêve. Si nous rêvons ensemble, c'est le debut de la realite."
Puisque la réalité est en transformation continue le manager chinois n'élabore pas de stratégie. Il évolue en exploitant à son profit les facteurs favorables qu'il a su détecter ici et maintenant.
Evaluer est plus important que planifier.
...
Quand rien n'est figé tout est possible.
Pour le stratège chinois, il n'y a d'efficacité qu'indirecte, invisible, progressive et sans risque.
Mais lorsqu'il attend, il ne faudrait pas croire qu'il ne fait rien : il va aménager discrètement en amont les conditions telles que les conséquences découlent d'elles-mêmes en aval à sa faveur.