« La force de ceux qui aiment apaise même les tourments, la tendresse des femmes recèle tant de puissance. »
de Innokenti Annenski
Extrait du Ma nostalgie
Mythe d'octobre
Je suis triste. Je suis à bout.
J'entends les pas d'un aveugle :
Au-dessus de moi, toute la nuit,
Il trébuche sur le toit.
Et je ne sais si ce sont mes larmes
Qui brûlent mon cœur, ou si
Ce sont celles de l'aveugle
Qui coulent sans réponse,
Qui coulent de ses yeux troubles
Sur ses joues étiolées,
Et qui dans le silence de minuit
Se répandent sur les vitres.
Parmi les mondes
Parmi les mondes, les astres scintillants
Le nom d’une seule Étoile je me rappelle…
Ce n’est pas comme si je l’avais aimée vraiment,
C’est qu’avec les autres j’ai un ennui mortel.
Et si le doute pèse sur moi tel un fardeau lourd,
Elle seule pourra me donner une vision claire.
Ce n’est pas qu’Elle m’apporte la clarté du jour,
C’est qu’avec Elle on n’a plus besoin de lumière.
1909
(traduit du russe par Véronika Perminova)
Les Cauchemars de la conscience
Les vieilles estoniennes
extrait 1
Si les nuits sont muettes comme des nuits de prison,
Si les songes sont ténus comme des fils d'araigne,
Sache-le : elles approchent les vieilles estoniennes,
Elles approchent les vieilles des abords de Revel.
Elles entrent et font une révérence sévère,
Me voilà leur captif pour longtemps,
Leurs vêtements sont pauvres et austères,
Et dans chaque besace — un rondin.
Demain, je le sais, ce cauchemar pénible
Va me rendre méconnaissant.
Que de fois les ai-je suppliées : « Oubliez.. »
Pour lire leur muet : « Impossible ».
Comme la terre ces visages ne peuvent dire
La foi qui est ensevelie dans leurs cœurs…
Elles ne me regardent pas — elles tricotent seulement
Un bas gris qui ne finit jamais.
Courtoises — elles se sont retirées dans un coin…
N'aie pas peur : assieds-toi dans ton lit…
N'est-ce pas une erreur, ô vieilles estoniennes,
Il existe sûrement plus coupable que moi.
…