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3.45/5 (sur 33 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Ancienne élève de l'ENS, agrégée de lettres modernes, elle est aussi l'autrice d'un premier roman paru chez Rivages en 2019: "Tête de tambour". Elle plonge dans les affres de la psychose et explore la complexité des relations filiales et le poids de l'hérédité, à partir des notes éparses de son oncle schizophrène, reçues en héritage.
Elle a également signé en coécriture avec Hélène Ling un essai, "Le fétiche et la plume, la littérature nouveau produit du capitalisme", paru aux éditions Rivages, en 2022.



Source : France culture
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
On se suicide pour échapper à la pression de la vie, pour se soustraire aux exigences minuscules et aux parades familiales de l’existence. 
Parce que ça fout sacrément la pression, la vie. 
Il avait écrit ça en gros sur un Post-it orange au-dessus du bureau à petits papiers et des packs de soda entassés, collé sur la grande glace dans laquelle il se regardait tous les matins. Il en était à six bouteilles de Coca par jour, quatre paquets de Gauloises, cinq plaques de chocolat… Les années passant, de jeune et fringant, il était devenu ce corps méconnaissable et avachi de quadragénaire grossi par la bouffe anarchique de boulimique schizo addict. Il était devenu un ventre d’obèse surtout. Il se voyait encadré par deux pattes folles et une tête fêlée. Son jogging gris cédait sur les coutures. Il le cachait maintenant avec un peignoir éponge blanc XXL qui avait noirci sur les manches et à certains endroits. Un peignoir de clochard. Il s’appelait à présent dans ses notes Bibendum. p. 133
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Si on te menace, ne perds pas ton calme. Dis comme Baudelaire : « Messieurs, je suis trop lâche pour me battre »
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On n'avait rien trouvé pour l'aider à aimer, à se faire aimer, pour construire la vie. Le schizophrène n'a pas de projets d'avenir. Il ne peut pas. Pas d'avenir. Il n'a que le présent dégueulasse qui lui colle aux basques, pareil à un coureur qui voudrait faire un cent mètres avec deux boulets au pied - les calmants. Il ne sortira jamais de ses starting-blocks. C'est impossible. Il ne lui reste qu'à devenir encore plus fou qu'il ne l'est déjà, qu'à se mortifier, se scarifier pour dire sa haine de lui-même et à se retourner contre ceux qui l'enchaînent et le regardent impuissants - les médecins, les parents, les autres patients. Alors il devient un rapace au bec acéré prêt à déchirer toutes les carcasses environnantes, privant de joie et de vie les autres.
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INCIPIT
Anaël
Hiver 1972
«Ah! La vida buena! Monsieur veut qu’on lui apporte tout sur un plateau d’argent, il veut continuer à lisser ses moustaches devant la glace pendant que maman fait la popote, lave les belles liquettes et que papa se lève tous les matins, aux aurores, pour faire bouillir la marmite… » Le père, en bras de chemise, éructait en récurant une casserole dans l’évier, le visage rougeaud, pas à cause du petit verre de rosé qu’il avait bu ce midi, comme tous les midis, mais à cause de la colère qui montait. «On en a marre, tu comprends, on en a marre!» Il respirait fort. Le temps était à l’orage, on attendait la détonation.
Je ne répondais pas. J’avais décidé que je ne participerais pas aux divagations paternelles. Je regardais fixement mon assiette encore rouge du fond de ragoût à la tomate qu’avait préparé Bonnie, roulant entre mon pouce et mon index – en guise de contestation – les terminaisons de ma moustache.
Et zi et zi et zi. La paille de fer frottait le fond du fait-tout, le père insistait dans les coins. C’était un maniaque, il voulait que ça soit impeccable, que ça brille. Il repassait plusieurs fois aux mêmes endroits.
Personne ne parlait.
Et zi et zi et zi crissait dans le silence d’après-repas.
On n’entendait plus que ça: le râle du fer sur la fonte et les soupirs du père. Cela faisait déjà dix minutes qu’il avait entrepris de m’«expliquer la vie», et que j’encaissais sans répondre. «Toute façon t’as rien dans le pantalon», cette petite frappe de Djinn, mon soi-disant «pote», devait avoir raison… Bonnie ne disait rien, contenant sous ses ailes de papillon – ses paupières très fines – son énervement. Le crissement du grattoir commençait à me monter à la tête comme un vertige. Je m’étais mis à compter dans ma tête, très vite, de un à trente, à l’endroit et à l’envers, pour conjurer l’angoisse que je sentais venir. Bonnie faisait des allers et retours entre la table et l’évier. Elle avait commencé à débarrasser, posant les assiettes sales sur le plan de travail, à côté du père. Je lui avais fait un geste indiquant que je ne voulais pas qu’elle touche à la mienne, puis j’avais montré la panière du doigt, pour qu’elle me donne un morceau de pain, comme si je m’apprêtais à saucer le fond de ragoût. Elle avait plissé les yeux en me souriant. Une façon d’établir un peu de complicité entre nous au milieu du zi et zi et zi.
«Et voilà, propre comme un sou neuf.» Le père avait posé la casserole sur le rebord de l’égouttoir et la regardait avec fierté. Il reprit aussitôt, de plus belle: «Hein… Monsieur passe ses journées à la maison, enfermé dans sa chambre, à se tourner les pouces ou à se regarder dans la glace. Quand on lui demande d’aider à la vaisselle ou au ménage, il répond que ses mains ne sont pas celles d’un tâcheron! Ah ça, pour avoir de belles mains, tu en as des belles, t’inquiète pas, jusqu’aux ongles, qu’on dirait que tu t’es fait une manucure!» Le père ouvrit le robinet d’un coup sec et se lava les avant-bras. C’est sûr qu’on ne pouvait pas en dire autant des siennes – grosses mains aux doigts courts et larges, calleuses dans les paumes et sur les tranches. Il attrapa le torchon, le passa vigoureusement entre ses phalanges, puis le reposa.
Lentement, il se tourna vers moi: «Eh mon p’tit gars, tu m’écoutes quand je te parle?» Il avait la voix dure. J’en étais à vingt-neuf, vingt-huit, vingt-sept.
J’avais peur d’oublier un chiffre dans la liste. J’avais toujours le regard rivé sur l’assiette, la sauce formait des circonvolutions étranges, j’y voyais comme un visage avec des yeux énormes. Je sentis soudain un souffle sur ma nuque. C’était le père qui se tenait debout derrière moi. Il venait de poser la main sur mon épaule pour me secouer: «Oh? Tu m’écoutes quand je te parle» Pas de réaction. Je continuais à fixer mon plat. Je sentais les larmes se presser au bord de mes cils.
«Écoute, Michel, ça suffit maintenant. Fous-lui la paix!» C’était Bonnie. Maman dite Bonnie, Bonnie Cyclamen, parce qu’elle avait le cœur si bon et que ses paupières ressemblaient au cyclamen qu’on avait dans le salon. Ses yeux avaient la forme de deux pétales et cette même couleur étrange, d’un bleu tirant sur le mauve.
«Il est fatigué, le pauvre. Il a besoin de se reposer, qu’est-ce que ça change si c’est moi ou si c’est lui qui débarrasse la table?
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Je leur faisais payer le prix pour m'avoir impunément mis au monde. Je serais la croix à porter sur leurs épaules d'hommes pour toute une vie d'homme. Ils ne m'avaient pas tué quand ils avaient vu mon visage cyanosé de bébé tenu pour mort à la sortie du ventre de la mère, ni petit quand on pensait que j'avais une tumeur au cerveau tant j'avais la tête grosse de migraines, ni adolescent quand j'avais l'impression qu'un autre respirait dans mes hanches, ni plus tard, quand les doctes docteurs avaient décrété en choeur que j'avais des troubles relevant indubitablement de la psychiatrie?... Ils avaient tout fait, payant les meilleurs médecins, m'achetant les meilleurs viandes, pour que je vive cette vie d'âme morte, d'halluciné.
[...]
C'est à ce moment-là que je me fis cette promesse : tant que j'en aurai la force, je sèmerai la discorde dans leur foyer, je créerai l'âtre de guerre et je les regarderai s'entre-tuer comme des chiens affamés devant une charogne.
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Nous portons tous nos fantômes, la vraie question est de savoir jusqu'où nous pouvons coexister avec eux sans qu'ils nous dévorent.
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On n'avait rien trouvé pour l'aider à aimer, à se faire aimer, pour construire la vie. Le schizophrène n'a pas de projets d'avenir. Il ne peut pas. Pas d'avenir. Il n'a que le présent dégueulasse qui lui colle aux basques, pareil à un coureur qui voudrait faire un cent mètres avec deux boulets au pied - les calmants. Il ne sortira jamais de ses starting-blocks. C'est impossible. Il ne lui reste qu'à devenir encore plus fou qu'il ne l'est déjà, qu'à se mortifier, se scarifier pour dire sa haine de lui-même et à se retourner contre ceux qui l'enchaînent et le regardent impuissants - les médecins, les parents, les autres patients.
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Je ne souhaite à personne de mener cette existence suspendue entre la réalité, la pensée, les dialogues, entre ce que je crois, ce que je dis. Je ne souhaite à personne la cave. La vie en cave.

La sous-vie.
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Fatigué par des heures de marche à tourner dans le quartier, je m'arrêtai regarder les perroquets et les perruches dans leurs cages minuscules. Un gros perroquet gris du Gabon dormait le bec dans sa poitrine. Mais ce qui attira mon attention, c'étaient deux perruches, l'une vert émeraude et l'autre rouge cramoisi, qui avaient été mises au centre de la vitrine, côte à côte. Comme une pierre précieuse que l'on aurait solidement attachée à une pique de métal pour mieux la voir briller, la verte avait le cou rentré et ne bougeait pas, résignée dans sa petite boîte à barreaux contre la vitre du magasin, laissant ses pupilles se recouvrir de temps en temps de cette peau épaisse qui leur sert de paupières. Elle avait l'air ensuquée. Juste à côté, déformant son visage minuscule d'oiseau prisonnier entre les barreaux de sa cage, la rouge mordait les courtes barres de fer avec une rage obsessionnelle, sautant d'une patte à l'autre. Elle s'arrêtait quelques secondes, clignait compulsivement des yeux avant de recommencer ses bonds minuscules du perchoir au barreau, au fond de la cage, à nouveau jusqu'au perchoir. Je sentis une tristesse drue traverser mon thorax... Fallait-il finalement accepter sa condition pour vivre en paix ? Fallait-il toujours voir la cage ou imaginer la volière ?
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Maman disait qu'elle n'aimait pas Joana. Que Joana était laide, qu'elle avait les traits grossiers, que ses joues toutes tachées de rousseur la faisaient ressembler à une poire blette, piquée, noiraude. Je lui répondais: "Ne la juge pas ne la salis pas de ta mauvaise langue. Toute façon, t'as rien compris à ce qui la rend belle, c'est mes yeux sur ses tâches qui en font des cristaux ; et elle clinque." L'"amour" repassé aux élans poètes me donnait de la verve.
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