C'est dans ce cadre, chez lui, qu'il reçut l'hommage de la cérémonie des "Molières" pour un "Molière" d'honneur. Il ne vit pas la longue, la très longue et émouvante ovation de son public, rassemblé dans son théâtre, les téléspectateurs non plus...Un peu tard, non? C'était en 1993, il avait presque quatre-vingt-dix ans.
Cela tombe bien : il n'aimait pas les hommages.
L'acteur est un poète qui écrit sur le sable (Antoine Vitez).
Jean Dasté, grâce à Jacques Copeau, a pu apprécier les innovations révolutionnaires des metteurs en scène du Théâtre de Moscou, (Stanislavski, dont Copeau a fait connaître l'ouvrage fondamental: Ma vis dans l'Art et que le jeune Dasté a peut-être croisé en 1922, lors de la visite au Vieux-Colombier) : l'essentiel est l'âme des personnages, leur intériorité , qui s'exprime dans le regard, les silences, le rayonnement de leur vie intérieure, au sein d'une atmosphère suggérée par les sons, (par exemple les bruits de la campagne dans l'Oncle Vania), les décors, le physique des personnages ou de façon plus abstraite (Meyerhold).
Q'appelez-vous "théâtre populaire" ?
C'est un théâtre qui intéresse la large majorité de la population contemporaine et ce dernier point est important : nous nous efforçons de choisir un répertoire qui reflètent les préoccupations d'aujourd'hui, qui témoigne des aspirations, des angoisses, des joies des hommes et des femmes qui travaillent et au milieu desquels nous vivons.
C'est grâce à une recherche et à un travail commun, en respectant la personnalité de chaque acteur, que l'on crée un style original. Les comédiens ont besoin de se soutenir, de s'aider, de s'inspirer les uns les autres, de trouver et de créer ensemble. Rien ne remplacera pour le public, la cohésion d'une troupe. Le public populaire aime revoir une troupe unie par un style de travail. La conquête d'un public est d'autant plus vivante efficace et joyeuse qu'elle est celle d'une équipe.
A propos de Shakespeare:
Le public populaire attend beaucoup du théâtre, il y va comme à une fête. Les sujets particuliers ne l'intéressent que médiocrement. Il aspire à découvrir, sur la scène, de grands personnages dans les conflits qui permettent de révéler les capacités de grandeur ou de déchéance de l'homme. (...) A ceux qui demandent : "Est-ce que le public a compris?", on peut répondre , en reprenant les propos de Michel Saint-Denis, à propos de Hamlet: " Il ne s'agit pas d'une question philosophique. L'important est que le public soit mis en présence d'un spectacle au lieu d'un texte surchargé de commentaires. On intellectualise. Là est l'erreur, la pierre d'achoppement..." La poésie est l'expression d'une réalité profonde, qui participe aux mondes magiques et féeriques auxquels nous convie Shakespeare. Ne sommes-nous pas faits "de l'étoffe de nos rêves"?
« En 1945, il fallait que la province française participe à la vie théâtrale qui avait connu avant et pendant la guerre un grand renouveau… Cet éclatement de la vie théâtrale hors de Paris correspondait, après les années de guerre au retour exaltant de la liberté. » (Jean Dasté)
Pierre-Aimé Touchard a bien résumé le succès de l'aventure stéphanoise : "la victoire de la Comédie, c'est une troupe et un public".
Parler de lui c’est entretenir vivante la mémoire d’un homme qui participa à la naissance, à la croissance jamais achevée de l’homme.
Car il a su garder vivant en lui ce que nous perdons presque tous en devenant adulte : la faculté d’émerveillement, les yeux grands ouverts devant le monde, le plaisir du jeu, l’imagination en éveil.
Parcours exemplaire dans l’histoire du théâtre du vingtième siècle, c’est pourquoi j’ai intitulé l’ouvrage : « Un homme de théâtre dans le siècle ». Un homme de théâtre, mais pas de n’importe quel théâtre, un théâtre d’Art, populaire et décentralisé.