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Citations de Ingrid Seyman (37)


A l'inverse d'une partie de notre famille, mon père n'était juif que par intermittence. L'essentiel de sa pratique religieuse consistait à ajouter un suffixe à consonance israélite au patronyme des gens célèbres n'en étant pas encore pourvus. Et il suffisait qu'on entende à la radio les premières notes du tube 'Boule de flipper' pour que Patrick en baisse autoritairement le son et me convoque dans le salon :
« Esther, écoute-moi bien !
Corinne Charby, mon cul.
C'est Corinne Charbit qu'elle s'appelle.
Mais les Juifs ont peur, tu comprends.
Ils continuent à se cacher. »
J'appris ainsi que la plupart des gens qui passaient à la télé étaient de la même confession religieuse que mon père mais préféraient taire leurs origines par crainte des représailles. A trois ans, je ne savais pas encore en quoi consistaient ces représailles mais j'avais déjà peur, au cas où.
(p. 8-9)
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♪♫ https://www.youtube.com/watch?v=mBiTrNzJ7DE (1986)
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[Ma mère] posa la poêle sur le dessous-de-plat et commença à nous servir.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Agnès en désignant les rectangles de colin qui baignaient dans leur huile de friture.
- T'as jamais mangé de poisson ? s'étonna Jérémy sans soupçonner qu'Agnès n'ait pu connaître de cet aliment que sa version préindustrielle.
- J'en mange tous les vendredis soir, répondit Agnès. Je n'aime pas trop, à cause des arêtes.
Babeth [ma mère] s'engouffra dans la brèche :
- Esther se plaint tout le temps parce que je ne cuisine jamais et que je préfère de loin jouer à 'La Bonne Paye' avec elle. La maman d'Agnès passe certainement des heures aux fourneaux et Agnès n'est pas contente non plus.
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[ première rentrée à l’école privée Jeanne-d’Arc ]
Toujours bien rangée dans la file de ma classe, j'observai le corps du Christ qu'arboraient à leur cou mère Charles, Mme Monasterio - ma maîtresse de CP - ainsi que la quasi-totalité de mes camarades. Si j'avais déjà pénétré dans une église, c'était la première fois que je le voyais de si près. Le surprendre dans de tels états - agonisant au-dessus du tableau ou étouffant entre les seins de ma truculente maîtresse - ne me rassura pas.
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Toujours bien rangée dans la file de ma classe, j'observai le corps du Christ qu'arboraient à leur cou mère Charles, Mme Monasterio - ma maîtresse de CP - ainsi que la quasi-totalité de mes camarades. Si j'avais déjà pénétré dans une église, c'était la première fois que je le voyais de si près. Le suspendre dans de tels états - agonisant au-dessus du tableau ou étouffant entre les seins de ma truculente maîtresse - ne me rassura pas.
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«  Outre la gymnastique, mes parents partageaient une passion pour l’exhibitionnisme d’intérieur .
Ils vivaient donc nus, regardaient la télé nus, mangeaient des huîtres nus, sans crainte du ridicule ni de la facture de gaz puisque nous avions le chauffage central .
À l’unisson aussi , ils votaient à gauche , militaient contre la peine de mort et refusaient de m’acheter le journal Pif au motif que les communistes avaient du sang ( Juif) sur les mains . »
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Mon grand-père déposait sur la table de la cuisine 'Le Méridional' et 'Le Provençal', qui étaient les deux journaux de Marseille. Babeth, qui ne jurait que par 'Libération', refusait de lire ces torchons, au prétexte qu'ils faisaient semblant d'être de droite ('Le Méridional') et de gauche ('Le Provençal'), mais réussissaient l'exploit de ne parler de rien, tout en disant peu ou prou la même chose.
(p. 106)
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Il faisait très chaud le jour de ma première rentrée à l’école privée Jeanne-d’Arc. Et je fondais dans mes bottines en poil de chèvre.
Les mères des autres avaient fait un brushing.
On était venus en avance et Jérémy, qui s’ennuyait dans sa salopette rouge, tentait d’arracher le sparadrap d’un blanc douteux – qui ornait depuis peu le verre gauche de ses lunettes de vue – censé guider ses yeux vers ce point d’équilibre que ses pieds jamais ne trouvèrent.
Les fils des autres portaient des bermudas en flanelle.
Autour de nous, tout le monde se connaissait. Des filles en robes marine se racontaient leurs vacances. Et des mères en tailleur s’invitaient à boire le thé au bord de leur piscine sur le coup des 15 heures.
Personne n’avait l’accent marseillais. p. 29
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« En fait, Babeth n’avait qu’un seul défaut : mon père. À cause de lui, elle était capable de dire (et de penser) à peu près tout et son contraire. » (p. 55)
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Contrairement à la judéité, le statut de pied-noir n’était pas transmissible. Mon frère et moi ne risquions pas de l’attraper, même en marchant pieds nus sur les trottoirs du Prado, lorsqu’on rentrait l’été de la plage de la Pointe-Rouge. Il n’en demeure pas moins que j’étais incollable en Algérie française car cette région du monde – et plus précisément le village de Souk-Ahras – constituait le principal sujet de conversation de mes grands-parents. Pas une semaine sans qu’Isaac n’annonce à Fortunée qu’ils allaient enfin toucher l’indemnisation prévue pour les rapatriés (c’était comme l’argent du loto : un truc qu’on ne gagnait jamais) et sans que ma grand-mère n’évoque, un mouchoir à la main en prévision de ses futures larmes, les plus fastes années de La Perle de Souk-Ahras.
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En guise de parrain, j'héritai de Pierre, le mari corse de ma tante Josiane, plus connu pour sa fidélité au côtes-de-Provence et à sa passion pour la physique-chimie, qu'il enseignait, généralement soûl, aux élèves d'une boite à bac marseillaise, que pour sa ferveur religieuse.
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La vérité, c’est que mes parents détestaient les préliminaires. L’échauffement des sens, comme celui des ego avant une dispute, ne faisait pas partie de leur mode opératoire. Les engueulades entre eux surgissaient donc comme par magie, à la manière d’un film d’action qu’on aurait pris en cours de route.
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Le soir venu, ma mère s’inquiéta de me trouver nue sous ma robe. Comme il était hors de question de la mettre dans la confidence, j’imitai sa voix et lui balançai dans les dents :
Les culottes ça ne sert à rien.
On vit nu comme on naît.
Le reste c’est des conventions.
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En CM1, je me mis ainsi à vouer une passion maladive à l’orthographe et la grammaire, maîtrisant comme personne règles et exceptions. J’aimais les -eau, les -ai au lieu des -é. J’avais de l’affection pour les participes passés irréguliers. Je jouissais en apprenant des listes de « sauf » (hibou, caillou…) et d’obscures terminaisons de subjonctif imparfait. Au Noël de mes huit ans, j’exigeai un tableau de maîtresse et Jérémy me fut livré en guise de cobaye. Chaque soir, après l’école, je fermais la porte de la chambre derrière nous et menaçais son œil sans sparadrap de ma baguette : tu l’as pourtant bien vu ce mot, Jérémy ! Alors tu l’écris ! Et tu le réécriras jusqu’à ce que tu n’aies même plus à penser pour le faire.
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Tu vois, on achète ça parce que ce n’est pas une marque. » (Les marques étaient réservées aux idiots qui aimaient dépenser leur argent dans les marques.) Mais elle pouvait aussi me dire, en parlant d’un bloc de foie gras ou d’un canapé à six places : « On n’en a pas vraiment besoin mais on va le prendre quand même. Car il est essentiel – vraiment essentiel, tu sais, Esther – de se faire plaisir dans la vie. »
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Pourquoi lui et pas moi ?
– Parce que c’est un garçon.
– Et alors ?
– Les garçons ont un prépuce.
– J’en veux un.
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Je suis née d’une levrette, les genoux de ma mère calés sur un tapis en peau de vache synthétique. Je n’en suis pas certaine mais j’ai de fortes présomptions. D’abord parce que mes parents étaient aux sports d’hiver lorsqu’ils m’ont conçue. Surtout parce qu’ils n’ont jamais caché leur passion pour cette position.
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Nous n'avions pas de maison avec jardin, pas de salle à manger puisqu'on bouffait tous nus dans la cuisine et encore moins de pièce en trop, comme celle que les parents d'Agnès appelaient le "hall d'entrée" et dont la parfaite inutilité me semblait être le comble de la distinction. (p.63)
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À vrai dire, je trouvais cette grand-mère luisante et froide, elle me faisait penser à la cellophane qui recouvrait les canapés en skaï blanc de son salon et sur lesquels il était interdit de s’asseoir.
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De toute façon, nos familles ne s’étaient jamais entendues parce qu’ils aimaient les marques, les vacances dans les Alpes et les jouets rutilants – ma cousine Jessica avait même une moto électrique – quand nous n’avions que faire des signes ostentatoires de richesse. C’est en tout cas ce qu’affirmait ma mère, qui m’apprit à refuser les tours de moto que Jessica s’obstinait à me proposer dans l’espoir de me corrompre.
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Si chaque chose a une place, chaque chose est à sa place
Quand chaque chose a sa place, on sait où sont les choses
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