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3.52/5 (sur 44 notes)

Nationalité : République dominicaine
Biographie :

Rita Indiana, née le 11 juin 1977, est une romancière et auteure-compositrice-interprète queer dominicaine, sélectionnée en 2011 comme l'une des 100 personnalités latinos les plus influentes selon El País.

Née et élevée à Saint-Domingue, elle est la petite-nièce de la soprano Ivonne Haza. Après avoir étudié dans une école catholique, elle entre l'Université autonome de Saint-Domingue pour étudier l'histoire de l'art mais abandonne au bout d'un an1.

Rita Indiana est ouvertement lesbienne. De part sa taille — 1,82 m —, elle est surnommée la monstra (le monstre) dans sa République dominicaine natale

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Citations et extraits (9) Ajouter une citation
Le sale boulot, évidemment, c’était pour le négro. « Négro », s’entendit-il dire en crachant la fumée par la bouche. Un petit mot, grossi au fil du temps par d’autres significations, toutes odieuses. Chaque fois que quelqu’un le prononçait au sens de pauvre, sale, inférieur, criminel, le mot s’enflait, il devait être sur le point d’exploser, et quand finalement cela arriverait, sans doute ne signifierait-il plus rien qu’une simple couleur. Son corps était ce ballon de chair qui contenait le mot, mille fois gonflé par le regard malfaisant des autres, de ceux qui se croyaient blancs.
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Là où d’autres voyaient un paysage, Linda Goldman ne trouvait que désolation. Où d’autres entendaient le silence apaisant des fonds marins, elle saisissait le cri d’un trésor saccagé. Où d’autres contemplaient le don de Dieu à la jouissance de l’homme, elle déplorait un écosystème victime d’assauts systématiques et criminels. Aux prises avec le récif de corail, elle avait l’impression d’être un onclogue devant le corps de son patient. Elle se savait prête à le sauver, connaissant aussi sur le bout des doigts l’immense capacité du mal et sa portée. Pour que le miracle s’accomplisse, il fallait un mélange d’extrême optimisme et de réalisme critique, en quantités à même de rendre fou n’importe qui. Dans le cas du récif, cela ne dépendait pas seulement d’elle ou de son équipe, mais également de la rééducation d’une communauté, d’un gouvernement et d’un plan de protection à long terme. Ce travail auquel elle avait juré de consacrer sa vie entière pourrait prendre des années. Certains jours, son engagement lui semblait insignifiant face, par exemple, à l’ancre de quelqu’un du village, qui en une minute avait dévasté un corail pluricentenaire, anéantissant un précieux spécimen qui de surcroît était l’habitat des poissons dont il avait lui-même besoin pour survivre. Faute d’éducation et de de salaires suffisants, les gardes-côtes chargés de l’application des lois sur l’environnement à l’Ensenada étaient les premiers à les enfreindre, à jeter à l’eau leurs déchets, à pêcher au harpon et à prélever des coraux pour les vendre. Les pêcheurs, de leur côté, avaient déjà assez de difficultés à trouver des poissons pour qu’on ne vienne pas leur dire où ils devaient jeter leurs filets et combien ils pouvaient en prendre.
Le sentiment d’urgence et la conscience du danger qui coulaient dans ses veines étaient la raison pour laquelle elle avait toujours vécu dans la proximité de cette mer. En 1939, son père était arrivé d’Autriche avec ses parents dans un Sosua sauvage dont les terres avaient été abandonnées par la United Fruit Company. C’est là qu’avec huit cents autres Juifs qui avaient réussi à échapper à l’extermination, il avait monté une entreprise laitière qui avec le temps approvisionnerait le pays tout entier. Enfant, à ses heures perdues, elle ramassait des bigorneaux, des galets et des bouts de corail sur la grève, les triant par taille et par couleur dans la gloriette du parc de la demeure familiale. Au cours d’un voyage à New York, Saul l’emmena avec ses frères visiter l’American Museum of Natural History. Elle voulait voir les animaux vivants, avait-elle dit à son père, pas des cadavres pleins de coton et de formol. En regardant les films du commandant Cousteau à la télévision locale, elle se fit une idée de la tragédie qui se déroulait sous les yeux de tous. Depuis des siècles, on saccageait impitoyablement la mer et, bientôt, elle serait vide et stérile. À l’université, quand elle travaillait à sa thèse sur les maladies des coraux des Caraïbes, elle passa une semaine sans dormir. Ses amis la retrouvèrent un jour à l’aube errant nue sur le campus, avec une lampe depoche. Après avoir assisté à la cérémonie de remise des diplômes bourrée de cachets, elle rentra à Puerto Plata diagnostiquée bipolaire et armée d’un plan de conservation que rejetait son père.
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La sonnette de l’appartement d’Esther Escudero a été programmée pour émettre un bruit de vague. Acilde, sa bonne, qui s’affaire aux premières tâches de la journée, entend quelqu’un en bas, à la porte de l’édifice, s’acharner sur le bouton, jusqu’à ruiner l’ambiance estivale obtenue quand on se contente d’une seule pression. Joignant l’auriculaire et le pouce, elle active dans son œil la caméra de sécurité qui donne sur la rue et voit l’un des nombreux Haïtiens qui passent la frontière pour fuir la quarantaine déclarée sur l’autre moitié de l’île.
Reconnaissant le virus dont le Noir est porteur, le dispositif de sécurité de la tour lance un jet de gaz létal, puis informe à leur tour les autres résidents, afin qu’ils évitent le hall du bâtiment jusqu’à ce que les collecteurs automatiques, qui patrouillent dans les rues et les avenues, ramassent le corps et le désintègrent. Acilde attend que l’homme cesse de bouger pour se déconnecter et reprendre le nettoyage des vitres chaque jour noircies par une suie grasse, dont vient à bout le Windex. Tout en essuyant le produit avec un chiffon, elle voit, sur le trottoir d’en face, un collecteur chasser un autre sans-papiers, une femme qui tente en vain de se protéger derrière un conteneur poubelle. L’appareil l’attrape à l’aide de son bras mécanique et la dépose dans son compartiment central avec la diligence d’un enfant glouton qui enfourne le bonbon sale qu’il vient de ramasser par terre. Quelques rues plus haut, deux autres collecteurs travaillent sans relâche ; à cette distance, Acilde ne distingue pas les hommes qu’ils poursuivent, ni les engins jaunes qui ressemblent aux bulldozers des BTP.
De son pouce droit, elle touche son poignet gauche pour ouvrir PriceSpy. L’application lui montre la marque et le prix des robots dans son champ visuel. Il s’agit de Zheng, dont la signification en anglais, To clean up, apparaît en dessous, accompagnée d’informations et d’images. Les collecteurs chinois sont des cadeaux du pouvoir communiste « pour atténuer les terribles épreuves que traversent les îles des Caraïbes depuis la catastrophe du 19 mars ».
La pluie de données qui obstrue sa vue complique l’époussetage des figurines en céramique Lladró ; elle ferme l’appli pour se concentrer sur sa tâche.
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Au bout d’un mois, Argenis, qui ne s’était toujours pas fait un seul ami, voyait avec envie les soirées organisées à la résidence étudiante par ces jeunes à peine sortis du Lycée français et de la Carol Morgan School. Des fêtes qui finissaient autour de la piscine ou sur les plages de Bayahibe, où ils se rendaient dans leur Alfa Romeo de l’année. La porte de son studio ouverte, au cas où quelqu’un voudrait l’inviter, il feignait de lire un exemplaire de The Shock of the New qu’il avait emprunté à la bibliothèque. Quand il était au fond du trou, il marchait sans but entre les bâtiments d’aspect ancien, mais vides d’histoire, de ce faux village médiéval.
Une de ces nuits-là, il vida complètement une bouteille de vieux Brugal et erra autour de l’école jusqu’à tomber, sans savoir comment, dans un bosquet de bougainvilliers. Des épines longues d’une paume lui lacéraient le visage et les bras, la pleine lune s’insinuant dans les ombres hystériques de la plante grimpante comme s’insinuaient aussi les voix d’une petit groupe d’étudiants qui le regardaient de l’extérieur en pouffant de rire. Ne trouvant pas la sortie, il finit par se jeter par terre, gémissant dans une flaque de vomi jusqu’à s’y endormir. Du fond de cette nausée dégoûtante surgit la voix d’une femme. Elle l’appelait : « Goya, Goya ! » Et il se disait : Mes prières ont été entendues, je me suis réveillé de ce cauchemar, je suis Goya.
En ouvrant les yeux, il trouva agenouillée à ses côtés Mme Herman, vêtue de sa veste rose Nike pour son jogging matinal, tandis que le premier soleil jaspait le visage mi-mauresque mi-inca de la femme qui avait traversé l’enchevêtrement d’épines pour l’aider. « Goya, levez-vous ! » Il se redressa, vit les éraflures coagulées sur ses bras, sentit son vomi sec, eut honte de lui, mais ce fut encore pire lorsqu’il apprit qu’à l’école on l’appelait Goya parce qu’on voyait de la pédanterie dans ses complexes de supériorité. Tout cela lui fut expliqué par la professeure Herman dans son appartement, où elle l’emmena pour qu’on le voie pas arriver dans cet état à la résidence. Elle lui prêta sa douche, un short et un T-shirt et soigna ses blessures avec de l’eau oxygénée et du mercurochrome. Puis elle lui prépara un café noir pour qu’il avale deux aspirines tandis qu’elle posait une pile de livres sur la table : Esthétique de la disparition, La Société du spectacle, Mythologies, Le Royaume de ce monde, L’Invention de Morel et Le Festin nu. Il n’avait pas pipé mot. En lui tirant les dreadlocks qui descendaient sur ses épaules, elle lui dit : « Réveillez-vous, Goya ! Secouez-vous, vous avez une technique impeccable mais vous n’avez rien à dire, regardez autour de vous, bon sang, vous croyez que ce dont nous avons besoin, c’est d’angelots ? »
La professeure Herman le fit dispenser des cours de dessin anatomique, dont Argenis n’avait nul besoin, pour qu’il digère pendant ces heures tout ce qu’elle lui passait – surtout des livres et des films. À la fin de la première année, Goya avait deux amis qu’il s’était gagnés en leur procurant de la marijuana haïtienne qu’il rapportait de la capitale. Même si ses travaux ressemblaient encore à des illustrations des Témoins de Jéhovah, il y régnait désormais une certaine ironie.
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Ayant compris que les flibustiers lui accordaient quelque répit la nuit et que la journée il leur appartenait en rêve même s’il ne dormait pas, Argenis décida d’attendre le lever du soleil pour se mettre au lit. Psychiquement épuisé, il se moquait bien des théories d’Ivan sur Goya. Dès qu’il s’endormit, il se retrouva avec les hommes de Roque, en train de cheminer sur un terrain marécageux, couvert de ronciers et de raisiniers.
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Ce type de coïncidence devait porter un nom. Lorsqu'il entendait un mot pour la première fois, surgissait du néant un flot de références, d'informations et de mentions à son sujet, comme si l'univers matérialisant les outils nécessaires à l'apprentissage, ou comme s'il approuvait une voie spécifique d'accès à la connaissance. (77)
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« Là où d’autres voyaient un paysage, Linda Goldman ne trouvait que désolation. Où d’autres entendaient le silence apaisant des fonds marins, elle saisissait le cri d’un trésor saccagé. Où d’autres contemplaient le don de Dieu à la jouissance de l’homme, elle déplorait un écosystème victime d’assauts systématiques et criminels.«
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Quand on le remonta à la maison, il avait l’air d’un poisson porc-épic, la tuméfaction allergique causée par le contact avec l’anémone était telle qu’on ne discernait plus ni ses yeux, ni ses dents. Heureusement, Linda, qui possédait un auto-injecteur d’adrénaline, lui fit une piqûre. Elle savait que l’anémone Condylactis gigantia, abondante à Playa Bo, n’avait pas assez de venin pour être fatale à l’être humain, sauf en cas d’allergie grave. Il demanda à Elizabeth de prendre son appareil photo numérique pour immortaliser cette curieuse monstruosité avant que son visage ne soit, quelques heures plus tard, revenu à la normale.
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Dans les Caraïbes, nous vivons dans les zones obscures du cerveau planétaire, comme sous l’emprise du LSD.
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