Aussi longtemps que l’égalité femmes-hommes n’aura pas été atteinte en pratique comme en théorie, les femmes en tant que membres du collectif féminin continueront d’être habitées par un tragique sentiment d’infériorité. En tant que membres du collectif masculin, les hommes éprouvent quant à eux un petit sentiment de bravoure : c’est qu’ils régnaient jusqu’il y a peu sur l’autre moitié de l’humanité. Ils traitent les femmes avec la même condescendance que celle adoptée par les citoyens de puissances mondiales envers les habitants d’États plus modestes, ou par les citadins envers les campagnards.
Mais plus sûrement que l’extase, le mariage apporte aux femmes le travail ménager. Qu’elles soient malignes ou sottes, belles ou laides, courageuses ou lâches, douées ou gauches, appliquées ou paresseuses, c’est le même train-train qui les attend toutes une fois franchi le « seuil du bonheur ». Le mariage fait des jeunes filles non seulement des femmes, mais aussi des femmes au foyer. Peu importe qui elles épousent, elles épousent forcément un ménage. C’est surtout lui qui sera leur compagnon de vie.
Au pays du sourire, les conventions somment les femmes de se comporter comme des jeunes filles en fleurs, attendant d’être cueillies. En réalité, c’est tout le mécanisme de l’approche qui favorise l’érotisme masculin ; l’érotisme féminin se contente des miettes. Et tandis que les hommes s’aménagent une voie royale pour combler leurs désirs les plus futiles, les femmes, dont les critères en matière de choix et de rencontres sont pourtant essentiels, sont condamnées à faire des détours.
Que signifie se marier ? Selon les romans à l’eau de rose, cela signifiait et signifie encore atteindre un septième ciel où les réjouissances sont visiblement si intenses qu’elles échappent à toute description, et que leurs auteurs laissent aux lectrices le soin de se figurer ce bonheur.
Mais en ce qui concerne la discrimination des femmes dans la vie professionnelle – et donc dans tous les autres domaines -, une chose reste certaine : les dispositions légales qui portent préjudice aux femmes ont toutes été créées par les hommes.
Curieusement, il n’y a pas d’autre forme d’État qui opprime les représentantes du sexe féminin aussi manifestement que la démocratie quand elle les prive de leurs droits politiques.