Interview exclusive de Howard McCord
Lors d'un bref passage à Paris avant de s'établir pour 2 mois à sa résidence d'auteur de Venise, Howard McCord a accordé aux éditions Ring cet entretien exclusif.
L'idée de chercher un moyen pour être plus à l'aise avec les autres, et les autres avec moi-même, n'a jamais eu une quelconque importance pour moi.

J'assassine pour l'Etat et cela est censé donner à mes actes une forme de légitimité, à défaut de noblesse. C'est un mensonge, évidemment ; je sais que mes mobiles ne changent rien à mes actes. Un meurtre avec préméditation est un meurtre avec préméditation, que vous le fassiez pour l'argent, la vengeance, le patriotisme ou par simple colère. La différence, si différence il y a, réside dans le fait que la société - la nôtre comme les autres - ne punit pas les crimes commis à sa requête et que vous êtes alors censés avoir la conscience tranquille. La société vous paie pour cela, comme elle paie pour tous les services dont elle a besoin. Ce n'est pas l'acte, ni même l'homme, que nous jugeons lorsque nous pendons l'un comme un gredin et médaillons l'autre comme héros. Nous ne jugeons que l'effet produit sur la société. La conscience, quant à elle, n'est qu'un agglomérat de pulsations de neurones conditionnés. La conscience est un lubrifiant social : elle reflète notre connaissance des règles qui rendent le jeu jouable. Mais elle ne devrait jamais asservir l'intelligence. La guider oui. Pas l'asservir.
Si vous souhaitez garder vos illusions, ne creusez pas les questions que vous adressez à ceux qui ont passé beaucoup de temps sur les champs de mort du monde. Car même les sots qui prétendent agir pour une cause abstraite savent dans leurs rêves que c'est un mensonge. Le Devoir, la Justice, Dieu, la Patrie, l'Honneur ne sont que vanités.
Je n'ai jamais senti une grande différence entre poésie et prose. La poésie "n'est que moelle et essence", comme l'a écrit un exégète de Pound, et la prose comble les blancs. Toutes deux sont des applications esthétiques et imaginantes du langage qui, comme l'a dit Suzanne Langer, bien avant les ordinateurs, crée des mondes virtuels.
Les trolls des lieux sauvages ne doivent pas être craints ; ils sont là parce que la beauté doit être aimée et l'est toujours. Les choses se connaissent elles-mêmes, et cette connaissance se reflète de telle sorte que nous pouvons la saisir.
Le passé n'est réel que par la mémoire, et la mémoire est un petit courant électrique, plus fragile qu'une soie d'araignée.
Le ciel était maintenant vide de nuages, même si l'air conservait un plaisant parfum d'humidité, et le terrain était bon. Marcher sur une crête est une de mes grandes joies. J'aime être en hauteur, j'aime regarder la terre tomber de chaque côté, j'aime cette sensation de marcher comme un funambule. Il me souvint alors que, même traqué, j'avais toujours choisi les crêtes plutôt que les vallées.
Je suis un assassin, de caractère comme de profession. Nous sommes moins nombreux que les guerriers, je pense, parce qu’il est plus facile d’écouter les tambours et de marcher au pas que de rester seul dans le noir, à attendre. Mais cette pensée ne découle que d’un biais qui m’est propre et je ne la développerai pas. Je dirai simplement qu’un assassin peut être tout aussi héroïque, vertueux, patriote et assoiffé de gloire que n’importe quel guerrier.
Je ne savais pas si l’on me suivait, et cela m’était égal. Je crois que si j’avais croisé quelqu’un ce jour-là, ou le suivant, je l’aurais abattu sans hésitation et sans plus de motif que l’agacement suscité par sa présence. C’était à cause de ce genre de sentiments que je passais ma vie sur la Lune ou en des lieux semblables. Je ne suis pas de bonne compagnie pour les autres, je le sais.
Qu'elles concernent l'art, l'amour ou la mise à mort, les valeurs sont une affaire personnelle. Une question de goût et de conventions, rien d'autre. Autant qu'il m'était possible de le faire, je mes suis toujours efforcé d'agir en ces domaines avec calme et raison. Je sais ce que j'aime et je sais ce que je veux. Je suis même prêt à me sacrifier pour les autres. Si je le veux. Je le veux rarement, c'est une des raisons pour lesquelles je vis depuis toutes ces années sur un territoire comme celui que m'offre la Lune : vaste et vide.