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Critiques de Irina Teodorescu (97)
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Ni poète ni animal

Je remercie Babelio, sa masse critique privilégiée et la maison Flammarion pour m'avoir offert ce livre en avant-première.

Irina Teodorescu, née à Bucarest en 1979, avocate spécialisée dans le droit animalier et écrivain, nous propose d'accompagner Carmen, son personnage principal, en Sologne. Carmen pourrait bien être Irina elle-même.



Elle est au volant de sa voiture et va vivre trois événements importants :

Elle apprend à la radio la mort d'un grand poète roumain dont elle était proche et qu'elle appelait « ma terre ».

Elle rencontre à un rond-point des contestataires qui manifestent.

Elle écrase un renard.

Il n'en fallait pas plus pour que la Roumanie s'impose. Sa poésie, sa révolution de 1989, les animaux qui la peuplent.



1989.La révolution sévit, la dictature, les restrictions. La poèsie reste et les animaux font parler d'eux. Les ours des carpates, les cigognes qui gèlent sur le lac et bien d'autres encore. Elle avait dix ans. C'est donc sur ces trois grandes familles que sont les animaux, la poésie et la révolution que Carmen va articuler ses souvenirs.



Trois femmes constitueront la colonne vertébrale du roman :

Carmen elle-même, dix ans à l'époque, nous offre des anecdotes douces et colorées nées en particulier en classe avec sa camarade maitresse.

Emma, sa maman, la quarantaine, qui enregistre des K7 dans sa salle de bains pour une amie passée à l'ouest.

Dani sa grand-mère, soixante ans environ, qu'elle trouve terrifiante, « habillée de noir, avec plein de taches et de miettes sur son énorme poitrine…….son visage anciennement joli couvert de rides flasques… » issu d'un milieu aisé et traitée pour troubles mentaux dans un établissement psychiatrique.

Bien que ce court roman s'appuie sur une période sombre de l'histoire roumaine, la musique est douce, les anecdotes sont celles d'une enfant de dix ans, probablement adaptée à la situation, qui ne ressent aucune souffrance violente sauf lorsque son papa sort de la maison.



Nous ressentons plutôt le quotidien d'une petite fille assez douée à l'école, très observatrice et très sélective quant à ses relations. Les souvenirs remontent en vrac. Ils me sont apparus un peu superficiels contrastant avec l'idée que j'ai de la période Ceausescu. C'est probablement la vision d'une enfant de dix ans dans sa famille mais pas au-delà. Cela me fait penser au livre de Gaël Fay : Petit Pays qui écrivait « Au Burundi, comme la violence n'était pas rentrée dans l'impasse, on avait l'impression qu'elle n'existait pas. ».

Ma comparaison avec ce livre s'arrête juste à cette pensée.



Les animaux sont présents. Les vas et vient entre la Roumanie de 89 et la France d'aujourd'hui relativement fréquents.



Je ne peux pas dire que j'ai dévoré ce roman. Je me suis un peu ennuyée parfois. Il est court (un peu plus de 200 p) et pourtant j'ai quatre jours de retard. J'ai un peu peiné je l'avoue. le style ne m'a pas marquée plus que ça. Je suis restée en surface et parfois je me suis même demandé si certains faits ne pouvaient concerner que les intéressés eux-mêmes. Je n'ai ressenti aucune émotion. Comme on dit, je dois être passée à côté !



Le chiffre trois jalonne le plan de cette histoire et je viens de voir qu'il s'agit du troisième roman de l'auteure.

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Ni poète ni animal

Dans le cadre d’une masse critique privilégiée, j’ai eu le plaisir de recevoir, de Editions Flammarion, ce livre qui doit faire partie de la rentrée littéraire 2019 d’où la demande de ne diffuser aucun commentaire sur cet ouvrage avant le 15 août. Je les en remercie vivement ainsi que l’équipe de Babelio !



Ayant eu un petit aperçu du sujet de ce livre - la Roumanie sous les Ceausescu - j’attendais ce livre avec impatience.



Dès les premières pages, la déception fut au rendez-vous. Aucune recherche de style littéraire. Irina Teodorescu écrit comme elle parle et l’organisation des chapitres est assez décousue. Très sensible à la beauté du texte, au choix des mots, à la fluidité d’un récit, notre relation ne démarrait pas sous les meilleurs auspices.



Irina Teodorescu réside en France depuis 1998. Ce livre parle de son enfance en Roumanie sous la dictature communiste, de ses parents, de sa grand-mère, de leur vie au quotidien, de sa rencontre avec un poète dissident qu’elle nomme Ma Terre. Rien de bien consistant lorsque l’on aime l’Histoire. Le regard d’enfant qu’elle porte sur sa vie de tous les jours, lui parait tout à fait normal. Elle ne connait rien d’autre et elle vit avec insouciance des évènements qui, dans nos démocraties, paraissent insensés. Sa mère qui enregistre des K7 en cachette pour envoyer à une amie aux Etats Unis, une grand-mère aliénée mais surveillée parce qu’issue d’une famille bourgeoise, son goûter mis en commun avec les autres enfants. Tous ces évènements revêtent un caractère, somme toute, banal dans une dictature communiste. Je m’attendais à plus de profondeur, plus d’informations sur la société roumaine, les manifestations qui ont mené à ce coup d’état, à une analyse un peu plus poussée sur l'état d'esprit et leur difficulté à vivre sous la direction du couple infernal. Il n’y a qu’à la toute fin du livre, lors de l’arrestation du couple qu’on entr’aperçoit l’atmosphère et les évènements qui régnaient ce 25 décembre 1989. En un mot, j'aurais aimé être moins bête à la fin du livre, que nenni, je n'en sais pas plus!



L’auteure fait appel à ses souvenirs d’enfants. C’est ce qui aboutit à ce sentiment de superficialité et qui motive ma notation. Il est évident aussi que le manque de méthode et de limpidité, dans l’enchainement du récit, entre les différentes parties nuit à ce récit bien que je me sois appliquée à le lire jusqu’au bout.



Je souhaite, bien évidemment, à ce livre de trouver ses lecteurs. La lecture de mon point de vue, doit être soit un moment d'évasion suscité par la beauté des mots, du texte, un peu comme un tableau ou une sculpture que l'on admire, soit un moment de culture mais toujours dans un souci d'harmonie.





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Ni poète ni animal

Carmen est une avocate parisienne d'origine roumaine, née en 1979. le décès d'un de ses amis, un "Grand Poète" qui compta parmi les révolutionnaires de 1989 qui renversèrent le régime de Ceausescu, la replonge dans ses souvenirs de jeunesse, lorsqu'elle vivait en Roumanie sous la dictature communiste. Elle nous raconte alors les poèmes qu'elle écrivait à son institutrice, ses classes de neige, sa grand-mère folle et surveillée depuis longtemps par les services secrets, sa mère qui correspond par cassettes audio interposées avec une amie exilée aux Etats-Unis, les événements de la révolution qui conduisent à la chute du couple dictateur. Elle parle aussi brièvement de sa relation avec son ami poète et de sa vie depuis son arrivée en France.

Et puis...

Et puis voilà, c'est à peu près tout ce que j'ai compris et retenu de ce roman (que je suppose largement autobiographique), écrit dans un style plein de fraîcheur et proche de l'oralité.

Et ce titre curieux, alors ? Si j'ai bien compris la 4ème de couverture (mais rien n'est moins sûr), l'auteure tente un parallèle entre la révolution roumaine de 1989 et le mouvement des gilets jaunes (pourtant à peine évoqué), et veut démontrer que les révolutions ne sont inspirées ni par des envolées poétiques ni par des pulsions animales. Mais inspirées par quoi, alors ? Spontanément et bêtement, j'aurais dit : par la faim, la soif de liberté ou de paix, le désir d'un pouvoir d'achat plus important,... L'auteure conclut sur un autre plan : en gros, ni poète ni animal mais les deux à la fois : "[…] le camp des artistes et le camp des sauvages unis contre le manque d'imagination et contre ce dressage qu'on appelle depuis trop longtemps éducation, unis les animaux et les poètes, unis pour réfléchir, pour inventer [...]". Et donc, poètes et animaux, unissez-vous. Moui, certes. Encore faudrait-il cerner ces deux catégories et ensuite pouvoir se reconnaître dans l'une ou l'autre. Mais apparemment c'est une autre histoire, et ce n'est pas l'objet de ce roman. L'auteure se contente ici de nous livrer en vrac ses souvenirs d'enfance liés à son école, aux différents membres de sa famille, et à la révolution, sans profondeur, sans véritable fil conducteur, et sans que je comprenne où cela mène.

Merci néanmoins aux Editions Flammarion et à Babelio pour ce livre reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique privilégiée.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Ni poète ni animal

Deux mots sur ce récit aux allures de conte réaliste : Emerveillement et Espérance. Deux mots que j'aime énormément, tombés en désuétude hélas, oubliés dans une époque qui s'égare. Non Irina Teodorescu ne les emploient pas ; si ce n'est qu'ils me sont apparus dans le souffle de son écriture : un ressenti animal. La dernière fois je les lisais chez Jean D'Ormesson qui promenait son regard éclairé et son sourire lumineux sur la vie. Un autre mot traverse le roman : éblouissement, une date : 1989 et un âge aussi : dix ans, les trois montrent leur nez régulièrement.





Eblouissement, je comprends, vivre en direct une révolution, la fin d'une dictature à dix ans, car Carmen (tout comme Irina) a dix ans à la mort des époux Ceausescu. Un souffle de liberté balaya la République Socialiste le 25 décembre 1989, c'était Noël à Bucarest. Un éclair dans la nuit, oui marquant, à vie. Au point d'avoir 30 ans plus tard un flash(-back) à la vue de gilets jaunes sur un rond-point. Eblouissement : pas vraiment mon préféré avec sa part d'aveuglement, d'abîme, de fascination et de temporalité. Instant intense mais forcément éphémère aux lendemains qui déchantent.





Ah les mots ! Lequel choisir pour décrire ce début difficile où j'ai lutté pour « entrer » dans la polyphonie orchestrée ? Etrange ? Irritant ? Quelque chose me turlupinait dans l'écart entre un climat enfantin, la surprise d'une K7 et la richesse du vocabulaire. Dérangeant, voilà peut-être qui pourrait convenir. Nous sommes tellement friands de la sécurité d'un petit monde bien rangé. Et dans les quatre voix de la narration, je n'avais pas fait le distinguo entre Carmen avocate à 40 ans et Carmen petite poétesse de 10 ans. La troisième étant Ema, sa maman, par l'entremise de K7 adressées, mais jamais envoyées, à Marga son amie d'enfance exilée en Californie et la dernière celle des rapports très officiels sur sa grand-mère maternelle Dani depuis l'hôpital psychiatrique.





Cette Dani, un sacré numéro ! Elle est Charlie : bête et méchante comme Tatie Danielle, son dernier refuge pour protéger une ultime petite part de liberté. Je m'étais bel et bien fourvoyé en pensant m'être embarqué dans un conte pour enfants. La construction m'apparaît extrêmement maîtrisée. A vrai dire il me faut remonter à ma lecture d'avril 2015 avec La valse aux adieux de Milan Kundera pour trouver aussi belle structure. Pour finalement l'entrevoir, il faut cependant larguer les amarres de ses certitudes de lecteur et attraper la main tendue de cette écriture.





Ces mots encore dans la bouche du grand-poète roumain que je n'ai pas cherché à identifier : « Enlaçons-nous, frères, compagnons, dans le règne de la désinvolture ! » p.210 et ce mot d'ordre lancé à Carmen adulte : « Repoétise-toi ! » tant il est évident que seuls les poètes et les animaux arrivent à prolonger cet émerveillement et cette espérance de l'enfance.





Tout grand merci aux éditions Flammarion et à Babelio pour cette masse critique privilégiée, une rare et belle découverte.

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La Malédiction du Bandit Moustachu

Voici un ouvrage complétement déroutant qui ressemble à une farce truculente et débridée.......il nous narre l'épopée roumaine de la famille Marinescu, une fable? un conte? La descendance de Ghoerge de ses fils, filles, enfants petits - enfants .....des péripéties funambulesques....Maria la cochonne et autres...

La menace réitérée de la malédiction qui pèse sur les aînés jusqu'à la fin tragique, douloureuse à laquelle on ne s'attend pas....

Un livre pour moi, inclassable, à la fois populaire , original, sans frein, drôle, cynique.... Impossible d'écrire une critique constructive tellement j'ai eu de difficultés à y rentrer .....le titre et la premiére de couverture étaient prometteurs ..

C'est le premier opus de cette conteuse: Irina Teodorescu....

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Ni poète ni animal

Ni poète ni animal de Irina Teodorescu est beaucoup plus qu'un roman, c'est un témoignage fort sur le quotidien d'une enfant en Roumanie pendant la guerre froide.



L'auteure par la voix de sa narratrice entrouvre la porte de sa famille en cette année particulière de 1989 où elle fête ses 10 ans.



J'ai aimé les 3 beaux portraits de femmes qui dessinent le texte. Celui échevelé de la grand-mère Dani pris dans les filets de la folie, celui de la mère Em(a) dont le caractère énergique et fantasque s'exprime dans des cassettes audio qui s'accumulent dans des cartons.



Et Carmen, qui apprend à grandir sous surveillance, avec l'innocence amusante de son âge et sous les feux de son immense admiration pour un poète dissident.



Ce roman est une très belle immersion culturelle et humaine faisant rimer de manière brillante légèreté et dictature dans les yeux d’une enfant qui comme le Petit Poucet sème les cailloux de la révolution qui gronde.



Émouvante mais sans pathos, sincère et édifiante, la belle écriture d’Irina Teodorescu donne tout son sens au mot liberté.
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Ni poète ni animal

Je remercie les éditions Flammarion ainsi que BABELIO pour leur confiance.

(A noter que ce livre est présent dans la liste des 40 livres choisis par les Inrockuptibles pour cette rentrée littéraire 2019).



Irina Teodorescu signe son quatrième roman avec "Ni poète, ni animal", un livre percutant, inventif, poétique emmené par un style d'écriture d'une grâce folle. Irina est née à Bucarest en 1979. Elle avait dix ans quand la révolution a permis en Roumanie, dans la continuité de la chute du mur de Berlin quelques semaines plus tôt en Allemagne, de faire tomber le tyran Nicolae Ceausescu et sa non moins terrible épouse. En effet, dans cette Roumanie d'avant décembre 1989, l'absence de liberté est criante, le non respect des droits de l'homme érigé en façon d'agir pour un régime communiste corrompu obligeant l'immense majorité des Roumains à vivre dans la pauvreté, le dénuement. La force de ce roman c'est cette plume délicate, sensible, poétique avec laquelle Irina Teodorescu nous replonge dans son enfance. Tour à tour facétieuse, truculente, drôle de par ses descriptions savoureuses des événements vu à hauteur d'enfant. On note ainsi les balades de son cochon préféré qui sera bientôt mangé à noël. Ce livre est aussi et surtout l'histoire de trois générations de femme à cette période. La grand mère maternelle d'Irina qui plonge dans la folie douce, ses échanges avec son psychiatre et sa fille (la mère d'Irina) sont à ce titre très drôles; mais aussi sa mère qui enregistre des k7 audio à destination de son amie passée à l'Ouest et qu'elle rêve de rejoindre, et enfin la petite Irina qui pose son regard sur ces événements de la révolution roumaine de décembre 1989. Dans un pays tenu d'une main de fer par la dictature communiste, on est aussi ému, touché par la misère et l'absence totale de liberté. A l'image de ce que peut être la Corée du Nord pour nous aujourd'hui, la Roumanie de Ceausescu symbolisait l'oppression communiste dans toute sa monstruosité. le ton employé par l'auteure qui, sans y toucher, au détour d'une pensée, d'une phrase passe de l'enfance au regard porté par la femme adulte et avocate qu'elle est devenue, est profondément émouvant, attendrissant même. Car sous couvert de légèreté, le propos est aussi celui de ce qu'on pouvait dire ou ne pas dire à cette période en Roumanie d'avant 1989. Et puis, il y a cette figure du Grand Poète qui, avec quelques autres, osent critiquer le régime du Parti communiste roumain, en risquant sa vie.. Irina est fascinée par cette figure de résistance à l'oppression. "Ni poète ni animal", un titre à l'image de ce roman foisonnant et créatif. Pour l'auteure, elle est les deux réunis : poète et animal. J'ai été happé par ce roman délicat et sensible qui touche au coeur. Une folie douce qui me fais songer au cinéma D’Emir Kusturica. Je vous recommande ce moment de poésie et de folie douce en compagnie d'une auteure, Irina Teodorescu, qui n'a pas fini de nous surprendre pour notre plus grand bonheur.


Lien : https://thedude524.com/2019/..
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La forêt, désormais, de l'intérieur

« Dire que j'ai tout fait pour vivre ma passion dans ces espaces uniques, précieux. Cette forêt représente tellement plus qu'un lieu d'étude. C'était mon sanctuaire, un réservoir de beauté, où je me ressourçais. Aujourd'hui, à chaque sortie, j'ai peur de trouver des vêtements, ou un corps ».



Ces phrases ne viennent pas du livre de Irina Teodorescu. Mais d'un article de Télérama que je viens de découvrir. Elles sont prononcées par Marcelina Zimny, une paléoécologue à la station géobotanique de Bialowieza. Interviewée dans le cadre de la sortie du film « Green Border », de la polonaise Agnieszka Holland.

Coïncidence troublante, je viens de recevoir le livre « La forêt, désormais de l'intérieur », écrit par une roumaine francophone. Je l'ai choisi afin d'apprendre des renseignements sur la vie dans la réserve intégrale, vestige de la dernière forêt primaire d'Europe, un territoire préservé, car interdit.



« La réserve stricte, sept mille hectares, un secteur où personne ne touche à rien, où l'écosystème sylvestre s'entretient lui-même depuis dix mille ans. (…) Il y a autant d'arbres debout que d'arbres allongés, il y a la forêt dressée et la forêt renversée, un peu plus à l'égalité qu'ailleurs. C'est de cet équilibre qu'il nous vient, je crois, une sorte de paix, ou plutôt de compréhension du monde ».



C'est la page 30 du livre, la paix intérieure, je l'ai en moi, car en même temps que j'écris, j'écoute « Albion » de Harp, l'album de Tim Smith, ex Midlake, une musique emplie de douceur et de sérénité.

Mais je sens comme une anomalie dans cette euphorie, « des vêtements, un corps », ça ne colle pas avec l'ambiance sereine dépourvue de traces humaines.

Que cache l'intérieur de cette forêt ? « Il y a autant d'arbres debout que d'arbres allongés », une forêt primaire vous dis-je, avec des ours et des loups peinards, loin de toute cohabitation dangereuse avec l'espèce « homo sapiens ». Notre sagesse n'aurait tout de même pas autorisé à des non scientifiques d'y pénétrer, et à y perpétrer des actes barbares...

Non, un havre préservé, une réserve intégrale, une sorte de paradis terrestre, même pas une pomme pour un péché, juste des arbres centenaires et la biodiversité à l'état pur, intacte, originelle, sans tache.

« Green Border », couleur de l'espoir, « qu'elle était verte ma vallée », et pourtant…

Dans l'article, la guide Grazyna Chyra raconte :



« Dès que je suis en forêt, je regarde si les traces sont celles d'animaux ou d'hommes. C'est devenu un réflexe, comme ramasser les habits, les bouteilles d'eau ».



N'y aurait-il pas que les touristes pour migrer ? Ceux-là ne laissent pas de traces de leur passage, on leur a expliqué que ce secteur est « protégé intégralement », alors ?



Livre, page 154.

« Il y aurait des Syriens et des Afghans qui essaient de traverser la frontière, d'entrer en Pologne et en Europe occidentale en arrivant par la Biélorussie. Oui, j'ai vu des photos, il y en a une trentaine, coincés quelque part, à cent kilomètres au Nord. Encerclés par des soldats et par des barbelés. Des familles. J'ai vu une image avec un enfant tenant une pancarte WE ARE DYING. Mais loin d'ici, pas ici, pas dans la forêt. Pas notre affaire ».



Irina s'y est installée, dans une cabane jaune, sans se douter qu'elle allait être confrontée à une situation intenable. La frontière n'est pas que végétale, des humains y végètent eux aussi, dans l'indifférence quasi générale. Y aurait-il autant de corps allongés que de corps debout ? Et dans quel état ? Les moyens sont mis en oeuvre pour protéger la nature, c'est à dire ne rien faire, laisser la vie se poursuivre tranquillement, sans aucune pression de quelque sorte…



Mais là, on parle d'humains, des gens à qui on a fait croire que l'herbe sera plus verte ailleurs, qui ont été « invités » par un pays « ami », la Biélorussie, dirigée par un loup qu'a « chenko », ( pss, ça veut rien dire ! Les crocs, encore, ça passait... ) un prédateur qui a « accueilli » des innocents transformés en bombes humaines, en les dirigeant vers la Pologne, au mépris de toute convention internationale.

Automne 2021, le confinement se termine, pas pour tout le monde !

On sait ce qu'il en devint, déstabilisation de l'Europe de la part de Poutine, la forêt de Bialowieza zone d'exclusion, interdite aux media et aux organisations humanitaires. Enfin quoi, on vous l'avait dit, une réserve intégrale ça se mérite, il faut respecter la loi, on ne peut pas y faire n'importe quoi, c'est une zone frontière entre deux pays, et en Pologne, les ultraconservateurs sont aussi au pouvoir, donc ils vont gérer, pas touche à la zone, les arbres sont protégés et les ours vont bientôt s'endormir, alors, où est le problème ?



La scierie ? Pas besoin, on protège les arbres qu'on vous dit.

Non, la Syrie, ces gens en viennent, ils ont cru en vous, un peuple déraciné, prêt à tout pour sauver sa peau !

Des terroristes oui, ils sont arrivés ventre à terre, eh bien ils la retrouvent la terre, intacte, une réserve intégrale, une zone de non-droit, un lieu de silence, laissons faire la nature !



Je me disais bien que le titre était ambigu, désormais, je comprends « de l'intérieur », effectivement, c'est une forêt « primaire ».



La narratrice écrit un récit, style journal intime, onirique et en même temps roman engagé.

Elle part à la découverte d'elle-même en se livrant par petites touches, en quelque sorte l'arbre qui cache la forêt.

Le récit de jour se croise avec les notes de nuit où elle délivre ses pensées, ses cauchemars.



« Mais est-ce que la langue est une institution aussi figée qu'une promesse ? Ou bien, la langue est-elle un instinct » ?



Dans cette forêt, elle se met à l'abri du monde pour mieux l'explorer, pour mieux s'explorer.

Par effet miroir, elle se retrouve à la lisière d'elle-même, pour comprendre les événements de sa vie passée, de ce dont elle a envie aujourd'hui, la relation femme, mère, et enfants. le lien intime qui se dévoile et se détache.

La forêt se découvre et la personne se redécouvre.

C'est amené de façon subtile, et c'est aussi un plaidoyer pour la liberté de la femme.

Elle est en couple avec J, plus jeune, et raconte les interactions avec lui.

Elle explore ses envies, souvent sexuelles, et nous livre une intimité crue.

Elle est sans filtre, elle déroule un fil de pensée ininterrompu, en contact avec son inconscient la nuit.

Il y a une difficulté à lire les symboles et les images que la forêt ou le rêve nous envoient dans cet environnement mystique.

On est à la frontière, une zone de tension où se manifeste l'errance des migrants refoulés.

La forêt représente une zone d'habitation, de prison, de violence, de non-dit, d'interdits où s'exprime le besoin ou non d'intervenir, quitte à se mettre en péril.

Désormais, elle s'approprie cet espace qui devient une extension d'elle-même.



« La forêt est primaire et profonde, froide et humide, inhospitalière.

C'est un organisme complexe qui fait circuler sa pensée à sa façon.

Si on se place au bon endroit et si on est patient, on peut intégrer cette circulation de pensée.

Une forêt a ses intentions, ses sentiments, sa logique ; ça prend un temps fou de la comprendre, il faut se tordre l'esprit » à l'image de ses troncs tordus qui poussent à la recherche de la lumière pour sortir de l'obscurité.



« C'est là qu'on peut se dire que comprendre est un concept humain d'une grande vanité ».



L'écriture est particulière, on entend la musicalité des mots.

« La musique est un cri qui vient de l'intérieur », la vie liée, parfois juste des listes de mots, employés au premier degré. le style n'est pas chargé, mais les mots s'enchaînent pour aboutir à une profondeur extraordinaire.



L'auteure ne cherche pas à se cacher. En vidant sur le papier les mots qui lui sont parvenus pendant ses rêves, on a accès à une personnalité de la narratrice qu'elle se cache à elle-même puisqu'elle n'y a accès que la nuit.

Elle jongle constamment avec son animalité de femme. Toute la faune de Bialowieza se devine dans ses mots, des ombres qui se profilent dans ce territoire préservé, interdit.

Irina est sortie de la réserve.



« La forêt dressée et la forêt renversée », la nature humaine dans toutes ses contradictions.



Merci à Babelio et aux éditions La Grange Batelière pour l'envoi de ce roman dans le cadre de la masse critique.



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La Malédiction du Bandit Moustachu

La malédiction du bandit moustachu. Rien qu'à son titre, on devine aisément que le premier roman d'Irina Teodoroscu va jouer la carte de la farce débridée et truculente. Bien qu'écrit en français, et avec quelle vivacité, le livre possède un ton caractéristique d'une Europe que, pour faire court, on qualifie de l'est mais qui plus exactement serait plutôt centrale, voire balkanique. Bien que son pays natal ne soit pas nommé, il est bien évident que Irina Teodoroscu évoque un coin perdu de Roumanie, pourquoi pas dans les Carpates, non loin des contrées évocatrices de ce cher conte Dracula. La romancière mène son récit tambour battant, traversant le siècle à bride abattues, à travers des personnages hauts en couleur. Si les fils aînés sont l'objet de la malédiction originelle et meurent inéluctablement et prématurément de façon tragique, les femmes ont également la part belle dans le livre. Façon de parler car elles sont pour la plupart fougueuses et aussi "gratinés" dans leurs comportements, voire davantage, que leurs congénères masculins. Dans cet univers baroque à la Kusturica, les événements dramatiques s'enchaînent à une vitesse stratosphérique. D'où le regret de ne pas avoir quasiment de temps de respiration dans ce livre tragi-comique et surtout bien trop peu d'arrière-plan politique ou social. Comme un cheval au galop, le roman s'emballe et sa dernière partie devient passablement confuse. Irina Teodoroscu a un joli brin de plume mais, de temps à autre, on aimerait qu'elle calme un peu ses ardeurs et revienne à un trot plus paisible. 150 pages seulement mais quel rythme infernal !
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La Malédiction du Bandit Moustachu

La couverture est magnifique, le titre original et les dix premières pages m'ont intriguée et amusée. Cela partait donc bien et vu le nombre de pages (175 environ) j'étais alors persuadée que je ne ferai qu'une bouchée de ce roman. Malheureusement la suite m'a semblé laborieuse et ma disponibilité en temps de lecture s'est en plus fortement amenuisée. Je n'ai pu lire que par bribes pour me sentir perdue tant par les multiples personnages que la narration. Pas le bon livre au bon moment, cela m'arrive de temps en temps, mais à la lecture d'autres critiques je ne suis pas la seule à ne pas avoir été emportée par les péripéties de la nombreuse famille Marinescu.
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Ça commence comme un conte. Nous sommes à la fin du XIXème siècle, quelque part en Roumanie, et une malédiction est lancée à l’encontre de Gheorghe Marinescu par un bandit moustachu détrousseur de bourgeois : la mort frappera tous les descendants mâles de sa famille, et ce jusqu’à l’an 2000. A partir de là nous suivons, de génération en génération, le destin tragique des fils Marinescu qui ne pourront échapper à la fatalité. Et l’on découvre que les Marinescu n’ont rien de bons samaritains, tant les hommes que les femmes d’ailleurs. Ce ne sont pas « Maria la cochonne », « Maria la laide », « Ana la sorcière » ou « Margot la vipère » qui me contrediront.



Bof, bof, bof, ai-je envie dire. Ce premier roman d’une jeune auteure roumaine de 35 ans (écrit en français, je précise que ce n’est pas une traduction) a un coté loufoque qui pourrait être plaisant. L’écriture est dynamique, le changement de niveaux de langue donne beaucoup de vivacité, comme les chapitres très courts. Mais pour le reste... Les choses vont trop vite. On passe d’une époque à l’autre, d’un « Marinescu » à l’autre sans véritable liant. Et puis je me rends compte que j’ai beaucoup de mal dès qu’il y a plus de cinq personnages dans un roman. Je suis finalement un lecteur assez limité (bon ça, il y a longtemps que je le sais). Mais là, franchement, pour suivre le rythme et m’y retrouver, il m’aurait fallu un arbre généalogique détaillé. L’autre aspect qui m’a dérangé, c’est la méchanceté et le cynisme permanent dont font preuve les membres de cette famille. Je freine toujours des quatre fers devant le cynisme et la méchanceté. Il paraît que ça peut être drôle mais ça ne me fait jamais sourire. Du coup, les Marinescu et leur histoire, je n’en ai rien eu à faire, et ce dès le début. J’ai même été bien content de les quitter en tournant la dernière page, c’est dire.



Alors oui, c’est un premier roman enlevé et original qui sort des sentiers battus et de l’autofiction généralisée (ce qui est quand même un sacré bon point !), mais non, il ne m’a pas séduit une seconde et en ce qui me concerne, je vais le classer sans regret dans la catégorie des « aussi vite lus qu’oubliés ».




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Celui qui comptait être heureux longtemps

Cela faisait longtemps que je voulais faire connaissance avec l'univers d'Irina Teodorescu, alors merci à Babelio et Masse critique d'avoir exaucé mon souhait .

D'abord parce que j'en avais beaucoup entendu parler, ensuite parce que nos origines partagées ont forcément amplifié mon intérêt. La différence est que moi je suis née en France, je ne connais de la Roumanie que ce que les membres de ma famille qui y ont vécu m'ont raconté ou ce que j'en ai lu, notamment à travers la presse relatant l'actualité mais également à travers des romans. Pourtant, il y a quelque chose de subtil, une atmosphère, un ton, quelque chose de pas très facile à définir, une sensation d'appartenance qui crée un lien spécial, une appréhension immédiate du sujet. Disons une affinité particulière.



Dans ce roman, le pays n'est jamais nommé, les noms et prénoms faits d'une ou deux syllabes ne renvoient volontairement à aucune nationalité. La dictature est malheureusement universelle, elle a déjà été éprouvée à l'Est comme à l'Ouest, elle peut tomber sur n'importe qui. Tout juste est-il indiqué qu'après une guerre meurtrière, la Nouvelle Société a commencé à être instaurée sous la houlette d'un Haut Commanditaire dont on sent peu à peu le poids étouffer les libertés individuelles derrière des images hypocrites envoyées à destination de l'International. C'est ici que grandit Bo, né à la fin de la guerre, devenu ingénieur et inventeur de génie sous la surveillance de l'Etat qui se fait fort de gérer la matière grise de ses ressortissants. Et qui, devenu père se verra proposer un horrible marché pour avoir le droit de faire soigner son fils malade. Comment vit-on dans un environnement où tout est rationné, surveillé voire interdit ? Comment garde-t-on une certaine joie de vivre, une confiance en l'avenir, en l'autre ? Dans un pays où "la chose est très simple, soit tu hais la milice, soit tu es la milice".



L'univers d'Irina Teodorescu est d'une force rare, servi par une plume qui s'autorise la fantaisie et la poésie pour mieux souligner son propos. C'est agréable de s'y laisser couler surtout après des dizaines de lectures très ancrées dans le réel et le premier degré. Ici, le léger décalage, l'effet d'intemporalité permettent de créer le twist qui déplace le point de vue tout en le rattachant bien à une réalité. Ce qu'elle souligne ce sont ces minces espaces de liberté qui persistent quand tout est sous contrainte ; le pouvoir de l'imaginaire, l'écriture, la transgression, le rêve... qui permettent d'alléger la pression. A moins que le couvercle de la cocotte-minute ne soit soudain définitivement scellé et que tout espoir disparaisse.



C'est un conte à la fois lumineux et désespéré. Une histoire d'hommes, d'entraves et d'espoirs vacillants. Qui pose la question du choix lorsqu'on ne l'a pas et du sens que l'on peut donner à une vie qui n'offre que peu d'options. Tout ceci réalisé avec beaucoup de subtilité et surtout une singularité qui marque durablement les esprits. Une découverte bien intéressante, qui a trouvé en moi un écho assez particulier.



"Tous ces pourquoi resteront à jamais inexpliqués, car dans cette vie, il n'y a pas de sens. Dans cette vie, on dirait qu'il n'y a que des objets qu'on garde et des objets qu'on jette, puisqu'il y a la fin et qu'à la fin plus rien n'a d'importance".
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La Malédiction du Bandit Moustachu

En se rendant chez le barbier (et non pas "au barbier", hein ! ☺) ce matin-là, Gheorghe Marinescu - honnête citoyen Roumain - était loin de se douter que le destin de sa famille était sur le point de basculer.

Pouvait-il savoir qu'un improbable brandit moustachu s'apprêtait à faire irruption dans le salon ? Aurait-il pu prévoir qu'entre eux un pacte occulte allait être sellé, lequel accoucherait d'une terrible malédiction ? Sans doute que non. Toujours est-il que cette rencontre inopinée allait sceller le sort des Marinescu : chaque génération connaîtrait son lot de malheurs, et la fatalité allait s'abattre en priorité sur les fils premiers-nés.



Voilà le point de départ un brin farfelu de ce récit complètement débridé, qui voit les catastrophes s'enchainer pour la plupart des membres du clan, à chaque étage de l'arbre généalogique.

Irina Teodorescu jongle allégrement entre tous ses personnages, et le lecteur un peu distrait aura tôt fait de mélanger Ana-la-Sorcière ou Margot-la-Vipère, ou de confondre Maria-la-Laide et Maria-la-Cochonne.

Heureusement, avec un minimum de concentration, il n'aura aucun mal à se fondre dans cette famille un peu déjantée, où malgré les tentatives des uns et des autres pour briser la malédiction, chacun se trouve plus ou moins marqués du sceau de l'infortune.

Avec son ton alerte et souvent caustique, l'auteur ne nous laisse guère de répit. Elle nous promène d'avant en arrière et d'arrière en avant, au grès des épreuves subies par ces Marinescu pétris de vices et néanmoins attachants.



Au final, même si l'on a parfois du mal à saisir la finalité de cette grande farce et de cette cascade d'événements un peu désordonnés, on n'a pas le temps de s'ennuyer ! Assurément, depuis l'apparition de ce mystérieux bandit moustachu et jusqu'au terme de la funeste réaction en chaine que sa malédiction a déclenché, il y a de quoi passer un bon moment dans ce roman plutôt atypique !
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Voici une farce débridée, volontairement sans queue ni tête si ce n'est qu'en raison de la malédiction jetée par un homme décrit comme bandit et moustachu, voilà les ainés mâles de la famille Marinescu devenus sujets à une mort prématurée.



Les personnages féminins sont plus intéressants d'ailleurs que les protagonistes masculins sous la plume de cette auteure roumaine mais devenue française.



Pour le reste, ne pas chercher à intellectualiser, se laisser porter par la vague et cela se lit, c'est le temps des vacances et cela ne fait pas de mal entre deux classiques.
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La Malédiction du Bandit Moustachu

Alors je suis complétement passée à côté de ce roman qui est heureusement pour moi court car sinon je ne serais pas aller au bout. Le titre et la quatrième de couverture était pourtant prometteur mais alors la narration est tellement décousue que je serais même incapable de vous raconter l'histoire.
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Ni poète ni animal

Sur les conseils de ma libraire , j'ai lu ce court roman. Ouvert à la suite d'un autre, j'ai été un peu surprise par l'écriture "flottante", mais pas longtemps et j'ai ainsi pu apprécier toute l'originalité , le sens de l'humour, et la fraîcheur de cette jeune femme.

Carmen,d'origine roumaine, avocate installée à Paris voit l'hiver dernier les ronds-points occupés par des hommes et femmes armés de gilets jaunes , et là remontent les souvenirs. Elle avait 10 ans en 1989 lors de la grande révolution en Roumanie, la fin des Ceausescu .

Sa famille a vécu la tourmente en la protégeant. Un père placide, une mère bavarde qui enregistre des K7 pour une amie à l'Ouest et qui ne partiront jamais et une grand-mère complètement "barrée" qui donne du fil à retordre là où elle passe.

4ou5 frères et soeurs là dessus , une passion platonique pour un "grand poète", peut-être Mircea Cartarescu et voilà un joli moment de lecture, parfois mélancolique, souvent espiègle , mais qui jette un sérieux regard lucide sur les sociétés malades.Les Révolutions naissent-elles d'un mouvement poétique, utopique, pour se terminer dans un mouvement animal?

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Celui qui comptait être heureux longtemps

Bon sang que j'ai aimé ce livre ! Je l'ai trouvé d'une beauté profonde. D'une beauté de fleuve que l'on a l'illusion d'apprivoiser mais qui continue de "passer sans passer".

Né sous les bombes, Bo est prédestiné par sa mère à être et à rester un "petit traitre". Dans la "Nouvelle Société" dictatoriale issue de la guerre, Bo grandit et montre vite sa passion des mathématiques appliquées aux transmissions. Devenu chercheur à l'Institut de Recherches Scientifiques, persuadé de l'importance de ses travaux, il résiste avec insolence aux ordres "d'en haut". Mais pour que son fils reçoive les soins nécessaires à sa survie, Bo doit négocier un voyage à l'étranger. Un marché lui est alors proposé par les autorités. Une alternative qui ne lui laisse que le choix entre le pire et le pire...

Tout est beau, tout est signifiant, tout est créatif dans ce roman ! Du titre qui joue sur la polysémie et l'homophonie du mot "compter" aux personnages qui parviennent à trouver des éclats de lumière sous l'étouffoir de la dictature en passant par l'écriture fluide, mouvante, pleine de fantaisies et de chagrins bâillonnés. Irina Teodorescu bouscule les codes romanesques dans un jeu perpétuel avec les temporalités, les voix, les points de vue et dessine ainsi un univers qu'elle met à notre portée jusqu'à nous en faire ressentir les moindres palpitations, les plus fines émotions. La poésie épouse le réalisme, l'humour embrasse le drame et du plus intime jaillit l'universel. Et tout cela en gommant toute apparence d'effort, tout procédé ostensible ! La lecture devient lumineuse, évidente, même dans ses anfractuosités les plus furtives.

L'on devine, l'on ressent profondément dans les fibres du récit, une douleur latente, un questionnement qui brûle encore et qui devient nôtre par la magie de cette écriture et de ces choix narratifs. Il est tout proche de nous, celui qui comptait être heureux longtemps, il nous est familier, il nous est parent, il nous est semblable. Son histoire pose une question de conscience, de négociation insoluble entre des devoirs irréconciliables, entre sentiments et intégrité. Mais c'est au lecteur de discerner ces strates interprétatives car rien n'est explicitement asséné. Et c'est là aussi que réside la force du roman d'Irina Teodorescu : dans tout ce qu'il dit bien au-delà des mots.

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La Malédiction du Bandit Moustachu

Voici un premier roman très court. Le début de l’histoire est assez insolite. L’auteur a une écriture de conteuse et commence son récit par la rencontre entre le bandit et Gheorge pour nous montrer l’origine de cette malédiction. Ensuite au fil des chapitres, c’est toute la descendance de Gheorges, celle de ses fils et filles, et à leur tours de leurs enfants et petits-enfants qui va nous être conté. La menace de cette malédiction, que deux personnages ont tenté de lever en vain, pèse sur les aînés, "parce que c’est toujours les aînés qui sont victimes des malédictions"…

L’action se déroule au début du XXe siècle et je dois avouer qu’à un moment je me suis cru à l’époque féodale avec le côté seigneurial de cette famille dont certains membres veulent préserver leur sang-bleu et tienne à ne pas se mélanger au peuple. J’avais oublié que le résumé le mentionnait et c’est l’évocation d’une voiture qui m’a fait réaliser que l’action se déroulait au XXe.

La forme du récit est assez particulière. Les chapitres sont assez courts et comme je l’ai dit traite à tour de rôle des descendants de Gheorge. Alors je précise que plusieurs chapitres peuvent concernés un même personnage et tant mieux car sans cela il n’y aurait pas d’attachement. Au fil de ce roman, on déteste autant qu’on aime des membres de la famille Marinescu. Les surnoms dont ils sont affublés nous font rire, la manière dont l’auteur présente chacun des personnages avec un brin de facétie, d’humour est appréciable. Mais cela n’empêche pas une certaine froideur, une brutalité dans certaine situation. Une autre particularité est que l’auteur incorpore les dialogues dans le corps du texte sans même les signaler par des guillemets, allant même parfois, au sein d’une même phrase, y incorporer les dires de plusieurs personnages, les virgules suffisant à faire la séparation. Ainsi le "je" s’insinue dans le récit à la 3e personne et vient aussi s’ajouter au" je" du narrateur. Je m’y suis vite habituée et cela ne m’a pas gêné dans la lecture, au contraire.

Pour finir, je dirais qu’au fil du récit, la malédiction perd de son importance, ou en tout cas n’est plus mentionné par les personnages qui en garde le secret pour ne pas que le poids de cette épée au-dessus de la tête ne viennent perturber l’existence de chacun. Ce que je retiens aussi c’est le style de l’auteur et une écriture qui joue sur différentes tonalités. La forme du récit est pourvue de qualités, mais si l’histoire n’est pas transcendante finalement, j’ai tout de même apprécié de suivre la famille Marinescu et les épreuves que ses membres ont traversé.
Lien : http://aucafelitterairedecel..
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La Malédiction du Bandit Moustachu

J’ai été assez surprise par l’intrigue car je ne m’attendais pas du tout à cette histoire. Je pensais en effet lire un roman d’aventures qui suivrait un mystérieux bandit moustachu et en fait, on suit les tribulations de la famille Marinescu sur plusieurs générations, famille bourgeoise de la Roumanie rurale. Inutile de dire que je n’ai pas du tout été déçue et j’ai été enchantée par cette lecture qui m’a fait sourire à de multiples occasions.



En effet, j’ai beaucoup aimé le style d’Irina Teodorescu avec une langue truculente et légère. Ses personnages sont caricaturaux et sont soit cruels (une standing ovation pour Margot la Vipère) ou bon “comme le pain” comme dirait la Tzigane Rada. Ces caractéristiques marquées et les surnoms de ses personnages (Margot la vipère, Maria la cochonne, Ada la sorcière…) donnent vraiment un ton de fable intemporelle à son histoire. Chaque chapitre est raconté du point de vue de différents personnages, sans séparation par de la ponctuation, juste avec des façons de parler et de penser différentes et ça donne une extraordinaire fluidité au texte. On ne se demande jamais qui parle!



Elle nous entraîne ainsi dans les différents changements sociétaux qu’a vécu la Roumanie au XIXème et XXème siècle : les deux guerres, le communisme, l’industrialisation et le tout sans avoir l’air d’y toucher. Un petit bémol quand même sur la fin que j’ai trouvé un peu moins à la hauteur mais qui n’enlève pas de plaisir à la lecture.



Un très bon moment de lecture.

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Ni poète ni animal

"Quand j'étais enfant, il y a eu, dans mon autre pays, une révolution. Un moment de grâce, j'ai cru que le temps des dictateurs était terminé et que commençait le règne des poètes".



Quel rapport au monde a-t-on lorsque ses jeunes années ont été marquées par une révolution, le renversement d'un tyran et cette sorte d'éblouissement face aux lumières de la liberté si longtemps souhaitées ? Irina Teodorescu, née à Bucarest en 1979, installée en France depuis 1998 et auteure de trois romans écrits en français (dont je n'ai lu que Celui qui comptait être heureux) puise cette fois dans ses propres souvenirs pour nourrir son récit et, certainement, le personnage de Carmen, la narratrice. Son univers singulier, largement imprégné de l'univers des contes en est ici quelque peu modifié, à la fois tiré par le réel et sublimé par une sorte de poésie aussi désespérée que lumineuse.



Carmen, avocate à Paris apprend la mort du Grand Poète, la seule personne qui la rattachait encore à la Roumanie. Son père est mort, sa mère vit à Los Angeles et ses frères et sœurs sont dispersés. L'annonce de cette nouvelle la ramène à l'année 1989 où elle l'a vu pour la première fois à la télévision roumaine, monté sur un char, haranguant les foules... Elle avait dix ans, le mur de Berlin était tombé quelques semaines auparavant, le peuple roumain, le dernier sous le joug d'un dictateur communiste allait faire chavirer l'Histoire. Plus tard, ils deviendront amis, elle qui écrit des poèmes depuis son enfance, lui qui l'encourage. Pour l'heure, l'année 1989 ne présente aucun caractère particulier et les souvenirs de Carmen, à hauteur de ses dix ans reconstituent les conditions de vie de sa famille, par petites touches, entrecoupées de documents d'archives qui rendent parfaitement compte de l'absurdité qui pouvait teinter l'atmosphère du pays. Il y a d'une part les cassettes enregistrées par Ema, la mère de Carmen, pour remplacer les conversations téléphoniques qu'elle ne pouvait pas payer avec son amie Marga émigrée aux Etats-Unis ; d'autre part certains rapports d'enquêtes sur la mère d'Ema et grand-mère de Carmen, surveillée par les autorités. Avec quelques moments surréalistes.



La puissance du récit naît peut-être de ces allers-retours entre passé et présent qui laissent percevoir l'état d'esprit de Carmen à jamais imprégné de ces moments particuliers et son regard, si interrogatif sur le comportement de ceux qui ne savent pas ce qu'est de vivre sous un tel régime. Des comportements d'enfants gâtés, qu'elle observe parmi ceux qu'elle défend ou qui brandissent des pancartes dans les rues. La beauté du roman tient certainement au bestiaire qui jalonne le parcours de l'héroïne, renard malchanceux, cigognes égarées, hérisson qui parle, chat volé, cochon ami puis salami, ours des Carpates, qui finiront, bien plus tard, par l'inciter à s'occuper des droits des animaux. "Repoétise-toi" ne cessait de répéter le Grand Poète à Carmen, seule issue permettant d'échapper à la folie du monde... et, qui sait ? Réinventer la vie. Quel magnifique conseil !



Le règne des poètes... si seulement !
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