Consacrée au soutien des victimes, cette table ronde permet de discuter doutils concrets pour aider et recueillir la parole des victimes dinceste.
Elle fait suite à la diffusion des six épisodes de notre podcast Ou peut-être une nuit qui interroge les mécanismes de construction du silence autour de linceste et des violences intra-familiales. Sont présentes Isabelle Aubry, fondatrice de l'Association internationale des victimes de l'inceste, Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, et Eva Thomas, première femme à avoir parlé publiquement de l'inceste qu'elle avait subi, défenseuse des droits des femmes et des enfants.
Toutes les ressources sont à retrouver sur le site de Louie Media.
https://louiemedia.com/injustices-2/o...
La série Ou peut-être une nuit a bénéficié du soutien de la Fondation Kering. La Fondation lutte depuis 2008 contre les violences faites aux femmes. Elle a permis la création lannée dernière dune nouvelle unité pour les victimes dinceste à La Maison des Femmes de Saint-Denis.
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- Pourquoi parler est-il difficile [au-delà du phénomène d'emprise] ?
- Parler brise les liens familiaux. (...) C'est pour cela qu'on parle d'un crime de liens. (...) La victime veut garder sa famille. Or la première chose que perd un enfant qui est victime, c'est sa famille, le terreau sur lequel il va se construire. (...) Quand une victime parle, c'est très souvent elle qui va être stigmatisée. La famille va avoir le réflexe immédiat de se protéger, de protéger sa cohésion. C'est aussi ce qu'a fait l'Eglise. Se souder, rejeter le fauteur de troubles, ou lui dire de se taire, sont des réactions habituelles.
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• Ouest-France, article du 08/01/2021
Isabelle Aubry, présidente de l'association 'Face à l'inceste', est interrogée par Carine Janin
En France, chaque année, des milliers d'enfants sont abusés sexuellement. Trois fois sur quatre par un membre de leur famille. Presque toujours, l'enfant et son entourage se taisent.
Victime de cette loi du silence qui a brisé sa vie, Isabelle Aubry raconte son calvaire. « Dans le lit de mon père, j'ai laissé mon enfance, mon équilibre, ma santé, mes études. Beaucoup d'enfants endurent aujourd'hui le cauchemar que j'ai supporté. C'est pour eux que j'ai décidé de raconter mon histoire. »
Le courage, la force de caractère et la détermination d'Isabelle Aubry lui ont permis, petit à petit, de se reconstruire. Elle est aujourd'hui une mère, une épouse et une combattante hors pair. Elle a créé l'Association Internationale des Victimes de l'Inceste et se bat pour que chaque victime réussisse à survivre, pour que chaque bourreau soit reconnu coupable.
Oui, j’ai tout pour être heureuse aujourd’hui. Sauf que je ne le suis pas. Je ne peux pas l’être, parce que l’inceste a détruit ma vie. Certes,
j’ai pu me reconstruire. Désormais, je ne suis plus seulement une victime de mon père : je suis devenue moi-même, Isabelle, une militante, une
maman, une épouse.
Survivre à l’inceste est possible, je le sais, c’est extraordinairement compliqué, très fragile,
parfois agréable. Mais guérir est impossible.
Mais je suis déjà morte, moi. Le sens de ma vie est parti il y a bien longtemps, avec l’eau du bain où je barbotais avec mon
père.
Aujourd’hui encore, je ne peux pas refaire certains gestes que mon père m’a appris.
Je ne peux plus ni danser le rock, ni jouer aux échecs, ni cuisiner de bons petits plats. Ranger et nettoyer m’angoisse terriblement. Tenir une
maison m’est très, très difficile.
Aujourd’hui encore, je redeviens, dans mes songes, la gamine fracassée que je fus.
(...) Les pensées et les croyances de la famille toxique sont universelles, une capacité à gommer toutes les limites et tous les repères. On ne sait plus qui tient le rôle du parent et qui tient le rôle de l'enfant, où commence l'un et où finit l'autre ; tout est mélangé et confus.
"Aujourd’hui encore, je redeviens, dans mes songes, la gamine fracassée que je fus."
"(...) Lorsqu'elle a rencontré des hommes qui voulaient des enfants, elle s'est toujours arrangée pour rompre, pour que cette question ne se pose jamais réellement dans sa vie. Maintenant, elle comprend aussi qu'elle ne supporte pas der sentir la vulnérabilité des enfants (des autres, de ses amis), car cela lui renvoie un miroir sans fard de sa propre vulnérabilité et de son impuissance étant enfant. Elle fuit ce miroir. "
Puisque la confiance des survivant(e)s a été trahie en bas âge par une personne censée les protéger, il leur est souvent difficile de s'investir dans une relation de couple harmonieuse, de se sentir digne d'être aimé(e), mais surtout d'être à même de faire confiance au partenaire amoureux.