Soirée Positif, revue de cinéma, éditée par les éditions P.O.L, à l'occasion des 40 ans de Positif, avec Michel Ciment, Hubert Niogret, Eithne O'Neill, Paul-Louis Thirard, Yann Tobin, Jean-Loup Bourget, Jean A. Gili, Bernard Cohn, Albert Bolduc, Fredy Buache, Thomas Bourguignon, Gérard Legrand, Emmanuel Carrère, Anne Duvauchelle, Thierry Fourreau, Jean-Luc Mengus, Christophe Mercier, Victoire de Wissocq, Olivier de Bruyn, Monique Otchakovsky-Laurens, Paul Otchakovsky-Laurens - Les éditions P.O.L ont édité Positif revue de cinéma du numéro 368 au numéro 419
+ Lire la suite
Cela désarçonne les gens, alors qu'il suffirait de savoir, au départ, que le film n'est pas fait pour être suivi de manière traditionnelle : ils voient un jeune couple séduisant, fortuné, dégageant une forte tension sexuelle. On pense être en terrain connu, on a vu plein de films similaires. Puis leur comportement mutuel, l'absence apparente de psychologie vous déstabilisent. C'est un film qui ne vous dicte pas ce qu'il faut que vous ressentiez. Il n'attend pas votre réaction : il est là, c'est tout.
(Au sujet de Crash!)
Mettant en parallèle le corps anatomique et le corps social, Cronenberg montre comment un seul organe touché peut gangrener tous les autres. (Concernant Rage)
L'homme n'a pas encore vraiment accepté son corps. Pour la plupart des gens, leur corps est dégoûtant, et ce sentiment me paraît très étrange car il s'agit d'eux. Pourquoi n'accepter que la surface ?
J'ai lu dans un journal au début des années soixante-dix que des jumeaux gynécologues, absolument identiques, avaient été trouvés morts à New York. C'étaient des médecins très en vue et qui s'étaient spécialisés dans le traitement de la stérilité. J'ai trouvé l'histoire si parfaite et si bizarre que j'ai tout de suite pensé que quelqu'un en ferait un film. Puis je me suis progressivement rendu compte que si je voulais un jour voir ce film, il faudrait que je le fasse moi-même.
Je reconnais mes propres caractéristiques, comme n'importe qui, et je n'ai jamais eu l'intention de faire un documentaire, une reconstitution historique ou quasi historique, être fidèle à l'original, Le Festin Nu de William Burroughs. Je vois plutôt cela comme un rêve que j'aurais eu à propos de Burroughs et de son livre, un rêve auquel j'ai apporté toutes mes obsessions, mes idiosyncrasies. Je n'ai jamais espéré plaire à tous les fans de Burroughs, mais seulement satisfaire mon public, car c'est bien du public du cinéma dont je parle, non d'un public littéraire auquel je n'ai pas l'habitude de m'adresser. Ils ne sont pas complètement distincts, mais leurs attentes sont différentes.
A cause de la domination des films hollywoodiens et de la télévision, le public a une perception très étroite de ce que le cinéma peut accomplir. Il y a des normes fixées par le cinéma américain en termes de personnages, de narration, de musique, de montage, de couleur, et, si les spectateurs ne les retrouvent pas sur un écran, ils sont perdus.
Si leur pratique les met en contact avec les entrailles de la femme, les Mantle ont aussi leur appréciation esthétique : leur patiente trifidée présente pour eux une incroyable "beauté interne" - c'est la première fois qu'on dit ça de mon intérieur " ironise-t-elle; et son ausculteur de prôner la création de critères destinés à évaluer la plus belle rate, les plus beaux reins... En beauté donc, les entrailles valent bien l'apparence physique ou les qualités d'âme.
Mais le cinéma, c'est fait aussi pour choquer, non?
J'ai commencé à le lire, et je l'ai trouvé très dur, dérangeant, sans compromis, très fort. J'en ai lu à peine la moitié et je l'ai laissé de côté en me disant :"Jamais je ne pourrais en tirer un film !"
(au sujet de Crash !, qu'il réalisera finalement...)
Et quoique le réalisateur ait maintes fois expliqué que le choix de Marilyn Chambers s'est opéré à la dernière minute (il voulait Sissi Spacek, rejetée par ses producteurs à cause de ses tâches de rousseur !) il y a une suprême dérision à voir une ancienne princesse du porno en martyre de la chair.