Comme Jake est un brillant causeur, l’un des meilleurs que j’aie jamais rencontrés, je m’attendais à retrouver cette qualité chez ses parents. Je croyais qu’on parlerait travail, et peut-être même politique, philosophie, arts plastiques, etc. Je croyais que la maison serait plus vaste et en meilleur état. Je croyais qu’il y aurait plus d’animaux vivants.
On parle de résilience, cette capacité à endurer tout et n’importe quoi, à tenir le coup, à être fort. Mais ce n’est faisable que si on n’est pas seul. Tel est le socle de nos existences : cette proximité avec autrui. Si on est seul, tout n’est plus qu’une question de survie.
Il est très rare que les autres sachent tout ce qu’on pense. Même ceux dont on est proche, ou apparemment proche. Peut-être est-ce impossible. Même dans les mariages les plus solides, les plus soudés, les plus heureux, les conjoints ignorent ce qui trotte dans la tête de l’autre. On n’est jamais dans la tête de l’autre. On ne peut jamais connaître réellement ses pensées. Or, ce sont les pensées, l’important. Les pensées, c’est la réalité.
Une action peut être trompeuse.
Il me semble que, l’idée répandue, c’est que la peur est une émotion passagère. Une émotion vive et percutante, mais qui ne dure pas. Ce n’est pas vrai. L’anxiété ne s’estompe pas, à moins d’être remplacée par autre chose. La peur panique reste et se développe, si elle en a l’occasion. On ne peut ni la surmonter, ni la tromper, ni la maîtriser. Sans traitement, elle ne fait que grandir. La peur est une éruption cutanée.
Plus on se dit que nous devrions être heureux, que le bonheur est une fin en soi, moins ça se réalise.
- Qu'est ce que tu entendais précisément quand tu disais que tout souvenir est une fiction?
- Un souvenir est réinventé à chaque fois qu'il est convoqué, répond-il. Sa vérité n'est pas figée. Une histoire fondée sur un fait réel a souvent plus à voir avec la fiction qu'avec le fait qui l'a inspirée. Tout comme une fiction, un souvenir est fait pour être recyclé: tous deux sont des espèces de récit.
Une vie à deux ne peut ni se simuler ni faire l'objet d'une préparation. C'est une expérience en temps réel. Pas de substitut pour cette complémentarité, le fait de se créer de véritables souvenirs.
[Il] ressemble à ses parents, au-delà de l'apparence physique. Mouvements subtils. Gestes. Comme eux, il se frotte les mains quand il réfléchit. Et il parle comme eux, aussi. (...) C'est frappant. Voir quelqu'un avec ses parents nous rappelle concrètement que nous sommes tous des composites.
Il est toujours en train de bouquiner. En ce moment, il est plongé dans un livre de Jean Cocteau. Ça doit faire cinq fois qu'il le relit.
Mais il se laisse également happer par tout ce qui lui tombe sous les yeux. Au début, j'avais cru que c'était pour ça qu'il se taisait, le matin. Nous sommes tellement différents. Moi, je préfère me réserver un moment pour la lecture, afin de pouvoir me laisser captiver par l'histoire. Je serais incapable de lire en mangeant.
On n'imagine jamais qu'on se retrouvera dans une situation pareille. Épié, traqué, séquestré, livré à soi-même. On entend parler de ces choses-là. On lit ce genre de faits divers, de temps en temps. Que certains se plaisent à terroriser leur prochain nous indigne. Qu'est-ce qui cloche chez ces gens-là ? Comment peut-on se retrouver dans ces situations ? L'idée qu'on puisse faire le mal pour le mal, c'est choquant. Mais tant qu'on n'est pas visé, ça va. On oublie. On passe à autre chose. Ce n'est pas à soi que ça arrive, mais à un autre.