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Critiques de Honoré de Balzac (3255)
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Illusions perdues

Une grande inspiration, un oeil décidé et c'est parti pour cette critique qui me tient tant à coeur. C'est que j'ai peine à vous dire tout l'amour que j'ai pour Balzac en général et pour les Illusions Perdues en particulier.



Il est tellement malmené au lycée ; on lui fait porter un tel chapeau à mon pauvre petit Honoré ; on nous donne souvent tellement peu envie de s'aller essayer à la Comédie Humaine que c'en est presque consternant. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir varié tant la taille que le type de ses écrits, mais tout tourne autour de 4 ou 5 titres qu'on se refile d'année scolaire en année scolaire, comme un vilain rhume.



Ici, vous êtes au centre de l'édifice, énorme, labyrinthique, monumental que constitue la Comédie Humaine, vous êtes au coeur du donjon, vous admirez le pilier médian, porteur essentiel, pour ne pas dire porteur DE l'essentiel. Quand bien même n'aurait-il écrit que cet unique roman, Balzac eût été, sans nul doute, l'un de nos plus grands écrivains de langue française.



En effet, l'auteur déploie dans ce livre sa quintessence, celle qui en fait un géant de la littérature française et mondiale. Pas UN Balzac, mais LE Balzac, le MAGIC-BALZAC comme on le rêve : riche, tonique, corrosif, lucide, drôle et tout, vraiment tout, ce qu'on peut attendre d'un roman du XIXème siècle.



Chapeau bas Monsieur Balzac ; on a beau dire, on a beau faire, ils ne sont pas si nombreux ceux qui vous arrivent à la cheville et, s'il fait moins vibrer les trémolos du pathos que ne le fait Victor Hugo, ne nous y trompons pas, cette oeuvre est du calibre des Misérables, aussi franche et savoureuse que le Comte de Monte-Cristo, les deux seuls romans francophones de ce siècle à pouvoir faire moindrement le poids face à ce monstre sublime que nous a légué Honoré de Balzac.



Si vous ne souhaitez pas savoir du tout de quoi parle ce roman, je vous conseille de vous arrêter ici dans la lecture de cet avis. En revanche, si vous voulez en connaître un peu les grandes lignes, je vous en taille à la serpe les pourtours dans ce qui suit :



La première partie intitulée Les Deux Poètes nous présente, vous l'imaginez, les deux amis : l'un, David Séchard, fils d'un imprimeur d'Angoulême, économe, la tête sur les épaules, qui a fait des études à Paris et qui a surtout compris qu'il ne pourrait jamais compter sur son père, aussi avare dans son genre que le père Grandet (voir Eugénie Grandet) ce qui n'est pas peu dire.



L'autre, Lucien Chardon, fils d'un apothicaire, issu d'une branche noble par sa mère, les " de Rubempré ", possède un talent littéraire indéniable et semble attiré par le grand monde et les lumières de la grande ville comme les papillons sur les lampes à incandescence.



La question étant de savoir s'il se brûlera les ailes auprès de Madame de Bargeton, une célébrité aristocratique locale. le titre du roman pourrait presque, à l'extrême limite, vous donner un tout petit indice, mais je n'en suis pas bien sûre...



La deuxième partie, Un Grand Homme de Province À Paris, comme son nom l'indique, déplace l'un des personnages principaux, Lucien Chardon (ou de Rubempré selon qu'on considère ou non son ascendance noble du côté maternel), d'Angoulême à Paris.



Lucien quitte tout pour les beaux yeux de cette aristocrate provinciale, Madame de Bargeton, qui s'est éprise de lui. Très vite, le grand monde va se charger d'exclure ce rejeton illégitime de la noblesse et donc, de faire cesser l'admiration de Mme de Bargeton pour son petit protégé de poète.



En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, seul et avec le coût exorbitant de la vie parisienne, Lucien se retrouve dans l'indigence la plus noire, avec pour seul espoir, sa jeunesse et son talent de plume. Il a le bonheur de faire la connaissance de Daniel d'Arthez, jeune écrivain incorruptible, initiateur du Cénacle, cercle d'amoureux des arts, prêts à tout pour aller jusqu'au bout de leur art sans tremper jamais dans aucune compromission, d'aucune sorte.



Lucien sera très vite fasciné par cet droiture morale, cet ascétisme de pensée et de travail, dont les résultats commencent à porter leurs fruits dans son esprit critique et dans son maniement de la plume.



Cependant, Lucien, pauvre comme les pierres, va lorgner abondamment vers les lumières du journalisme et ses succès faciles, richement rétribués. L'ascension de Lucien va être fulgurante, lui permettant au passage de tailler des costards à ses vieilles connaissances angoumoisines qui l'ont si lâchement laissé tomber à son arrivée dans la capitale.



Néanmoins, être talentueux n'est pas sans risque, comme vous le découvrirez à la lecture de cette partie. Balzac nous offre des pages sublimes et dresse un portrait corrosif et peu flatteur tant du journalisme que du monde de l'édition. Un portrait qui sent éminemment le vécu et qui ne semble pas avoir pris une ride.



Les requins et les fourbes d'aujourd'hui ne sont guère différents de ceux d'hier. C'est en cela que l'universalité et le talent de visionnaire De Balzac étaient (Baudelaire s'en émerveillait), sont et demeureront impressionnants.



Dans la troisième et dernière partie baptisée Les Souffrances de L'Inventeur, après ce long épisode parisien ayant Lucien pour protagoniste principal, Balzac poursuit en synchronique avec la destinée de sa soeur Ève et de David Séchard, restés à Angoulême dans le même temps.



L'auteur y développe, avec un luxe qui sent trop le vécu pour ne pas avoir son origine dans ses propres mésaventures personnelles, la savante machinerie de l'extorsion de l'invention d'un concurrent par le biais des lois, le concours des créanciers et l'entremise des hommes sensés être les garants de l'équité sociale. Ainsi, David Séchard, mis dans de cruels draps par les trois faux billets de mille francs signés à son insu par Lucien, se retrouve entre les griffes voraces des frères Cointet, imprimeurs, usuriers et banquiers d'Angoulême.



Malgré la défense héroïque du secret de fabrication de David par les deux infortunés époux Séchard, le destin s'acharne à leur vider les poches (enfin, le destin, c'est surtout les frères Cointet, Petit-Claud, l'avoué véreux, le fourbe Cérizet, l'avare père Séchard et Lucien involontairement par-dessus le marché).

Lucien, voyant dans quelle déroute il a mis sa soeur et son beau-frère est prêt au sacrifice suprême, mais il rencontre un bien singulier prêtre, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à un ancien bagnard qu'on a bien connu dans le Père Goriot...



Balzac règle ses comptes avec les usuriers, banquiers, notaires, avocats et autres juges. Bref, une fin sublime pour ce roman qui ne l'est pas moins, et de bout en bout, mais tout ceci, vous l'aurez compris, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose, le mieux, et de loin, que vous ayez à faire, c'est de le lire. Je vous rembourse la différence si vous n'y trouvez pas votre compte et n'êtes pas satisfaits.



P. S. : c'est dans ce roman que Balzac invente un néologisme qui fera long feu, notamment via Jacques Brel, à savoir la " soulographie ".
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Le Père Goriot

Qu'est-ce qui n'a pas été dit, écrit, filmé, dessiné, radiodiffusé sur le Père Goriot, en particulier, et sur Balzac, en général ? Réponse : à peu près rien.



Mais s'il est vrai que parmi cet amas épais et hétérogène tout a probablement été dit et bien dit, tout le monde, moi la première — moi surtout — n'a probablement pas lu le monceau impressionnant d'avis ou de critiques littéraires qui ont été laissés à son sujet. Alors je ne ferai très certainement que répéter ce que d'autres auront dit bien avant moi et de bien meilleure façon que je ne saurais le faire. Excusez-moi pour cette somme de mauvaises redites.



En premier lieu, première redite, qu'il s'agit d'un très bon roman et que c'est une bonne porte d'entrée pour s'en aller frétiller dans l'immense testament littéraire que nous a laissé le bon Honoré et qui se nomme La Comédie Humaine. Néanmoins, je tiens à souligner que manifestement trop de lycéens ont eu à " subir " ce roman à un âge où, selon toute vraisemblance, ils n'étaient pas prêts à goûter toute la saveur du vécu et le cruel réalisme qui émane de cette pièce maîtresse lorsqu'on le lit quelques années plus tard.



Je vais donc clairement vous dire que si j'avais à faire découvrir Balzac à quelques jeunes personnes, je ne choisirais sans doute pas ce roman comme première approche. Passé la trentaine, pourquoi pas, même s'il va sans dire qu'on est apte à jouir de toute la saveur de cette oeuvre bien avant trente ans, je suis fermement convaincue qu'il réclame à la fois vécu et investissement dans sa lecture, deux choses qui ne sont pas monnaie courante à un âge précoce.



Ensuite, deuxième redite, que toutes les clefs d'écriture qui sont propres à Honoré de Balzac se retrouvent ici : la description première (celle qui rebute souvent les néophytes) un peu comme le ferait un peintre qui soignerait particulièrement son décor avant d'entamer la figure centrale de sa toile, ensuite, la mesquinerie ou la loupe focalisée sur les défauts de ses personnages souvent très haut ou très bas en couleur, puis le ton ironique, sarcastique, cynique, caustique, désabusé avec lequel l'auteur nous raconte ses histoires, viennent ensuite les accélérations, les montées en puissance de l'intrigue, les coups de projecteur sur le passé d'un personnage que l'on croit bien connaître (les fameux éclairages rétrospectifs dont parle Proust), puis les sortes de tonnerres ou de descentes aux enfers du final.



Enfin, vous étonnerais-je en prétextant que le père Goriot n'est probablement pas le personnage principal de ce roman même s'il en est la morale de la fable ? Vous recommanderais-je le savoureux verbe du truculent Vautrin alias..., vous découvrirez qui, et de sa vision du monde ? Oui, "le monde selon Vautrin" vaut vraiment le détour. Alors, bon séjour en immersion dans le noir Paris du début XIXème siècle.



Juste pour la route et pour parfaire mon content de redites, quelques mots de l'intrigue au cas où vous ne la connaîtriez pas. Eugène de Rastignac, jeune étudiant débarque de sa province à Paris dans le but de s'y faire un nom et une situation. Malheureusement pour lui, même si la famille possède le lustre de la particule, si utile dans le grand monde, elle ne lui procure pas de rentrées d'argent suffisantes au train qu'il convient d'afficher à Paris lorsqu'on aspire à devenir un dandy.



Le père Goriot, quant à lui, pour son plus grand malheur a deux filles. Deux filles qu'il aime mieux que lui-même, deux filles pour lesquelles il sacrifierait sa vie, deux filles belles comme l'aurore... et ingrates comme le sont les belles filles roturières qui se veulent du grand monde. Notre brave père Goriot, commerçant prospère, ne recule donc devant aucun sacrifice financier susceptible de lui attirer "l'affection" de ses deux vénales progénitures...



Voici Honoré de Balzac dans tout sa splendeur et sa misère, lui le courtisan désabusé et parfois vindicatif, lui le magicien, l'inventeur du roman moderne, lui le génial observateur de cet étrange animal qu'on nomme "l'humain", lui, l'un de mes auteurs fétiches, mais ce n'est là qu'un fort misérable avis, un parmi pléthore d'autres et d'autre carrure et d'autre facture, autant dire, pas grand-chose.
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Eugénie Grandet

« Dis, Maman. Raconte-moi ton premier Balzac.

— Eh bien, vois-tu, ma fille, mon premier Balzac n'avait rien de très poétique ni de très motivant.

C'était par un temps gris d'automne, de la pluie et du vent à ne plus savoir qu'en faire. de plus, comme pour bon nombre d'entre nous, c'était une lecture imposée à l'école. Si tu savais comme je détestais ces lectures imposées. Bien souvent, je m'arrangeais pour ne pas les lire, pour faire illusion. Bref, cela m'est tombé dessus.



Bien sûr, Balzac, je connaissais de nom, mais n'avais jamais rien lu de lui. On ne m'en avait dit que du mal, que c'était ennuyeux, pénible à lire, très démodé, une vraie corvée. Certains titres de ses romans m'étaient connus, mais pas celui-là. Non, ça ne me disait vraiment rien ce nom, Eugénie Grandet, je n'en avais jamais entendu parler.



Ma mère était allée me l'acheter à l'une des mauvaises librairies de la ville, car, comme tu peux te l'imaginer, il n'y avait pas beaucoup de livres chez mes parents. Quand j'ai vu le livre que me rapportait ma mère, j'eus encore plus le bourdon. La couverture était moche comme il n'y a pas.



Un samedi après-midi, il n'y avait vraiment rien à faire dehors, il pleuvait sans discontinuer. Notre chienne était sur le point de mettre bas et comme elle n'avait pas l'air très en forme, mon père m'avait demandé de la surveiller afin de pouvoir appeler le vétérinaire au bon moment si le besoin s'en faisait sentir.



Alors je pris Eugénie Grandet avec moi et commençai à lire pour tromper l'attente. Je n'ai plus une conception précise du temps à partir de ce moment-là. Je sais juste qu'assez rapidement il m'a fallu allumer la lumière, soit que le ciel était trop gris, soit que la nuit commençait à tomber.



Je sais aussi que je n'ai pas vu naître le premier petit chiot et que je me suis couchée tard ce soir-là. Il n'y avait pourtant rien à faire me semblait-il. Je ne me souviens pas avoir vraiment dîné, par contre, je me souviens parfaitement que ce jour-là, outre les six petits chiots, un grand amour pour Balzac est né... »



Voilà un bien trop long préambule mais cela s'est réellement passé comme ça. Et ce n'est pourtant pas mon Balzac préféré ni même celui que je conseillerais à un jeune désireux de découvrir cet auteur. Mais celui-ci garde pour moi une saveur assez spéciale...



Quoi vous dire que vous ne sachiez déjà sur cet ultra classique de chez classique ? Peut-être que, comme parfois chez Honoré de Balzac, le personnage qui donne son nom au roman ne semble pas être le personnage principal, du moins le plus marquant. Ici, la figure du père Grandet, ancien tonnelier avare ayant fait fortune à Saumur, trône au coeur du roman, lui dont l'ombre et la férule continueront de planer au-dessus de la tête de sa fille même bien après son décès.



Quant au destin de sa fille Eugénie, il paraît n'être qu'un simple dommage collatéral de l'avarice maladive du vieux.

Molière nous avait peint un avare pathétique jusqu'au rire, Balzac nous en sert un pathétique tout court, qui crève avec son magot, le coeur dur comme un granit et les paupières plus sèches que le désert.



Eugénie et sa mère sont les pauvres témoins, voire, de vulgaires expédients du vieux radin. Elles n'ont nul droit à la chaleur humaine et surtout pas à l'amour. le vieux non plus d'ailleurs, mais il s'en fiche comme d'une guigne tant qu'il a de l'or.



À la mort du vieillard, Eugénie demeure richissime, mais effroyablement seule dans la froide maison de Saumur. Les oiseaux de proie tournent autour de ce jeune petit coeur naïf, petit coeur de femme qui a éclos coupée du monde et qui n'en connaît pas les dangers, petit coeur qui s'émeut et qui croit à l'éternité d'un premier amour né d'une rencontre fortuite, petit coeur qui croit en la pureté des hommes aimés et de leurs sentiments, petit coeur qui croit en l'inaltérabilité de la parole donnée, petit coeur qui croit qu'on l'aime pour ce qu'elle est non pour ce qu'elle possède...



Aura-t-elle droit à sa parcelle de bonheur ? Ceux qui l'ont déjà lu le savent et pour les autres, je me dépêche de me taire et de vous laisser lire la fin...



Ce monument De Balzac vaut principalement pour la dentelle dans laquelle l'auteur cisèle la sensibilité d'Eugénie, ses frêles attentes, ses désirs accessibles, son âme neuve, éprise de romantisme et si éloignée de la cruelle réalité de son père, de la rudesse confinant à la goujaterie de son cousin qu'elle aime, la dentelle encore avec laquelle Honoré de Balzac sait si bien nous faire sentir les attentes cupides des deux clans ennemis cherchant à tout prix à faire un beau mariage rentable avec Eugénie, la considérant, elle, comme une quantité négligeable.



Sublime oeuvre psychologique et sociale, écrite tout en finesse, en sensibilité, en amertume aussi, c'est à juste titre que ce roman figure parmi les plus célèbres de son auteur. Mais ceci, bien sûr, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La Cousine Bette

Il s'en est fallu d'un cheveu, vraiment d'un cheveu, selon moi, pour qu'Honoré de Balzac produise encore avec La Cousine Bette un magistral chef-d'oeuvre (un de plus !). Au lieu de ça, il a " seulement " composé un très bon roman. Certes, beaucoup d'écrivains actuels s'en satisferaient amplement, eux qui en sont si loin, avec leurs pelles et leurs seaux dans les terres molles et collantes du roman contemporain, mais pour lui, c'est presque un peu décevant qu'il ne signe QUE ce très bon roman.



On sait bien que chez Balzac la figure « sacrificielle » a une très large place : c'était le cas par exemple dans le Père Goriot avec cet homme littéralement dévoré par les appétits insatiables de ses deux filles ; c'était le cas également dans Eugénie Grandet, d'une façon fort différente, avec cette jeune femme prise en étau entre l'avarice maladive de son père et les appétits farouches des prétendants qui lorgnent sur l'héritage.



J'ai utilisé deux fois le mot « appétits », qui évoque l'argent, et on pourrait multiplier de la sorte les exemples chez l'auteur. Eh bien ici aussi, il y a ce genre de figure sacrificielle, toujours très pure, très noble dans le fond, un rien dévote sur les bords, un genre de madone qui serait en même temps l'agnus dei, qu'on donne en pâture aux vilains, aux mesquins, aux exécrables, aux minables, aux ingrats, aux envieux, aux jaloux... La nuance, la différence, si différence il y a, c'est sur la nature même des appétits dévorants, qui ne sont plus, en premier lieu, l'argent (même si indirectement, un peu quand même).



L'agneau de dieu sacrifié, ce sera bien entendu la baronne Adeline Hulot. Au rang des envieux, des jaloux, des combinards, on trouvera bien entendu sa cousine, dite la cousine Bette (diminutif de Lisbeth), même si je ne peux m'empêcher de penser que Balzac a bien cherché à nous faire entendre dans ce nom les autres sonorités homophoniques du mot, à savoir le légume, long, insipide, inintéressant au goût (bon, je sais, il y en a qui aiment, mais moi non : j'ai l'impression de perdre mon temps quand j'en mange et ce sont toujours la sauce ou les aromates qui me les font avaler, preuve selon moi de son manque d'intérêt gustatif en lui-même), mais aussi et surtout le mot " bête ", qui signifie à la fois la bêtise et la férocité.



Bette est laide quand sa cousine est belle ; elle est vieille fille et pauvre quand sa cousine est bien mariée à un baron richement pourvu, et, ce qui la bouffe littéralement, elle a le sentiment (pas totalement injustifié au demeurant) d'être un meuble dans la famille, une domestique, quelqu'un à qui l'on fait l'aumône et que l'on tolère auprès de soi tel un mal nécessaire, telle une infirme, qui serait infirme de son manque de beauté et de son esprit étriqué.



Alors elle se consume la Bette, elle rumine, elle fulmine intérieurement, elle mûrit en elle-même ce qu'elle pourrait combiner de chausse-trappe et de fange à étaler sur sa trop belle, trop bonne, trop parfaite cousine. On ne peut pourtant pas dire qu'Adeline soit trop chanceuse avec son mari, le baron Hector Hulot d'Ervy, brave gars dans le fond, mais coureur de jupons invétéré et surtout... incurable !



Tout cela irait encore à peu près pour notre toxique et ténébreuse Lisbeth, mais un jour, Hortense, la fille de la baronne, qui bénéficie d'une aussi jolie figure que sa mère, commet le faux pas de lorgner sur le petit protégé de Bette, le Polonais Wenceslas. Alors là, mes aïeux, ça, c'est une grosse, grosse, grosse maladresse, car ce Wenceslas, voyez-vous, c'était un genre de chasse gardée, c'était son jardin secret à la Bette, pas un véritable amant, certes non, mais une sorte de platonicité accessible, une affection faute d'autre chose, une relation qui la faisait se sentir bonne et honnête et utile et (sur un malentendu) désirable pour quelqu'un...



Et Bette, voyez-vous, c'est un peu comme un volcan actif : en temps normal, ça gronde, ça grognonne en sous-sol, ça fumotte, ça toussotte en surface pendant un bon moment, des mois, des années, des siècles, parfois, et puis un mauvais jour, quand la pression est trop montée des entrailles, trop contenue, trop puissante, eh bien ça BAM ! et ça POUM ! et ça BRRAAAOOUUUM ! et ça crache le feu et la mitraille de tout côté sur des kilomètres, et ça vomit de la lave et des gaz atroces à n'en plus finir, et ça balaie tout, et ça éclabousse tout, et ça fait trembler la terre de partout et dans toutes les directions.



Quel sera l'instrument de sa vengeance, ou plutôt QUI sera l'instrument de sa vengeance ? Ah, ah ! Ça, mes bons amis, mystère, et ne comptez pas sur moi pour vous le dévoiler ; lisez-le si vous voulez le savoir...



À présent, quel semble être le thème de ce roman ? La lutte, la constante, l'incessante, la sempiternelle lutte du bien contre le mal, ou, en l'espèce, plutôt celle du vice contre la vertu. C'est un combat toujours à l'oeuvre et de tout temps et de partout, où que l'on jette le regard, on le retrouve, des tréfonds de l'Asie ou de l'Océanie à l'Alaska ou à la Terre de feu, c'est toujours la même rengaine.



Il y a, au surplus, une autre nuance : le vice véritable et avéré d'un côté, et l'apparence du vice de l'autre. C'est particulièrement illustré dans ce roman par le personnage de Josepha (qui rappelle beaucoup Esther, " la torpille " de Splendeurs et misères des courtisanes), un thème et un personnage que reprendra plus tard Guy de Maupassant dans sa Boule de Suif. de même, il y a la vertu et l'apparence de la vertu, et Bette sait se faire experte dans le domaine de l'apparence de la vertu...



On sait que Balzac a écrit ce roman (qui est un gros roman) très vite. Il est rondement mené, ça s'enchaîne très bien : Balzac est évidemment l'immense écrivain qu'on connaît. En revanche, ce qui n'est pas trop son cas d'ordinaire, je l'ai trouvé un peu trop moralisateur sur la fin. Jusque-là j'étais enthousiaste, éblouie comme souvent avec lui, et puis, il y a cette fin, façon Liaisons dangereuses, où la méchante Marquise de Merteuil se choppe la vérole et que c'est bien fait pour elle, n'est-ce pas ?



Or là, c'est du Balzac, c'est un observateur expert de la réalité normalement, du monde et des gens, dans ce qu'ils ont de complexes et d'indéchiffrables, il ne peut normalement pas nous infliger une fin « morale » voire « moralisante », car le monde n'est ni moral ni immoral en soi, il est amoral ; il n'est ni optimiste ni pessimiste, il est, un point c'est tout, il est, dans toute sa diversité, dans l'éventail quasi infini des variations et des nuances s'étalant d'un extrême à l'autre, du gerbant au formidable. Je me dis que sur cette fin, il est peut-être allé trop vite, il aurait peut-être pu prendre le temps de la mûrir un peu plus comme il sait si bien le faire.



Alors quand j'ai lu cette fin, j'ai été déçue, forcément, d'où ces 4 étoiles et non 5, tandis que j'étais persuadée tout du long que j'irais à 5, avec cette magnifique galerie de personnages encore une fois, allant du Crevel à la Marneffe, du maréchal sourd au sculpteur raté, de la putain à l'épouse modèle en passant par l'amante et la courtisane, mais il y eut ces quelques dernières pages... Bien entendu, cette déception n'est que ma Bette vision, ma Bette attente et ma Bette sensibilité, c'est-à-dire, pas grand-chose, car le mieux sera toujours de vous en faire votre propre opinion par vous-mêmes.
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Splendeurs et misères des courtisanes

Splendeurs et misères des courtisanes, c'est d'abord un magnifique titre pour le second plus long roman d'Honoré de Balzac après Illusions perdues, dont il constitue une suite ou un prolongement. Il fait du personnage central des Illusions, Lucien de Rubempré, un personnage secondaire mais essentiel autour duquel vont graviter deux personnages successivement centraux : la courtisane tout d'abord et le mentor ensuite.



L'ouvrage est constitué de quatre parties, à peu près équivalentes en volume, les deux premières centrées sur le personnage de la courtisane et les deux dernières sur celui du mentor. Dès à présent, on pourrait remarquer que cet ensemble aurait pu constituer deux ensembles distincts et que son titre, fait en réalité référence uniquement à la première moitié du livre.



Ouvrage composite, ouvrage complexe car il se présente comme une clef de voûte de la Comédie Humaine. C'est une pièce centrale qui relie mécaniquement beaucoup de chefs-d'oeuvres de cet ensemble en ogive : les sublimes Illusions perdues, déjà mentionnées, mais également le très fameux Père Goriot, ou encore des petits romans comme Gobseck, La Maison Nucingen, L'Interdiction ainsi que quelques autres, de façon plus ténue.



Splendeurs et misères des courtisanes, c'est une sorte de portrait en creux : le sujet étant la réussite sociale et mondaine, l'accession à un poste de premier plan à l'échelle nationale, à l'époque de la Restauration (aux alentours de 1830). Il y est bien sûr question de la réussite de Lucien, qui passerait par un beau mariage, mais ce n'est pas le centre d'intérêt de l'auteur. Celui-ci s'intéresse aux à-côtés de cette ascension.



En ce sens, l'analyse d'un phénomène humain sous la Restauration au XIXè s. que nous propose ce roman pourrait étayer avantageusement et nous être précieuse pour la compréhension fine de phénomènes humains similaires du XXIè s. tels que l'ascension vertigineuse d'un certain Emmanuel M., par exemple, mais on pourrait en cibler beaucoup d'autres. Et c'est en ce sens, quoi qu'on en pense et quoi qu'on en dise, que Balzac est vraiment très, très fort : il touche à des caractéristiques universelles de la mécanique humaine, ce qu'il nommait " la comédie humaine ". Et bien qu'on ne parle plus ni de monarchie, ni du XIXème siècle, ses observations et ses conclusions restent valables des siècles après leur formulation et n'importe où dans le monde. Voilà la force de Balzac.



La courtisane, très comparable au personnage de Coralie dans les Illusions perdue et qui annonce grandement la Josepha de La Cousine Bette, sera ici la jolie juive, la sublimissime Esther, surnommée " la torpille " tant elle tape dans l'oeil de tous les hommes qui posent le regard sur ses charmes. Cette femme, cette demi-mondaine, va subir une transformation sous l'action de qui vous verrez (il ne faut pas que je vous en dévoile de trop). de sorte qu'Esther va peu à peu se muer en formidable tremplin pour Lucien. Tremplin pour quoi ? Qu'advient-il du tremplin ? Ça, je vous laisse le plaisir de le découvrir par vous même, quoique, si vous êtes perspicaces, le titre vous donnera peut-être une légère indication.



Le destin d'Esther n'est pas sans m'évoquer celui de Christine Deviers-Joncour. Rien dans le cynisme et l'utilisation incroyablement méprisante voire humiliante des femmes aux plus hauts échelons de l'État n'a véritablement changé de nos jours. Combien d'Esther encore de par le monde à l'heure qu'il est ? Balzac a le mérite de nous sensibiliser à leur triste destin, même s'il peut paraître enviable, vu de loin, de très loin…



Venons-en à présent à la seconde moitié du livre et à ce mentor d'exception qui souhaite à tout prix faire réussir Lucien. C'est bien le " à tout prix " qui compte ici. On pourrait même ajouter un proverbe : la fin justifie les moyens. Qui donc, parmi la galerie de portraits de la Comédie humaine a les épaules assez solides et l'audace assez haut placée pour ne reculer devant rien, mais ce qui s'appelle rien ? Vous l'avez reconnu ? Nom de code : Trompe-la-mort, cela évoquera peut-être quelques souvenirs à certains, quant aux autres, je vous invite à venir découvrir le personnage si vous ne le connaissez déjà (peut-être sous une autre appellation).



C'est l'occasion pour Balzac de nous emmener dans les coulisses de la justice de 1830 mais dont vous constaterez qu'elle n'a pas si fondamentalement changé depuis lors. C'est aussi l'occasion de nous évoquer l'action souterraine de la police secrète, qu'on désignait il y a peu encore par les deux lettres RG et qui depuis a encore changé de nom, mais dont les attributs plus ou moins troubles demeurent.



Le romancier s'inspire très fortement d'un personnage historique ayant réellement existé : Vidocq. Mais, et c'est là encore une des grandes réussites sociologiques de la Comédie humaine, à divers endroits du monde des 3/4 malfrats ont joué des rôles d'auxiliaires de " justice " (avec toutes les réserves possibles que l'on peut émettre sur cette notion). On sait par exemple que pour chasser les banksters des années 1930, Franklin D. Roosevelt a fait appel à l'un des meilleurs d'entre eux, un certain Kennedy, père d'un futur président américain assassiné, on se demande bien pourquoi.



Plus près de nous, en France, il y a peu encore, Étienne Léandri a joué ce rôle du temps de Charles Pasqua. De nos jours, de par le monde, combien de Trompe-la-mort continuent d'officier en sous main, parfois pour la cause de leur gouvernement, parfois pour leurs intérêts propres ?



Bref, vous le voyez, un très, très grand Balzac, encore une fois, dont le projet littéraire n'est pas si éloigné de ce qui se fait à l'heure actuelle en terme de séries, je pense notamment à la série exceptionnelle The Wire (Sur écoute en français) de David Simon.



Littérairement parlant, j'aurais peut-être un ou deux petits bémols à apporter, notamment dans la troisième partie où les descriptions de la Conciergerie ne me semblent pas toutes indispensables. L'accent systématique yiddisho-alsacien de Nucingen est un peu fatigant à la longue. Certains personnages sont peut-être un peu exagérés, je pense principalement à celle qui est surnommée " Asie ". C'est sûrement vrai aussi de quelques autres, mais pour le reste, un vrai grand plaisir de lecture sans cesse renouvelé sur plus de 500 pages, ce qui m'incite à vous conseiller vivement la lecture de ce roman. En outre, souvenez-vous que tout ceci n'est que mon avis, splendide pour certains, misérable pour d'autres donc, si l'on fait une moyenne, pas grand-chose. (CQFD)
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La Peau de chagrin

je ne résumerai pas l'histoire, on la connaît. je vais donc dire ce que ce roman m'inspire, en insistant sur le fait qu'il est difficile de parler d'un roman d'un "auteur" qu'on aime beaucoup, car on a peur de ne pas être à la" hauteur" ...



Raphaël de Valentin est un personnage particulier dans l’œuvre de Balzac, « Raphaël le débauché » qui brûle la chandelle par les deux bouts en signant un pacte avec le diable. Il veut réussir sa vie et surtout ne plus être pauvre, car l’argent semble être la seule réponse dans la vie. Est-ce qu’obtenir ce que l’on désire passe uniquement par la nécessité d’être riche ?



Balzac pose différentes questions avec ce roman : le bonheur réside-t-il dans la richesse, dans l’avoir ou ne va-t-il pas plutôt se nicher dans l’être ? Posséder, l’argent mais aussi l’autre, ou exister ? Est-ce que l’amour s’achète ?



On retrouve aussi la différence entre être et paraître, les biens terrestres et les biens spirituels, et l’auteur nous pousse à réfléchir sur la nature et l’origine du bonheur : Raphaël met sur le compte de la peau de chagrin l’exaucement, la satisfaction du moins de ses désirs, comme si tout devait venir de l’extérieur, l’homme n’y étant personnellement pour rien, ce qui va conduire à la société de consommation, avoir toujours plus, posséder encore et toujours, dans une fuite à l’infini.



Balzac nous fait réfléchir aussi sur la place de l’homme dans la nature, la nécessité d’une communion entre les deux, l’homme étant en interdépendance avec la nature.



J’aime l’écriture de Balzac, même si parfois, il nous noie sous les détails. Elle est fluide, aérienne. On a l’impression de voir la scène sur un écran, justement grâce à ces détails. On a le son et l’image. On peut rêver. Je voyais Foedora se déplacer dans l’espace, traitant les autres avec mépris, ignorant l’un, favorisant l’autre pour entretenir les rivalités. Elle n’existe que par sa cour et ses artifices.



Le personnage de Pauline est plus simple, elle n’est pas calculatrice, attendant exigeant tout des autres comme le fait Foedora. L’une est naturelle parfois même nunuche par sa sincérité alors que l’autre est dans le virtuel, dans l’apparence, personnifiant ainsi ce que Balzac veut faire passer comme message (l’être et le paraître, la réalité et le virtuel dirait-on de nos jours, le principe de réalité et le principe de plaisir (clin d’œil aux disciples de Freud !!).



Il décrit de belle manière, la superstition, l’obsession par une idée, une pensée qui l’envahit, l’excès de pouvoir que Raphaël accorde à la peau de chagrin, qui en rétrécissant, raccourcit sa vie, le fait vieillir prématurément, lui vole sa vie, comme s'il y avait un conflit entre le désir et la longévité.



J’aime beaucoup cet auteur, je lis chacun de ses romans, avec lenteur, en dégustant comme une friandise, même s’ils ne sont pas tous égaux, j’ai besoin de prendre mon temps, car j’ai envie très souvent de noter des phrases entières pour m’en souvenir…



Je dois à Balzac une découverte importante : comme je l’ai déjà dit, à treize ans environ, j’ai reçu « Eugénie Grandet » à la distribution des prix (une cérémonie qui me laisse de très bons souvenirs, n’en déplaise à certains ministres…) et cela fut un coup de foudre, c’est le livre qui a changé ma vie comme dirait François Busnel (La Grande Librairie); je découvrais les grands auteurs pour la première fois, c’était l’entrée dans la cour des grands….



Ensuite, Balzac m’a fait rêver avec le beau Lucien Chardon de Rubempré, ou avec « Le lys dans la vallée », et cela marche encore, heureusement car j’ai toute « la Comédie Humaine » à dévorer ou à relire selon les cas…..



Donc encore un coup de cœur… j’espère que ma critique vous aura donné envie de lire ce roman si ce n’est déjà fait…



Challenge « 19e siècle »
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Le Père Goriot

Le Père Goriot est une oeuvre grandiose.



Ce roman est avant tout un grand cri d'amour, paternel certes, mais un amour sublime que porte Joachim Goriot à ses deux filles, Delphine de Nucingen et Anastasie de Restaud. J'ai été émerveillée par ce père si pauvre, logeant dans une misérable pension chez Madame Vauquer, mais, qui, pour le bonheur de ses filles, se sacrifiera jusqu'à la fin de sa vie...Quel homme ! J'ai rencontré peu de personnages aussi généreux (mais le mot est trop faible) que ce bon Père Goriot...



Toutefois, Balzac nous dépeint également, à travers les portraits plus ou moins satiriques de ses personnages, le Paris du début du XIXème, glorieux, mais également corrompu par l'argent.

Dans cette ville animée par les scandales financiers ou familiaux, nous suivons le jeune Eugène de Rastignac, étudiant en droit et locataire de la maison Vauquer, sorte de Bel-Ami, qui, par le biais des femmes, veut faire son chemin. J'ai beaucoup aimé ce personnage, finalement le seul qui restera fidèle au Père Goriot jusqu'à la fin, attachant et qui se bat contre l'injustice de ce monde.



Ce qui m'a le plus marquée dans ce merveilleux roman, c'est le décalage entre la richesse des demoiselles Goriot et leur entourage, superficiel et égoïste, et la pauvreté qui règne dans la pension Vauquer, autour de ses pensionnaires (Le Père Goriot, bien sûr, mais aussi Eugène ou encore Victorine Taillefer, abandonnée par son père). La fin est d'ailleurs désespérante au plus haut point. Seule l'ambition de Rastignac, afin de venger son ami Goriot, constitue une lueur d'espoir dans une société ravagée par la haine et le mensonge...



Ainsi, je ne peux que m'incliner devant le talent De Balzac, démontré dans ce premier roman de "La Comédie humaine", fresque inoubliable, et, bien évidemment, immense Oeuvre de la littérature française...

Magistral !



A lire !!
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Le Père Goriot

C'est toujours avec émotion que je regarde mon exemplaire du Père Goriot sur mes étagères.



Ce roman a été mon premier vrai coup de coeur pour un classique. Non pas que je n'en avais pas lu avant, c'est juste que celui là a été une révélation !

C'était à la fin de ma 4ème (ok ça date!), j'étais l'une des seules à avoir lu et apprécié Eugénie Grandet et quelques mois après j'ai vu ce livre du même auteur et je me suis dit "pourquoi pas!".



Et là, dès que j'ai ouvert le livre... Je ne voulais plus le lâcher ! A tel point que je l'ai dévoré en 2 jours ! Le sort de ce père si gentil et si dévoué à ses 2 filles qui se révèleront êtres ingrates, des vraies pestes ! Et qui, pire encore, abandonneront leur pauvre père à son sort alors que lui ne cessera jamais de les aimer.



Maintenant que je suis devenue adulte, quand j'ouvre des pages au hasard, l'histoire prend encore une autre dimension. Je ne suis plus une adolescente dans le délire "les adultes sont tous nuls et personne ne me comprend", et ce personnage de père me touche encore plus qu'il y a 14 ou 15 ans maintenant.



Libre à chacun d'en penser ce qu'il voudra, mais il me semble que c'est à ce genre de "détails" qu'on reconnaît un grand livre !
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Un Épisode sous la Terreur

Honoré de Balzac nous offre ici une nouvelle assez particulière, sans le caustique ni le luxe de description habituels. Tout est épuré et, une fois n'est pas coutume, il fait l'éloge de ses personnages.



Un mystérieux homme (je cache volontairement son identité afin de ne pas ruiner l'effet recherché par l'auteur) vient réclamer une messe clandestine à un abbé, terré dans une mansarde miteuse aidé de deux sœurs dévotes. Le plus étonnant est que l'étranger en question vient, très solennellement, demander une messe pour... le feu roi Louis XVI !



(Vous avez compris que la Terreur est bien entendu cette période de la Révolution française durant laquelle les têtes volaient pour un oui, pour un non sous le grand couperet de la guillotine ; surtout si l'on était, de près ou de loin, ami du clergé ou de la noblesse.)



Balzac sait y être poignant et célébrer le dénuement et la dévotion. Bref, un beau petit morceau de nouvelle selon moi, mais de cela, ce sera toujours à vous de juger par vous-même car ceci n'est que mon avis, un tout petit avis sous la terreur d'une erreur, autant dire, pas grand-chose.
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Le Colonel Chabert

Le Colonel Chabert est l'un des trésors que nous a légué Balzac et auquel je témoigne le plus grand respect. On y sent souffler les accents sublimes qui deviendront, sous la plume d'Hugo, Les Misérables.



Dans ce petit roman, l'auteur nous mène sur les sentiers d'une quasi résurrection, celle d'un brillant et brave grognard de Napoléon que tout le monde a cru mort et enterré à la bataille d'Eylau. L'histoire se corse lorsque réapparaît le vieux colonel bien des années plus tard et que sa légitime épouse, remariée, devenue comtesse et richissime s'aperçoit que l'essentiel de son bien pourrait être revendiqué par son ancien mari...



Honoré de Balzac cisèle dans la dentelle une narration impeccable, et dresse un portrait surprenant de l'avoué Derville, qu'on sent mi honnête homme, mi canaille, pouvant verser de l'un ou l'autre côté selon d'où vient le vent, à l'image de Petit-Claud dans les Illusions Perdues, mais qui, pris d'une commisération, rare en cette engeance, et tel que nous le connaissons par ailleurs, dans Gobseck par exemple, va tout mettre en œuvre pour secourir le vaillant vieux soldat.



J'en ai assez dit si je ne veux pas trop déflorer cette perle, ce grand chef-d'œuvre de littérature, mais bien sûr, tout ceci n'est que mon avis, dont la validité ne tient qu'à un coup de sabre, plus ou moins bien placé, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Eugénie Grandet

Honoré de Balzac - Eugénie Grandet - 1834 : Eugénie Grandet a-t-elle vu la vierge ? Non car elle est la vierge elle-même ou tout du moins une sorte de sainte. En effet la jeune femme vie en enfer au domicile d'un père ancien tonnelier devenu riche à millions grâce à des placements heureux. Ce père dont l'avarice crasse et la totale insensibilité transforme la vie de sa femme et de sa fille en chemin de croix quotidien garde jalousement sa progéniture sous sa coupe espérant pour elle un parti qui décuplera sa fortune. Dans cette vie d'ascète apparaît alors l'ange Gabriel en la personne du cousin Charles, neveu ruiné du père Grandet la bouche pleine de promesses d'amour éternel. Mais lui malgré ses ailes ne vient pas pour apporter le paradis à la jeune femme mais une vie faites de regrets et de frustration. Car malgré les serments échangés dans l'alcôve d'Eugénie, le cousin ne tiendra jamais ses engagements et après quelques années à chercher fortune il préférera négliger sa belle cousine pour épouser une femme laide et bien mieux dotée. A la mort du vieux tyran, Eugénie deviendra la femme la plus riche de la région et l'épouse distante d'un bourgeois de province à qui elle n'apportera que son patrimoine gardant ses besoins de femme aux souvenirs de son amour déçu. Balzac réussissait là une peinture saisissante d'une petite bourgeoisie médiocre d'esprit et de mœurs délaissant les élans du cœur et la générosité pour des valeurs uniquement basses et matérielles. La vie de couple sous cet hospice ne paraissait alors qu'une longue formalité traversée de petites joies et de déceptions futiles. «Eugénie Grandet» c’était aussi le magnifique portrait d’une femme liée tout autant au romantisme de son âme qu’à l’obligation de devoirs d’une société dominée abusivement par la gente masculine... un bien beau classique
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Sarrasine

Sarrasine est une nouvelle De Balzac, très fluide, qui sera dévorée en quelques heures (voire moins si vous êtes rapide) et je pense avec plaisir (probablement d'autant plus que vous serez proche de l'âge du protagoniste principal, c'est-à-dire dans les 20-22 ans).



De prime abord, sans jamais avoir rien lu sur cette nouvelle, j'imaginais qu'il s'agissait d'une femme, probablement une demoiselle, nommée Sarrasine, et dont tonton Honoré allait nous conter les mésaventures (Balzac, c'est souvent des mésaventures, faut avouer ce qui est !).



Or, point de tout cela. Sarrasine est un nom de famille, pas un prénom, et il désigne un homme et pas la fameuse demoiselle à laquelle on pouvait s'attendre. Notre Ernest-Jean Sarrasine est donc un jeune sculpteur bourré de talent mais quelque peu fougueux et indomptable à ses heures (on comprend pourquoi le grand Rodin a dédié un peu de son travail à Balzac à la lecture de cette nouvelle qui fait l'éloge de la profession).



Mais voilà, ce qui devait arriver arriva : Sarrasine tomba follement amoureux. La sublime déesse lui inspire moult dessins, études et sculptures, mais il y a un hic. Et quel hic ?... ça, je vous laisse le découvrir car si je vous en dis plus, vous saurez tout avant de l'avoir lue ce qui serait dommage...



Une nouvelle, donc, oui, on se dit que ce n'est pas un très gros morceau de l'œuvre de Balzac et il est vrai qu'elle n'a pas la profondeur de certaines autres de ses œuvres. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Cette nouvelle fut jugée tout de même assez intéressante par le grand critique qu'était Roland Barthes pour y dédier toute une étude publiée sous le titre S/Z, rien que cela. Donc, en vous fiez pas trop aux apparences, petite nouvelle mais grandes implications. J'ajoute enfin que ce texte m'a beaucoup fait penser à une autre nouvelle, de Paul Morand cette fois, intitulée La Fleur double.



Stop, je m'arrête là, promis, car le risque de gâcher l'effet est grand, mais, (ne l'oubliez surtout pas), ne vous fiez pas aux apparences... du moins c'est mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Adieu

Adieu est un tout petit roman ayant pour décor les suites de dommages causés par le repli catastrophique de la grande armée de Napoléon sur les berges de la Bérézina en 1812.



Il y a de nombreux points communs entre ce tout petit roman et le célèbre Colonel Chabert lui aussi victime des dommages collatéraux des batailles napoléoniennes. (Je dis " tout petit roman " car bien que le volume puisse faire penser à une nouvelle, le développement en deux temps bien distincts doit nous faire penser plus à un roman qu’à une nouvelle.)



Ici, au hasard d’une partie de chasse, le baron Philippe de Sucy, vétéran de la campagne de Russie et ayant passé des années au bagne de Sibérie, croise un peu plus de six ans plus tard, dans un ancien monastère délabré non loin de L’Isle-Adam, une femme mi-sauvage mi-folle qui attire toute son attention.



Elle est difficilement reconnaissable, mais son cœur ne saurait lui mentir. Il s’agit bien de la comtesse, femme d’un général, qui était sa maîtresse en 1812, qu’il aimait éperdument et qu’il a dû abandonner sur la rive gauche de la Bérézina quand lui, ayant tout mis en œuvre pour la sauver, a dû se résoudre à demeurer sur la rive droite, aux mains des soldats russes qui le firent prisonnier.



Cette rencontre lui cause un choc, d’autant plus que, renseignements pris, on lui confirme que la comtesse a sombré dans une folie profonde et se comporte désormais, en tous points, comme un animal.



Le colonel de Sucy compte sur la force de leur amour pour parvenir à ranimer la raison défaillante de celle qui fut son unique amour...



Comme il sait si bien le faire, Honoré de Balzac signe un récit poignant, dans la veine romantique, mais sans chichis ni trémolos, sans débordement de pathos.

On peut reprocher peut-être un scénario un brin téléphoné, façon Symphonie Pastorale de Gide, mais toujours suffisamment solide et bien construit pour tenir en haleine le lecteur de bout en bout sans lui infliger une déconvenue lors de la chute.



Donc, une narration agréable et recommandable, du moins, c’est mon avis, un tout petit avis ballotté sur les glaces flottantes de la Bérézina, c’est-à-dire, bien peu de chose.
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Le Père Goriot

L'amour paternel, l'ingratitude filiale, l'ambition juvénile et le machiavélisme viril ; autant de sujets qui font de ce roman, un livre indispensable.



Certes, le nom De Balzac peut décourager beaucoup de lecteurs d'aujourd'hui par son réalisme pointilleux. Or, Balzac n'était point un prolixe mais un perfectionniste au niveau du détail. le père Goriot ne fait pas exception à cette règle balzacienne. Son lecteur doit être patient pour passer cet obstacle premier où la description domine et s'étale sur plusieurs pages. Mais ce début est loin d'être un handicap sérieux comme dans Le bruit et la fureur par exemple. Cette description des lieux où va se produire une grande partie de l'histoire, nous permet d'imaginer ce cadre spatial avec exactitude et d'observer cette interdépendance entre l'individu et son milieu. Balzac n'hésite pas à personnifier les objets pour les rendre plus vivants et sa description plus intéressante qu'ennuyeuse. Il nous présente les personnages principaux en nous informant sur les tréfonds de leur âme et sur leurs secrets. Cette entrée est comme un premier mouvement dans une symphonie où un allegro sonore dérange un amateur de musique douce qui doit attendre le passage vers le tendre adagio ou andante. Cette présentation passée, le lecteur peut suivre, à son aise la dramatisation de cette intrigue. Et là Balzac agit en dramaturge (il n'a pas réussi dans ce domaine mais il a bien su exploiter tout cet art dans ses romans). On assiste alors à une succession de crises et de coups de théâtre. Tout s'éclaircit pour le lecteur et pour les personnages aussi, par le retour sur le passé de certains protagonistes importants et l'explication de certains faits.



Dans le Père Goriot, le personnage d'Eugène de Rastignac réapparait comme l'un des personnages centraux du roman. Encore un jeune homme ambitieux - apparemment le roman français du XIXème siècle favoriser beaucoup la jeunesse ambitieuse – qui veut réussir dans une société où les apparences sont importantes. Son destin se croise avec celui de cet humble vieillard nommé le père Goriot. Ce dernier incarne parfaitement l'amour paternel le plus dévoué et l'altruisme le plus excessif. Rastignac devait se frayer un chemin dans cette société et pour ce faire il avait deux voies : le machiavélisme diabolique de Vautrin ou le pragmatisme rusée de sa cousine la vicomtesse. Rastignac choisit le chemin le plus doux. Au fur et à mesure que le jeune homme va grimper l'échelle de la réussite (une réussite inachevée certes), le vieillard va dégringoler vers sa perte. Et entre ces deux personnages, plusieurs historiettes secondaires vont se dérouler (certaines mêmes trouveront un prolongement dans d'autres romans de la Comédie Humaine). Tout ce fourmillement de personnages divers nous brosse un tableau réaliste de ce qu'était le XIXème siècle français.

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La Messe de l'Athée

Honoré de Balzac nous a offert cette somptueuse nouvelle, qui balbutie quelque peu au démarrage, mais qui explose par la suite pour devenir un vrai petit bijou, fort et poignant, comme il sait les faire.



Elle met en scène un chirurgien célèbre, Desplein (alias Guillaume Dupuytren dans la réalité, contemporain De Balzac) mentor du médecin Bianchon, que les adeptes de la Comédie Humaine connaissent déjà comme membre du Cénacle (voir le Père Goriot pour la constitution de la maison Vauquer ou Illusions Perdues pour plus de détails sur le Cénacle en question).



Cet illustre et fantasque chirurgien, connu pour ses positions résolument athées, est une fois surpris par Horace Bianchon alors qu'il se rend à une messe à Saint-Sulpice. Stupeur de Bianchon qui s'interroge sur la signification de cette mascarade. Il voit le manège se reproduire périodiquement mais Bianchon, trop admiratif de ce maître, n'ose aborder clairement la question avec l'illustre chirurgien...



Je vous laisse découvrir la chute, si vous ne la connaissez déjà, mais sachez simplement que cette nouvelle est très vraisemblablement à l'origine d'une des plus célèbres, voire, LA plus célèbre chanson de Georges Brassens : Chanson Pour L'Auvergnat.



Donc une petite lecture très agréable et pas risquée du tout (je parle pour ceux que le nom De Balzac effraie quelque peu). Ceci dit, ce n'est là que mon avis d'athée folle de la messe, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Facino Cane

Honoré de Balzac est surtout connu pour ses romans. Or, un examen rapide de sa production nous apprend que sur les à peu près 90 titres de la Comédie Humaine, une bonne cinquantaine sont des nouvelles. La nouvelle chez Balzac, ce serait tout un programme !…



Eh oui, car il y a manière et manière d'écrire des nouvelles. de nos jours, c'est peut-être davantage la nouvelle centrée sur une situation qui récolte la palme. On ne s'y appesantit guère sur les personnages mais la pirouette finale est souvent astucieuse. Cependant, il existe des tas d'autres angles d'attaque pour rédiger une nouvelle, notamment celui du portrait.



La nouvelle portrait, plus très en vogue à l'heure actuelle, est pourtant celle qui m'intéresse particulièrement, car elle a en commun avec le roman de se focaliser sur des personnages bien plus que sur des péripéties dont j'aurai tout oublié dans quelques jours. Qu'est-ce qui fait que j'aime des pièces de théâtre comme Cyrano ou Montserrat ? Là encore, le fait qu'elles nous dépeignent des personnages inoubliables.



Tout le monde ou presque connaît Cyrano, pourtant, qui se souvient précisément de la situation et des événements de la pièce ? Non, on ne retient que Cyrano. Et donc, j'affirme qu'il existe un espace vraiment digne d'intérêt pour ce registre dans l'exercice de la nouvelle.



Iouri Kazakov est un expert dans ce domaine ; Guy de Maupassant ne dédaignait pas, de temps en temps, de s'y adonner tandis que celui qui est considéré comme l'un des grands nouvellistes du XXème siècle, Raymond Carver, ne s'y employait guère.



Personnellement, je suis incapable de vous citer un personnage marquant dans toute l'oeuvre de Carver et c'est ce qui fait que je ne l'aime pas à 100 % alors même que je lui reconnais un incroyable talent dans cet exercice.



Ici, Balzac a su faire très court. En trois coups de pinceaux, il a su faire naître un personnage et a su nous le rendre intéressant. C'est un vieillard, c'est un aveugle, il joue de la clarinette dans les bals populaires et plutôt mal à la vérité. Il vit de ça pourtant. Étrange non ?



Qu'y a-t-il derrière ces yeux voilés ? Quels drames, quelles aventures, quels bonheurs ou quelles déconvenues passés ? Outre le grand talent De Balzac, qui n'est probablement pas ici à son degré extrême, il nous fait toucher du doigt le coeur de sa profession, du moins tel que lui l'entendait. Il nous l'explique très bien au tout début de la nouvelle.



Il nous confie son secret, l'art, la science éthologique de faire comprendre et de transmettre aux autres ce que fut la vie d'untel ou d'untel. C'était ça le talent De Balzac, voir en l'autre un sujet intéressant, enfiler pour un temps son costume et sa façon de penser et nous la restituer par écrit. Balzac, le grand éthologiste du genre humain. Ce n'est pas pour rien que son oeuvre s'appelle La Comédie Humaine.



On interprète souvent de travers ce titre général. Il s'oppose à la Divine Comédie de Dante. Comédie, chez Dante ne veut pas dire comique, elle veut simplement dire qu'elle est narrée en langue vernaculaire, c'est-à-dire proche du peuple, compréhensible par le plus grand nombre.



Et comme Balzac n'a rien à faire du divin et qu'il s'intéresse au peuple, dans son acception la plus large, c'est-à-dire du plus infect vagabond au représentant de la plus haute aristocratie, il y a comédie " humaine ". Oui, c'est cela La Comédie Humaine, c'est juste cela : « Je vais vous parler des gens, de tous types de gens, et dans la langue de tous. Je ferai parler le banquier juif Alsacien avec son accent à couper au couteau, je ferai parler la mégère ou le prince tels qu'ils s'expriment vraiment et non dans le but de faire du beau, littérairement parlant. »



Facino Cane, l'ange vénitien déchu a donc tout à fait sa place dans la galerie de portraits du gigantesque musée de l'homme qu'est la Comédie Humaine. Ni plus ni moins que Rastignac, le jeune homme de province aux dents longues, ni plus ni moins que Pierrette, la jeune fille exploitée par ses cousins, ni plus ni moins que le père Grandet, le vieil avare pathologique, ni plus ni moins qu'Esther, la sublime courtisane au coeur trop tendre, etc., etc.



Voici donc du bon Balzac, peut-être pas le top niveau d'après moi, mais déjà très sympathique à lire. En outre, de tout ceci comme du reste, gardez à l'esprit que ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Modeste Mignon

Comment ne pas être séduit par Modeste Mignon ?



Voici une jeune femme intelligente, cultivée, polyglotte (anglais, allemand), aimant la littérature, qui ne se laisse pas éblouir par la fortune soudaine de sa famille, et qui avec beaucoup d’écoute, d’attention, de finesse d’analyse, analyse les discours de ses soupirants, écarte avec tact les importuns, et choisit, avec audace, liberté et détermination, le plus modeste et le plus obscur de ses amoureux.



La fortune paternelle est bâtie sur le trafic d’héroïne, qui fit au XIX siècle la fortune de l’Angleterre notamment, mais cet anachronisme se révèle peut-être simplement prémonitoire, l’argent n’ayant pas d’odeur, et ce roman de Balzac est d’une saisissante actualité !



Imaginons Modeste adresser des messages WhatsApp à une vedette du show business … le chargé de communication répondre aux groupies … et vous retrouvez notre roman. Avec évidemment une écriture revue, actualisée et corrigée … et à mes yeux décadente.



Oui, décidément j’aime Modeste Mignon une des figures les plus modernes de l’œuvre de Balzac.

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La Peau de chagrin

Je l'ai lu il y a quelques années déjà; c'était mon deuxième Balzac (après le Colonel Chabert). J'ai découvert dans ce récit fantastique un nouveau Balzac tout à fait différent du premier. La peau de Chagrin est l'un de ces romans qui vous envahissent, que même en se séparant de lui vous gardez toujours une vapeur étrange qui vous hante. Jusqu'à maintenant je garde toujours en mémoire cette atmosphère sombre et ces scènes inoubliables comme ce début où le héros a envie de se suicider, cette conversation extravagante où Balzac veut imiter son maître Rabelais (dans la conversation à la naissance de Gargantua), ce duel ainsi que cette scène finale (que je ne décrirais pas).
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Splendeurs et misères des courtisanes

Un Balzac giratoire !

Combien de rues, avenues, carrefours, stations de métro, animaux de compagnie, boutiques, restaurants ou gâteaux (ah, non le Saint Honoré, ce n’est pas lui !) portent déjà le pédigrée du Napoléon des Lettres ? Et pas un seul croisement ne porte sa dédicace alors qu’il est le génie du carrefour littéraire.

A quand donc le baptême d’un rond-point pour honorer Honoré et ce chef d’œuvre absolu qui concentre pas moins de 273 personnages dont la plupart sont de vieilles connaissances de nos lectures scolaires plus ou moins imposées et qui symbolise si merveilleusement le projet gargantuesque de l’inventeur du roman moderne.

Je n’aurai pas la prétention d’annoncer comme une ancienne ministre aux traits très étirés, qui parle trop pour ne rien dire pour avoir le temps de lire, que j’ai dévoré les 93 romans de la Comédie Humaine (c’est un challenge que je réserve pour mes très vieux jours) mais j’ai déjà consommé du Balzac sans modération et Splendeurs et misères des courtisanes mérite le panthéon de mes lectures.

C’est autant la suite d’Illusions Perdues que l’apothéose du Père Goriot. C’est surtout la vengeance ultime du personnage de Vautrin et la victoire sans appel de l’ambition sur la morale. Fini le roman d’apprentissage et les dépucelages de jeunes provinciaux par des bourgeoises désœuvrées. Les héros de splendeurs et misères des courtisanes ont été déniaisés par la vie. Rastignac est un arriviste qui est arrivé, Lucien de Rubempré n’a plus beaucoup d’illusions et devient la marionnette de Vautrin, la belle Esther est une ancienne courtisane surnommée la Torpille (tout un programme !) qui ne survit que pour l’amour de Lucien et le banquier Nucingen est dévoré par le démon de midi qui s’éveille plutôt dans un cinq à sept.

L’histoire ne se raconte pas, elle se dévore. Elle a autant enrichi mon été qu’un voyage. Vautrin, l’ancien bagnard déguisé en prêtre, alias Trompe-la-Mort, alias Carlos Herrera, sosie caché de Vidocq, sponsorise le retour de Lucien de Rubempré dans le Grand Monde à Paris avec l’ambition de lui faire épouser une jeune fille d’une illustre famille aristocratique, label bleu, AOC, Appellation d’Origine Cossue.

Le plan se heurte à plusieurs écueils : Lucien est amoureux d’une ancienne courtisane, Esther Gobseck, le potentiel beau-père se méfie des intentions du bellâtre, exige une caution d’un million pour autoriser le mariage et les comploteurs doivent faire face à des policiers aussi retors qu’eux. Un plan avec accrocs.

Pour financer l’opération, Vautrin va utiliser les charmes de la belle Esther et son esprit de sacrifice pour plumer le banquier Nucingen, lourd volatile.

Balzac offre ici avec un panache extraordinaire le mode d’emploi de la machinerie sociale de son siècle, aussi complexe à déchiffrer qu’un canapé Ikea. Jeux de masques et des apparences, tout est dans l’emballage. La vie chez Balzac se résume à une conquête dépourvue de morale pour le pouvoir, les hommes ou les femmes, l’argent et le statut social. Des vertus réduites à peau de chagrin, à faire chouiner un chouan, du développement personnel qui ne passe pas par la méthode Coué ou des séances de yoga en tenue de lycra façon Salami mais par une ambition impitoyable, et un dénouement qui consacre la canaille. Balzac n’était pas un génie de la pensée positive. Ses personnages se suicident encore plus facilement que ceux de Zweig.

Balzac écrivait des histoires pour que les gens arrêtent de se raconter des histoires. Il portait déjà le deuil des transcendances.

Un rond-point incontournable !

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La Peau de chagrin

La misère et la tentation du suicide ont amené le jeune Raphaël de Valentin errant dans Paris à cette rencontre maudite... Drôle d'antiquaire et sa "peau de chagrin" en son pacte faustien... « Si tu me possèdes, tu posséderas tout, mais ta vie m'appartiendra ». Désormais rien à faire, car cette peau de chameau rétrécit à chaque fois qu'un voeu s'accomplit : l'on tombe malade et l'on mourra lorsque le talisman ne sera guère plus gros qu'une tache de café ... Sauf que la richesse, la gloire, la séduction des femmes -- que l'on aura connues avant -- vous laisseront à l'âme un goût de vide... Formidable récit, entre réalisme du pavé parisien (où "l'ancien pauvre" Raphaël cotoiera l'arriviste Eugène de Rastignac) et cette fantasmagorie d'une boutique obscure à l'existence bien incertaine ... Un chef d'oeuvre du fantastique romantique balzacien, publié pour la première fois en 1831. (*)



(*) Cette toute petite "critique" vient d'être intégrée à la liste : "Le romantisme en cent oeuvres : liste OUVERTE, chronologique et universelle" (déc. 2014) sur Babelio.
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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