Ian McDonald -
La Petite Déesse et autres nouvelles .
A l?occasion des Utopiales 2013 à Nantes,
Ian McDonald nous présente son nouveau recueil, «
La Petite Déesse et autres nouvelles » publié aux éditions Denoël lunes d?encres. Pour en savoir plus : http://www.mollat.com/livres/mcdonald-ian-petite-deesse-9782207111260.html http://www.mollat.com/livres/mcdonald-ian-fleuve-des-dieux-9782070453610.html http://www.mollat.com/livres/ian-mcdonald-maison-des-derviches-9782207111307.html Notes de musique : treasureseason, Return to Dope Mountain, Fjords ®
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Ce que veulent les femmes n'a rien de mystérieux : qu'on arrête de leur parler de soi, qu'on les écoute, qu'on les fasse rire.

Les économistes qui enseignent prennent la crise démographique de l'Inde comme un élégant exemple de défaillance du marché. Ses germes datent du siècle précédent, avant que l'Inde ne devienne le Tigre des Tigres économiques, avant que les jalousies et rivalités politiques la divisent en douze États concurrents. "Un garçon charmant", voilà comment cela avait commencé. "Un fils beau, robuste, élégant, bien éduqué et prospère pour se marier, élever des enfants et s'occuper de nous quand on sera vieux." Le rêve de toute mère, la fierté de tout père. Multipliez par les trois cents millions de la classe moyenne naissante de l'Inde. Divisez par la possibilité de déterminer le sexe d'un embryon. Ajoutez l’avortement sélectif. Allez vingt-cinq ans plus loin sur l'axe des x, introduisez de nouveaux facteurs tels que les techniques sophistiquées du XXIe siècle - patchs pharmaceutiques puissants et bon marché vous garantissant la conception de charmants garçons, par exemple - et vous obtenez le grand Awadh, sa vieille capitale Delhi aux vingt millions d'habitants et à la classe moyenne comptant quatre fois plus d'hommes que de femmes. Défaillance du marché.
Un beau parti
Ce qu'il y a de triste, dans le romantisme, c'est que la réalité n'est jamais à la hauteur des fruits de l'imagination et que la déception est par conséquent inévitable. Dans le monde réel, il reste toujours des coins d'ombre, la tapisserie pèle le long des plinthes, le porte-parapluies a perdu un de ses chérubins et certains carreaux sont craquelés.
L'obsession est une démence douce et sournoise.
Elle m’agace assez vite, cette tendance de nombreux Indiens à présumer que comme notre culture est très ancienne, nous avons tout inventé. L'astronomie ? Made in India. Le zéro ? Made in India. La nature indéterminée et probabiliste de la réalité telle que révélée par la théorie quantique ? L'Inde. Vous ne me croyez pas ? Les Veda disent que les quatre Grands Ages de l'Univers correspondent aux quatre résultats possibles de notre jeu de dés. Le Krita Yuga, l'Age de la Perfection, est le meilleur score possible. Le Kalî Yuga, l'Age des Dissensions, des ténèbres, de la décomposition et de la désagrégation, le plus mauvais score possible. Tout cela est un jeu de dés divin. Les probabilités ? Indiennes.
Laisser l’initiative à l’opposant relève toujours d’une piètre stratégie. Miyamoto Musasbi [une des figures emblématiques du Japon, maître bushi, philosophe et le plus célèbre escrimeur de l'histoire du pays (merci Wikipédia)] n’a-t-il pas déclaré qu’il faut « presser l’oreiller de son adversaire »… autrement dit l’empêcher de relever la tête. Contrer toutes les actions pouvant servir ses intérêts et n’autoriser que celles qui ne lui rapporteront rien, telle est la voie de la stratégie.
Commettre un meurtre pour faire disparaître des informations compromettantes était devenu sans objet depuis la mise au point des techniques resurrectrices. Les crimes passionnels restaient en revanche aussi populaires et répandus qu'à l'époque où Caïn avait disjoncté. Ils étaient en outre moins dangereux. Les coupables démasqués et condamnés risquaient au maximum un bannissement de dix ans, fréquemment assorti d'un sursis. Était-ce bien grave, après tout ? Les victimes continuaient de marcher, parler, manger et déféquer.
J'ai de tout temps existé... le jeune guerrier héroïque, le protecteur et libérateur de son peuple destiné à mourir en pleine fleur de l'âge.
J'étais présent bien avant que l'homme ne commence à apporter de l'importance à son histoire. J'ai été [...] un idéal impérissable. On dit qu'il n'y a en ce siècle pas de place pour les héros, pour les mythes et les légendes mais la nature des hommes est immuable.
La mort est le plus grand des aphrodisiaques [...] Pour quelle autre raison des vivants seraient-ils descendus de leurs collines et auraient-ils franchi les portes lumineuses de la Cité des Morts, sinon pour qu'un jaillissement de fluide laiteux et un tressaillement d'ovaires leur confirment qu'ils vivaient ?
J'ai peur de la mort. On dirait un animal, une sale bête sournoise qui court à mes trousses depuis ma naissance.