Au programme de cet épisode, deux livres, écrits par des femmes (oui, oui, il y en a plus que vous ne le pensez) et qui traitent de la figure maternelle dans leur vie. A travers le deuil avec "Les falaises" de Virginie Dechamplain (éditions La Peuplade) et à travers une enfance mouvementée et chaotique avec "Basse naissance" de Kerry Hudson (éditions Philippe Rey)
Générique et sound design : Gampopa
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« Je fais des excuses. S’il vous plaît. Je dis je suis désolée. Je fais erreur. Je suis nouvelle et c’est facile d’être confuse. Cette ville elle est grande et les gens aiment pas qu’on leur parle comme des amis et c’est tellement cher, même toilettes. Trente pence à Victoria ! Je vous demande de comprendre. Pensez juste… erreur bête. Chaussures sont là et rien n’est perdu. Je vous demande. S’il vous plaît. »
Des années plus tard, on me raconta cet épisode à la manière d’une histoire drôle pour me mettre en garde contre le fameux caractère des femmes Ryan, mais au moment où maman rassembla son courage pour sonner à la porte, il n’y avait rien de drôle, rien du tout, chez cette femme tremblante de vingt ans en chemise de nuit et manteau, avec un bébé qui hurlait dans le landau à côté d’elle.
"Je crois que beaucoup de ceux qui ont un préjugé contre la pauvreté ne se rendent pas compte que nous sommes tous susceptibles d'y basculer.
- Oui, il suffit qu'il manque quelques salaires, ce qui peut arriver à tout le monde."
Quand on vous a dit tous les jours de votre vie que vous n'avez rien à offrir, que vous ne valez rien pour la société, pouvez-vous échapper au sentiment d'être de basse naissance quel que soit le chemin parcouru ? (p. 15)
Torry était un pays en soi. Je me demande ce qui serait arrivé si un peu de l'argent du pétrole avait été réinvesti à Torry au fil des ans. Si les habitants avaient hérité d'une parcelle de ce lustre et de sentiment de prospérité. Quelle différence cela aurait-il fait de grandir dans ces conditions ? Quels auraient été les résultats pour les enfants qui auraient su que leur ville les trouvait dignes d'un environnement convenable comme tout le monde ? (p. 92)
J'avais onze ans, bientôt douze et pas le bon accent (...)Pas non plus les bons vêtements. Pas d'amis, pas de liens familiaux. Encore plus grave, j'étais clairement, visiblement, pauvre-il n'y a rien de pire. Il était inévitable que je me fasse massacrer au collège. (p. 190)
Malgré mon trac, j'entrai dans l'école. La curiosité et l'attachement sont chez moi des moteurs puissants. Plus puissants peut-être que mon angoisse sociale ou ma peur d'être jugée. (p. 167)
Je faisais encore confiance à tout ce que ma mère me disait.Je portais des vêtements d'occasion bizarres qu'elle me donnait et,si elle réclamait ma présence, je restais à la maison.Notre relation était extrêmement intense,simplement parce qu'elle était isolée et que je me trouvais en porte-à -faux avec le monde qui m'entourait. Je n'étais pas seulement sa fille,j'étais l'unique personne au monde en qui elle avait confiance. (p 196 )
Liverpool 2018
Cette année m'a permis de répondre à de nombreuses questions que je me posais et d'enterrer des mensonges sur la pauvreté qui m'ont fréquemment amenée à me sentir différente ou inférieure. Je comprends maintenant que beaucoup de monde a intérêt à ce que les pauvres restent pauvres, à faire croire aux gens du milieu d'où je viens qu'ils ne méritent pas mieux (...) (p.275)
Nous étions une famille en verre, elle était une maman en verre et il fallait que je nous enveloppe, que je la traite avec douceur.