Citations de Howard Phillips Lovecraft (1122)
Les histoires fantastiques véritables doivent acquérir l'intensité de la réalité par une fidélité parfaite et très étroite de la Nature. […]. L'auteur doit introduire peu à peu, et graduellement, des phénomènes anormaux allégés à chaque instant par un détail prosaïque et familier.
"N'est pas mort ce qui semble à jamais dormir, en d'étranges éternités, la mort même peut mourir."
H.P Lovecraft
Le Mythe de Cthulhu
Éditions J'ai Lu
Page. 29
J'ai déjà dit que la monotonie ininterrompue de ce paysage de collines basses était pour moi la source d'une horreur diffuse; mais je crois pouvoir ajouter que celle-ci n'était rien à côté de celle que je ressentis lorsque j'atteignis le sommet du monticule et que je baissai les yeux vers une fosse, ou un canyon, si profond que la lune ne s'était pas encore suffisamment élevée dans le ciel pour en éclairer tous les sombres replis.
("Dagon")
Nous vivions une existence de reclus, sans le moindre ami, seuls, dans quelques pièces d'un ancien manoir construit au milieu de longs marécages méphitiques et déserts. Il était bien rare qu'un visiteur vînt frapper à notre porte.
Mais la plupart des légendes et des impressions rapportées avaient trait à une race relativement récente, que son apparence bizarre et compliquée distinguait de toutes les formes de vie connues de la science et qui s'était éteinte cinquante millions d'années à peine avant l'avènement de l'homme. C'était, précisaient ces légendes, la plus importante de toutes les races; car elle seule avait conquis le secret du temps. La faculté qu'avait ses esprits les plus affûtés de se projeter dans le passé ou l'avenir - fut-ce à travers des gouffres de plusieurs millions d'années - afin d'étudier les cultures de chaque époque lui avait permis d'apprendre tout ce qui avait un jour été ou serait un jour connu sur Terre.
("Dans l'abîme du temps")
Incliné au-dessus de l'insondable abîme,
Noir chaudron de sorcière où bouillonnent les herbes,
J'entrevis aussi loin que porte le regard
Les parois de jais sombre, lisses comme du verre
Enduites de la poix que le royaume des Morts
Jette sur ses rivages visqueux.
“Jamais un homme sain d’esprit ne s’était approché si dangereusement des arcanes de l’entité originelle — jamais un cerveau organique n’avait frôlé d’aussi près l’annihilation totale dans le chaos qui transcende la forme, la force et la symétrie. J’appris d’où vient Cthulhu.”
Le combat contre le temps est la seule activité digne d'un écrivain.
(cité par L. et C. Sprague de Camp dans Les énigmes de l'archéologie)
On ne descend ainsi que dans les hallucinations ou le délire. Cet escalier n'en finissait pas. On se serait cru dans un puits hideux et la torche que je tenais au-dessus de ma tête ne pouvait éclairer les profondeurs insondables où je m'enfonçais.
L'océan est vaste et solitaire, et, de même que toutes choses en proviennent, elles y retourneront. Dans les lointaines profondeurs du temps, plus personne ne régnera sur la Terre, et il n'y aura plus aucun mouvement, sauf dans les eaux éternelles. Elles viendront battre les rivages sombres de leur écume assourdissante, bien qu'en ce monde mourant plus personne ne puisse voir la froide lumière d'un soleil affaibli jouer sur les marées tourbillonnantes et le sable grossier. Il ne subsistera, à la limite des profondeurs, qu'une écume stagnante, où se rassembleront les coquilles et les os des êtres disparus qui vivaient au fond des eaux. Des objets silencieux et mous, privés d'une vie paresseuse, seront ballottés le long des rivages vides. Puis tout sera noir, car pour finir même la lune sur les vagues lointaines disparaîtra. Il ne restera rien en dessus comme au dessous des eaux sombres. Et, jusqu'à la fin des temps, au delà de la mort de tous les êtres, la mer continuera de battre à travers la sinistre nuit.
Le combat contre le temps est la seule activité digne d'un écrivain.
"Il y aura toujours une certaine proportion de gens qui ressentiront une curiosité brûlante à propos des espaces extérieurs inconnus, et un désir brûlant d'échapper à la prison du connu et du réel, pour atteindre ces pays enchantés de l'aventure incroyable que nous ouvrent les rêves [...]"
[extrait de" Notes sur l'écriture de la fiction surnaturelle"]
Nous aurions dû savoir depuis le début que la curiosité humaine est inépuisable, et que nos résultats officiels suffiraient à encourager les hommes dans cette sempiternelle poursuite de l’inconnu.
En d'autres mots, nous ne mesurons plus les hommes comme les êtres humains, mais comme les pièces efficaces d'une vaste machine mathématique sans autre but ni raison que l'accroissement de la précision et de la rentabilité de ses propres mouvements inutiles et stériles. Voilà pourquoi l'avènement inévitable de la nouvelle aristocratie de l'âge de la machine, composée de dirigeants mentalement supérieurs, ne me donne aucun espoir d'une civilisation renouvelée. Cette future aristocratie - dont les pionniers sont déjà parmi nous, personnalisés comme ils le sont par les industriels comme Ford, Firestone, Rockefeller, Stinnes, Lever, etc., etc. - sera uniquement celle de la richesse, de la splendeur, du pouvoir, de la vitesse, de la quantité et des responsabilités; car ayant été fondée sur l'acquisition et l'industrie, elle tirera naturellement tous ses courants affectifs de cet idéal vide de sens constitué par la taille, la mesure, le précision et l'activité pour l'activité... l'idéal grossier du FAIRE, par opposition à l'idéal civilisé de l'ÊTRE.
(à James Ferdinand Morton, 1929)
De lointaines montagnes flottaient dans le ciel telles des cités enchantées et, souvent, sous l’effet de la magie du soleil de minuit rasant, le monde blanc se dissolvait tout entier pour faire place à un pays or, argent et écarlate digne de rêves dunsaniens et riche de promesses d’aventures.
Il y a un vieil épigramme qui définit un gentleman comme "un homme qui se fiche comme d'une guigne d'être ou non un gentleman"... et je voudrais développer ce principe à d'autres arts que celui de vivre, en déclarant qu'un artiste est celui qui se fiche pas mal de savoir s'il crée ou non de l'art, mais qui réussit en n'essayant pas de réussir, et dont le but est simplement de s'exprimer, et qui, sans faire exprès, se retrouve en train de créer une beauté authentique.
(à mademoiselle Elizabeth Toldridge, septembre 1929)
Plus il se retirait du monde, plus ses rêves devenaient merveilleux ; et c'est en vain que l'on aurait essayé de les retranscrire. Kuranès n'était pas moderne. Il ne pensait pas comme les autres écrivains, qui s'efforcent de dépouiller la vie de ses robes brodées de mythes et de montrer dans toute son horrible nudité cette chose répugnante qu'est la réalité.
Celephaïs
Il recommanda aussi à Carter de se déguiser en goule, en rasant sa barbe qu’il avait laissée pousser (car les goules en sont dépourvues), en se roulant dans l’humus pour obtenir l’aspect désiré, puis en marchant le dos voûté, ses vêtements roulés en paquet comme s’il s’agissait de quelque mets de choix volé dans une tombe.
Le temps, l'espace, la vue et la réalité ont leurs tours et détours que seul un rêveur peut percer à jour.
Et comme l'esprit, pour pouvoir provoquer toutes les manifestations qui lui sont attribuées, ne peut se plier aux lois qui régissent la matière, pourquoi serait-il grotesque d'imaginer des choses mortes douées d'une vie psychique et possédant des formes ou des absences de forme qui serait pour les humains ordinaires fonciérement, terriblement innommables ?