Le choix des libraires vous emmène à Auxerre, à la rencontre de Grégoire Courtois qui anime avec passion la Librairie Obliques !
Voici ses conseils :
le livre nécessaire : Platon, "Gorgias" (Flammarion)
le livre pour une soirée confinée : Ken Kesey, "Et quelques fois j'ai comme une grande idée" (Monsieur Toussaint Louverture)
le livre antidépresseur : Douglas Coupland, "La pire personne. Au monde." (Au diable vauvert)
le livre clique et collecte : Hoai Huong Nguyen, "Sous le ciel qui brûle" (Éditions Viviane Hamy).
Retrouvez l'émission en intégralité ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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les parfums clairs et nus
sont-ils les plus grands chants rêvés ?
chant de cendre et de poussière
sang versé sur la clairière
disparue.
(page 9).
Il restait assez solitaire et, sans doute, ce fut un bien, car il en sut moins sur la propension des politiques à jouer aux dés la vie des autres.
De part et d'autre, il y avait une appréhension qui grandissait avec le désir d'en finir - le goût du sang et de la mort - le maigre espoir de vaincre - ou de moins de mourir vite - et d'en tuer un maximum - parfois l'homme se transforme en bête avec les meilleures raisons du monde.
(...) Ce fut à travers la langue française que les Annamites découvrirent le goût d'une liberté inconnue, en récitant des passages de La Fontaine ou de Molière dont on oublie souvent la malicieuse subversion.
Les Annamites éprouvaient généralement des sentiments mêlés vis-à-vis de la France. Même si la colonisation était injuste, beaucoup refusaient la guerre d'indépendance sous la bannière du Viet-minh. Certains avaient choisi le parti de la France par opportunisme, parce qu'on la disait moins avide que la Chine ou le Japon; la triste réalité des dominés était de pencher vers le maître le moins cruel.
Vienne le vert été
- ne soyons
pas sépa r és
Joie si douce
de l'aurore
- son clair regard
Tes mains
couleur de miel
et du soleil mourant
Transperce
jonquille claire -
l'âme de la beauté
Lorsque le vieil homme se tenait debout à regarder la lumière déclinante sur le riz mûr, Tuan n'aurait pas été surpris de voir ses bras s'allonger en branches vers le ciel et ses jambes plonger leur racines dans la terre. Il y aurait eu dans cette métamorphose une simple continuité naturelle, un accomplissement des desseins célestes.
(Lettre 66 – de Thanh à Isey) Plus que jamais je crois que les mots nous libèrent : ils ouvrent la voie vers une chose insaisissable. Les murailles n’y peuvent rien : la parole les traverse comme un voile de fumée. Sans tes lettres, je perdrais toute volonté de résister à l’enfermement. Tu ne devines pas combien j’ai eu du mal à brûler la dernière. Mais je n’ai d’autre choix ; aussi, elle s’enflamme sous mes yeux tandis que je t’écris, et n’est déjà plus que cendres. Cependant, les images qui s’y trouvaient inscrites demeurent vivantes en moi : preuve que les mots sont bien plus qu’un peu d’encre sur du papier. Ils me font entendre ta voix : c’est la seule chose qui me relie au monde et à la vie. (p. 176)
Même si la colonisation était injuste, beaucoup refusaient la guerre d'indépendance sous la bannière du Viêt-minh. Certains avaient choisi le parti de la France par opportunisme, parce qu'on la disait moins avide que la Chine ou le Japon ; la triste réalité des dominés était de pencher vers le maître le moins cruel.
La lune était lumineuse dans le ciel troublé, un fin croissant de lune. Sa blancheur évoquait dans l’esprit de Mai ce vieux poème que Yann lui avait lu ; elle en avait appris quelques vers pour les avoir toujours avec elle, car avec un poème, on n’est jamais seul – rêvons, c’est l’heure – il parlait d’un saule – c’est l’heure exquise – d’un saule noir qui pleure. C’était de mauvais augure, pourquoi fallait-il qu’il ait choisi ce poème et pas un autre ? Les hommes n’ont aucun discernement, très intelligents, mais sans sagesse. S’il avait préféré un sonnet clair et joyeux, peut-être l’histoire aurait-elle été différente ; mais non, c’étaient la lune et le saule qui l’avaient séduit et tout était bien. Elle ne regrettait rien puisqu’ils avaient eu une journée entière, et la vie n’est-elle pas comme une journée ?