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Citation de Mar-Khe


Cependant, j'arrive tout de même à proximité du bureau des infirmières, et voici la scène qui m'attend: ma mère et celle de Sylvie s'en approchent au même moment. Elles vont toutes les deux demander quelque chose aux infirmières - les familles s'y pointent constamment pour avoir une couverture de plus, ou bien une carafe d'eau, des anti-douleurs ... Tout est un peu flou et teinte de vert, mais je distingue le plus gros. Les deux mères se tiennent de part et d'autre du grand carré où se réunissent les infirmières - chaque mère de son côté du couloir. Mais comme si un champ magnétique les attirait, elles glissent irrésistiblement l'une vers l'autre. Une histoire d'attraction planétaire, sans doute. Comme la pesanteur, mais multiplié par dix. Ma mère et celle de Sylvie oublient ce qu'elles sont venues demander, et elles se regardent; on perçoit bien le moment où leurs yeux se rencontrent, ensuite ils ne se lâchent plus.
C'est comme assister à un ballet. On dirait des danseuses face à leur reflet, ces deux mères. La mienne est grande et blonde, celle de Sylvie, petite et brune. Mais peu importe. Elles font le tour du bureau, depuis le bout du carré. Puis elles avancent chacune de trois passer se rencontrent au milieu du couloir - je suis certain que c'est pile au centre. Au niveau de cette fameuse ligne, la ligne de démarcation. Pendant un seconde, chacune reste sagement de son côté. Et on dirait qu'à l'étage tout se fige. Les aides-soignants s'immobilisent, leurs plateaux dans les mains, les infirmières lèvent le nez de leurs dossiers, le stylo en suspens. Les visiteurs ont pris racine et les frangins arrêtent de cavaler dans tous les sens. Tout le monde observe. Pas un bruit, hormis les notes de la harpe, en provenance du hall d'entrée.
Puis ma mère et celle de Sylvie tendent les mains et avancent encore d'un pas. Et elles tombent dans les bras l'une de l'autre, et se serrent de toutes leurs forces, jamais je n'ai vu ça. Et alors monte un son insupportable, le genre que vous ne voulez jamais entendre, de toute votre vie. Les deux mères se mettent à gémir. Et leur sanglot fend l'air. Il déchire notre air, dans ce couloir. C'est insoutenable. Et ça ne s'arrête pas. C'est tellement atroce que même le Big Boss doit se couvrir les oreilles de honte.
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