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Critiques de Isabelle Autissier (578)
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Soudain, seuls

Elle ne m'arrange pas trop Isabelle Autissier parce que moi j'aime bien mettre les gens dans des cases comme maman m'a appris: un peintre ça peint, un musicien ça joue de la musique, un navigateur ça navigue. Chacun à sa place, ça me rassure, plus facile pour mon cerveau déjà bien encombré.

Ok mais une Isabelle Autissier ça se range où du coup? Parce que jusqu'à présent je la mettais dans la case Kersauson et Tabarly, suuuuuper loin de Hugo ou Sagan, voyez? Et voilà qu'elle s'est mise à écrire (et ça ne date pas d'hier, autant dire que j'ai raté de sacrés épisodes...) et avec talent en plus la bougresse. Ca m'aurait pas mal arrangé qu'elle écrive comme un pied pas marin. Mais non, faut que madame excelle et vienne chambouler mon rangement.



Pour l'histoire de Soudain, seuls, je vais faire ma paresseuse. En gros, vous imaginez: Koh Lanta moderne, un jeune couple en mode survivor sur une île proche de l'Antarctique, du manchot comme casse-croûte et pas de Denis Brogniart à l'horizon. Plusieurs mois à se dépatouiller, avec promesse d'un retour devant les projecteurs en cas de victoire sur dame Nature. Mais ici, ce n'est pas de la téléréalité, c'est la vraie vie, et ce n'est pas tf1, donc pas de pub.



Ce roman m'a enchantée déjà du fait qu'il présente deux histoires en une (difficile d'en dire davantage sans briser le charme), chacune aussi saisissante et captivante l'une que l'autre. Et on est face à une merveille d'écriture, sobre et soignée, dans un style ni trop peu ni trop. Aucun mot à rajouter, pas une ligne à retirer.

Isabelle Autissier sait transmettre les émotions et les états d'âme de ses personnages sans emphase ni voyeurisme malsain. Elle sait tenir son lecteur en haleine avec une aventure psychologique et humaine sans sombrer dans un excès de péripéties rocambolesques. Elle sait nous faire voyager dans des décors inédits sans crouler sous des effets cartes postales à deux euros. Elle sait enfin adroitement amener son lecteur à s'interroger sur le sens de la vie et sa propre existence sans le juger ni le condamner.

Bon, elle a tout pigé en fait: elle sait écrire. Respect donc, I am bluffèd.



Du coup pour en revenir à mon rangement cérébral, je vais me séparer de Marc Levy dans ma case écrivain pour faire de la place à cette grande dame. Voilà, tout est en ordre maintenant.

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Soudain, seuls

Ils sont grands. Ils sont beaux. Ils sont forts. Ils sont intelligents. Ils sont jeunes.

Lui est passionné par la mer. Elle, par la montagne. Leurs vies se croisent et s'entrecroisent. Pour sceller leur union et ne pas tomber dans la routine, Ludovic persuade Louise d'aller faire une bonne virée en bateau pour découvrir quelques endroits reculés de notre jolie planète. Elle sera difficile à convaincre, mais finira par accepter pour ne rien regretter plus tard.

Leur aventure bégayera sur les cinquantièmes rugissants alors qu'ils sont en reconnaissance sur une île interdite aux touristes et que d'un coup de baguette magique le vent fasse disparaitre leur moyen de navigation.

Soudain, seuls et livré à eux-mêmes avec peu d'espoir d'être sauvé puisque cette île n'est ni sur le parcours de la marine marchande ni touristique.

Alors que faire ! Que faire pour survivre !

C'est cette question mille fois traités dans la littérature mondiale qu'Isabelle Autissier s'interroge et nous interroge avec ce livre.

Et dès le premier chapitre le ton est donné, je me suis littéralement laissé faire. J'ai fait confiance à l'auteure et grand bien m'en a pris car je me suis retrouvé pris dans tourbillon d'aventures que ne je ne me suis pas lassé d'arpenter. Isabelle Autissier est aussi forte pour nous peindre les décors de la vie sauvage que pour nous décrire la palette des émotions qui tiraille nos deux héros. Un langage vif et léger, doux et violent nous renvoie à nos propres craintes : et-moi comment m'en sortirai-je ?

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Soudain, seuls

Ce livre me donne envie de partir sur une île déserte, juste pour le plaisir de savourer de nouveau ces pages sublimes sans être dérangée ni interrompue pendant ma lecture.

Pourquoi ? Lisez-le et vous comprendrez. Je ne veux rien vous dévoiler, et vous laisser le plaisir de la découverte. Découverte que j'ai faite en attaquant ma lecture sans rien savoir : je n'ai lu ni la quatrième de couverture ni aucune critique, rien. Et je m'en félicite.

Je connaissais les exploits de navigatrice d'Isabelle Autissier, et je m'attendais à un récit passionnant de ses aventures maritimes. Je ne savais rien de ses talents d'écrivain. Quelle formidable surprise, et quel bonheur de lecture !

Dès le début, je comprends mon erreur : ce n'est pas un récit que j'ai sous les yeux, c'est un roman. Et quel roman !

Dès les premières lignes j'apprécie le style et le contenu m'enchante. Je suis conquise et n'ai qu'une envie : découvrir l'histoire, me laisser emporter par les mots de l'auteur.

Tous les ingrédients sont là pour faire de ces pages un roman extraordinaire. Le fond et la forme : tout y est.

Le fond : une histoire prenante, captivante, qui vous remue de la tête aux pieds et ne vous lâche plus.

La forme : un style magnifique. Du travail d'orfèvre. Chaque phrase est taillée avec soin. Chaque mot est à sa place. Rien ne manque, rien n'est en trop. Et les émotions vous sautent à la figure, vous prennent à la gorge.

Ce roman m'a secouée comme j'aime qu'un livre le fasse. J'ai envie d'en parler à tout le monde autour de moi, de crier par la fenêtre "lisez-le" tout en brandissant mon exemplaire. Voilà dans quel état je suis ! Un état second dans lequel seuls quelques livres très rares savent vous plonger. Que c'est bon !

Vous qui n'avez pas encore lu "Soudain, seuls", je vous envie. Vous allez pouvoir à votre tour vivre les heures passionnantes que j'ai vécues dans ces pages. Saisissez votre chance !

Vient maintenant le temps des remerciements.

Les premiers vont à Isabelle Autissier, naturellement. Merci, merci, pour ces heures enchantées, et pardonnez-moi de n'avoir pas votre talent pour mieux vous exprimer ma reconnaissance.

Un immense merci à Babelio qui par ses opérations masse critique nous offre régulièrement de formidables découvertes.

Et merci aux éditions Stock pour ce cadeau précieux. Cette année, le père Noël est passé chez moi en juillet !
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Oublier Klara

Pour moi, c’est la grande surprise de l’année 2019, je suis impressionnée ! C’est le qualificatif qui me convient ! Je ne suis pas très familière de la littérature actuelle. J’ignorais totalement qu’Isabelle Autissier écrivait. Je ne connaissais que ses talents de navigatrice. Mais quelle découverte que je dois à vos commentaires élogieux, notamment « michfred et viou ». Un grand merci ! Et puis, il y a la Russie et ses étendues qui vont rêver !



Elle maîtrise le style Isabelle Autissier, elle nous choisit un sujet déjà maintes fois décrit, l’Union Soviétique, tout en brossant avec finesse la psychologie de ses personnages : l’histoire bouleversée et bouleversante d’une famille sur trois générations du temps de l’Union soviétique jusqu’à la Perestroïka.



Mourmansk, après la 2ème guerre mondiale, un port sinistré, détruit par les bombardements, mais très animé où il y fait très froid, des marins, des femmes de marin, des enfants et des scientifiques. Il y manque de tout dans cette grisaille où le froid règne en maître, beaucoup de résignation, de personnes sans abri, il y a les bons de nourriture, les bons pour le charbon! La misère suinte de partout, dans cette brume du port de Mourmansk, les crépis des façades des immeubles sont délabrés, la moisissure s’invite en traînée sous les rebords des fenêtres et pour oublier, il y a l’alcool ; mais l’Union Soviétique veille au bien-être de ses citoyens.



Iouri 46 ans, exilé aux Etats Unis depuis 1994, revient vingt-trois ans plus tard pour une dernière visite à son père, Rubin, atteint d’un cancer du foie en phase terminale. Ce dernier ne lui a jamais parlé de sa mère, la grand-mère de Iouri, disparue du paysage hormis qu’elle était une scientifique mais sur son lit d’hôpital Rubin lui avoue « qu’il faudrait savoir » et il se met à lui raconter ses parents, Anton, son père et Klara, sa mère. Et comme « il faudrait savoir », Iouri va de son côté tenter de comprendre ce qu’est devenue Klara. Et de recherches en recherches, sa ténacité paiera.



Isabelle Autissier remonte le temps habilement à travers le destin d’Anton, de Rubin et de Iouri, elle nous emmène dans une des périodes les plus sombres de l’histoire de la Russie, elle évoque les hommes en noir qui débarquent en pleine nuit dans les appartements, la délation, la trahison des proches, la peur, le goulag, les tortures. Elle dépeint parfaitement l’organisation de la vie sous Staline jusqu’à l’arrestation en pleine nuit, sous les yeux de son fils Rubin, de Klara.



De cette supposée infamie, Isabelle Autissier nous dessine l’impact que celle-ci aura sur la vie de ces trois hommes et c’est une histoire chargée émotionnellement, faite de violences, de douleurs, d’incompréhensions et de fuites mais que c’est réaliste !



Enfin, il y a les bateaux, « Le 305 », l’énorme chalutier congélateur de Rubin qui pêche aux abords de l’ile aux Ours, du Spitzberg et jusqu’en Terre de François Joseph, des archipels aux confins septentrionaux de l’URSS, là, la plume d’Isabelle Autissier donne toute sa puissance même si elle sait très bien illustrer la personnalité de ses protagonistes, la passionnée de la mer prend la barre ! Si vous voulez revêtir votre ciré jaune, c’est le moment mais il faut avoir le pied marin, c’est grandiose ! Vous recevrez même des vagues en pleine figure tout en remontant à la force des bras le chalut ! C’est magique lorsqu’elle parle, écrit, navigation Isabelle !



Et puis il y a les oiseaux, elle connait bien les oiseaux, Isabelle Autissier : ornithologue sera la profession de Iouri. Quelle sensation de liberté ils procurent à les regarder s'envoler!



En supplément : vous partirez en terre inconnue sans Frédéric Lopez mais en compagnie d’Isabelle Autissier pour cette belle découverte des « Nénets », une très belle promenade en terre sauvage suscitée par la plume imagée de l’auteure.



Un très beau voyage !











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Zoë et le dauphin

Clap de fin pour les dauphins du Parc Astérix, le delphinarium ferme ses portes.

Ne me regardez pas avec des yeux de merlan frit, mais Miss France, va devoir renoncer à ses...dauphines?





Un dauphin nommé Valentin( ce n'est pas un poisson d'avril!) apprend, à Zoé (une petite sirène en puissance) qu'il peut rester plus d'un quart d'heure, sous l'eau.

Comme son ouïe est très développée, il sait entendre les ultra-sons.

"Les dauphins ne marchent pas, mais ils savent danser sur l'eau, regarde! Il se lance dans une série de pirouettes éblouissantes".





Zoé va pouvoir s'accrocher à la dorsale de Valentin, et nager avec lui... Et faire des bulles, sous l'eau ? "Son oeil noir pétille de malice et d'intelligence." Un conte éducatif qui ne se termine pas en queue de poisson!





Isabelle Autissier a pulvérisé le record à la voile de New York-San Francisco par le Cap Horn, une vraie louve de mer!

La suite? Je serais muet comme une carpe... Mais arête, Casimir !





"Le poisson poète est attiré par les vers au bout de la ligne". Gaëtan Faucer, auteur ...belge.
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Oublier Klara

Cela fait vingt-trois ans, soit l’exacte moitié de sa vie, que Iouri a tourné le dos à la Russie et à la tyrannie paternelle pour s’établir en Amérique. Lorsqu’il est appelé au chevet de son père mourant, il retrouve un homme toujours aussi brutal et méprisant à son égard, mais taraudé par une question sans réponse : qu’est devenue sa mère après son arrestation en 1950 sous ses yeux de bambin de quatre ans ? Iouri va se lancer sur les traces de sa grand-mère disparue, partant du berceau familial, Mourmansk, où Klara fut scientifique dans un centre de recherche, et son père patron d’un chalutier-usine.





Se déroule alors une passionnante saga à rebours, à la lecture prenante et aux personnages campés avec justesse et sensibilité : après la vie et le point de vue de Iouri qui, élevé à la dure et brimé, n’a eu d’autre échappatoire que la fuite, l’on découvre le parcours de son père, muré dans une carapace de brutalité qui lui a permis de survivre à l’explosion de son enfance, à l’ostracisme et à la misère contre lesquels il a dû se battre ensuite. Enfin, grâce à un enchaînement de circonstances peut-être quelque peu romanesque, Iouri va pouvoir reconstituer une partie du parcours de sa grand-mère, avalée par le terrible goulag.





En s’intéressant aux répercutions des purges staliniennes sur plusieurs générations d’une même famille et jusqu’à nos jours, ce récit offre une perspective historique et sociétale de la Russie, d'où émerge une formidable force de résilience, mélange d’acharnement parfois brutal à s’imposer et à réussir, et d’application à oublier pour mieux se tourner vers l’avenir.





Quatre principaux tableaux marquent cette vaste fresque : le quotidien à Mourmansk, cette ville au nord du cercle polaire où la neige est noire ; le puits sans fond du goulag et des camps de travail sibériens ; l’isolement glacé d’une île de l’Océan Arctique où les Nenets, nomades éleveurs de rennes, tentent encore de préserver leur mode de vie ; et, sans doute le plus spectaculaire et le plus réussi : l’épuisant et terrifiant huis-clos des campagnes de pêche à bord des chalutiers-usines russes, en compagnie de véritables forçats de la mer dont la rudesse n’a d’équivalent que celle des éléments.





Voyage autant géographique que temporel où la brutalité des hommes laisse néanmoins la place à de jolis passages poétiques sur la mer, les oiseaux et les beautés de la nature arctique, ce livre est aussi un hommage à l’impressionnante résilience de l’âme russe.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Soudain, seuls

Les aventures de Robinson Crusoe, c'est une petite promenade de santé à côté de ce que vont vivre Louise et Ludovic, partis naviguer sur les mers australes.



En effet, l'île qui les retient prisonniers à la suite d'une tempête qui a libéré leur navire de ses amarres n'est pas un paradis terrestre. C'est un caillou désertique, avec quelques ruines rouillées d'une station baleinière, pas de fruitiers, pas de végétations : le régime sera hyperprotéiné ou ne sera pas si l'on ne trouve pas rapidement le moyen de capturer la faune résidente : des manchots ou des oiseaux, otaries le dimanche. de quoi faire disparaître des excédents graisseux si l'on en a.

Ce ne sera pas non plus une expérience de solitude : et c'est pire. Dans l'adversité, la vie de couple est mise à mal, les griefs quotidiens font remonter à la surface d'autres malaises plus profonds, enfouis sous des concessions quotidiennes. Mais là, l'enjeu est de taille, c'est de survie qu'il s'agit. Les décisions pèseront lourd sur l'avenir.

Si Louise s'en sort c'est au prix d'un délabrement physique, récupérable celui-là, mais aussi d'une prise de conscience inévitable inhérente à cette épreuve initiatique. L'abondance, le confort, les multiples intermédiaires qui masquent l'origine de nos biens, nous font oublier à quel point nous sommes démunis dans une nature hostile, moins adaptés que le moindre animal, plus fragiles que nos ancêtres lointains.



C'est un beau roman d'aventures, doublé d'un thriller psychologique et d'une étude sociale : autant dire un plat complet pour dévoreur de livres.

L'écriture est en phase avec le sujet, la documentation est fouillée : c'est du zéro faute.

A lire sans modération


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Oublier Klara

Je viens de terminer mon troisième livre d' Isabelle Autissier, laquelle, après l'odyssée-catastrophe  de Seule la mer s'en souviendra et  la macabre robinsonnade de Soudain, seuls, a décidément de vraies ressources de romancière et est loin d'être seulement une navigatrice qui écrit..



Oublier Klara? Pas de risque!



Pourtant c'est ce qui semble  a priori,  être arrivé à cette grand-mère disparue toute jeune encore,  peu avant la mort de l'ogre russe,  dans le blizzard glacé du Goulag.. comme des millions d'autres espions, révisionnistes , sociaux-traîtres et dissidents fantasmés par la paranoïa du tyran - et impitoyablement traqués par la bureaucratie à sa botte.



Klara.



Oubliée par les siens, dirait-on, de prime abord.



Oubliée par son fils, Rubin, le redoutable commandant de chalutier de Mourmansk, brutal et courageux, qui a su, à la force du poignet, s'extirper peu à peu de la suspicion qui faisait d'un fils de déportée un proscrit, pour s'élever dans l'ordre des responsabilités, devenir un homme craint, respecté à son bord comme à quai , et même pour s'enrichir et profiter cyniquement ,  perestroïka aidant, des "avantages" du capitalisme naissant et de l'oligarchie en place.



Oubliée par Iouri, son petit-fils, qui a bénéficié d'une éducation soviétique, populaire et  gratuite, a poussé ses études jusqu'à devenir un scientifique  de renom, puis  a prudemment émigré aux États-Unis afin de vivre en toute sérénité son homosexualité et son goût immodéré pour les oiseaux, ses êtres de liberté pure.



Rubin est vieux, malade, il va mourir et convoque,  par-delà les mers,  ce fils "américain" qui lui ressemble, à première vue,  si peu, et qui a avec lui une relation douloureuse et pleine de ressentiment, pour lui faire une ultime requête.



Celle de ne pas Oublier Klara,  justement.



De retrouver sa trace, de tenter de donner un sens à son arrestation, de mettre des lieux et des dates sur son effacement brutal, cruel, inexpliqué qui a bouleversé leur vie à tous les deux, le fils et le petit-fils. 



Et peut-être ainsi de renouer le fil brisé ou invisible qui les relie tous les trois.



De mettre à jour une filiation jusqu'ici refusée, bafouée , qui pourrait bien être,  littéralement, un vrai lien du sang.



Ou un lien de sang?



La force de ce récit tient à trois faits essentiels: une documentation historique irréprochable et parfaitement intégrée au récit , un refus des facilités romanesques qui "bouclent" trop parfaitement un récit (ici, au contraire, comme dans la vie, comme dans toutes les familles, des pans d'ombre subsistent, et la quête bureaucratique ou policière se mue, faute de traces ou de preuves, en mythe, en  légende, ou en point d'interrogation.) Et enfin une vraie épaisseur des personnages que j'ai trouvés nettement moins schématiques, plus complexes et donc plus attachants que ceux de ses précédents romans.



Mais la plus grande réussite de ce récit ,  à la fois prenant et classique,  reste attachée au brio d'Isabelle Autissier dans  les scènes de mer -la pêche en mer de Barents est de la veine du Grand Marin de Catherine Poulain - , à sa fascination pour les déserts glaciaires dont elle dit si bien la beauté désolée, et à sa passion  pour les oiseaux des mers qu'elle observe et décrit avec ferveur , comme  Iouri, son héros.. 



Dans ces pages-là, on touche vraiment la poésie. 



Non, pas de risque d'oublier Klara...
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Passer par le Nord : la nouvelle route mari..

Passer par le Nord (en utilisant La route du Nord) est un beau titre et ce livre possède une couverture très attractive, avec un bateau rouge vif ,une mer bleue acier ,de la glace flottante comme pilée et un éclatant rayon de soleil qui donne une belle lumière .Ce livre n'est pas un récit de voyage franc et traditionnel .Il n'est qu'un peu un récit de voyage.

C'est plus un travail de géographie physique et humaine avec beaucoup de moments d'histoire de ce très grand Nord. La route du Nord ,c'est plusieurs possibilités de transit entre l'Europe et l'Asie en longeant les cotes sibériennes tout du long. La route qui longerait l'Amérique du nord est moins prometteuse du fait d'une géographie plus difficile et du fait d'infrastructures industrielles plus rares avec enfin pas ou presque de bassins de peuplement. le réchauffement climatique qui desserre l'étau des glaces dans cet univers millénaire en les faisant fondre cause une grande menace pour la biodiversité locale et ceci annonce de grands bouleversements naturels et humains.

Personnellement j'ai bien aimé les éléments historiques abondants et rares par ailleurs , que contient cette "géographie de voyage avec beaucoup d'histoire». Les principales explorations de cette immense région depuis le XVIe siècle sont résumées et analysées. de même le contexte économique et le contexte géopolitique sont clairement posés.

La pression économique des échanges économiques eurasiatiques associés à la fonte des glaces rendent inéluctable l'intensification de l'utilisation de ce passage nouvellement ouvert et qui promet d'être dans un avenir proche encore plus ouvert.

En conséquences annexes de ces modifications systémiques la biodiversité est appelée à se modifier et certaines espèces disparaitront certainement de ces territoires. de nouvelles ressources viendront renforcer le stock d'hydrocarbures accessibles et donc permettront d'alimenter l'orgie des émissions de carbone et donc nourriront la fonte des glaces et la thermo-salinité des eaux des mers polaires. le mammouth congelé et son ivoire réduira la quête d'ivoire sur les éléphants et autres animaux vivants et en danger à cause précisément de leur ivoire trop rare et très demandé actuellement.

Cet ouvrage pose un monde complexe qui repose sur des transformations déjà amorcées et cela débouchera clairement sur un monde nouveau et une géographie nouvelle.

Bref soulignons que l'histoire est en marche et que la géographie sa fidèle compagne, est aussi en marche avec des promesses avenantes et des catastrophes annoncées. L'histoire est en marche donc et l'expérience enseigne qu'il faut savoir se méfier de l'histoire et de ses colères.

C'est un texte avenant et accessible mais il est néanmoins à la limite de la difficulté soutenue et il se classe franchement dans la vulgarisation scientifique complexe et de bonne qualité à mon humble avis.

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Zoë et les sardines

"Bien sûr, c'est pas vraiment facile, facile

Et ça fait un peu débile, débile.

On n'a pas de place, et on ne peut pas sortir.

En attendant que ça se passe, il faut garder le sourire." A toutes les familles confinées, dans une studette.





Zoé et Thiam, le petit noir, parlent à des... sardines!

- "Vous ne nous attraperez pas!"(Pour nous mettre dans une boîte !) Ne me regardez pas avec vos yeux de merlan frit, c'est écrit !





"Ah, qu'on est serré, au fond de cette boîte. Chantent les sardines, chantent les sardines confinées, entre l'huile et les aromates."





C'est un conte écrit et raconté par Isabelle Autissier, livre CD, en partenariat avec "Léa Nature" avec un QR code, la chanson de Zoé, et un message écologique.





Zoé et ses parents sont au village de Mgenbé, au Sénégal. Et on les a invités, à la pêche. Les sardines, avec autour du cou une serviette et dans la nageoire une fourchette, pourchassent des petites crevettes.





" C'est pas vraiment facile, facile.

Mais, il ne faut pas se faire de bile, bile" Chantent les sardines confinées...





Thiam saute dans l'eau et bat des mains et des pieds, pour rabattre les poissons dans le filet. Zoé ne sait pas bien nager (c'est pas une petite sirène !) l'aide en tapant avec un bâton.





Papa Wadé rejette les plus petites sardines, alors qu'un gros bateau fait de la surpêche (Une aberration, il faut 4 à 6 kilos de sardines ou d'anchois, pour produire 1 kilo de saumon d'élevage...)





"C'est pas fait pour penser, mais faire la fête et se toucher les arêtes, arêtes." Parodie de P.Sebastien.
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Le naufrage de Venise

Ce roman d’Isabelle Autissier qui mêle passé et présent est aussi un récit d’anticipation. Dès les premières pages, elle nous plonge dans l’effondrement de Venise après un cataclysme effroyable

« Guido doit slalomer autour des gravats qui obstruent progressivement le grand Canal, au fur et à mesure qu’il s’y engage. Des pans entiers de s palais centenaires, le Tiepolo, le Genovese, le Vernier, ne valent pas plus que les modestes immeubles de briques, tous réduits à l’état d’obstacles à la navigation. »

Cette fiction qui décrit une splendeur déchue est aussi un cri d’alarme sur l’inconséquence des hommes et les impacts négatifs du tourisme de masse.

C’est par le biais du personnage de Léa, jeune étudiante militante et rebelle, que le combat écologique et le maintien des habitants dans leur ville nous est décrit. Son père, avec lequel elle prend ses distances, est tout l’opposé. Conseiller aux affaires économiques de la ville, il œuvre en faveur d’une accélération du développement touristique tout en faisant confiance au barrage du MOSE pour protéger Venise des inondations de la mer Adriatique. Quant à la mère de Léa, Maria Alba, descendante d’une lignée aristocratique sans fortune, elle se réfugie dans la splendeur passée et l’histoire de sa ville.



On s’intéresse au parcours des trois personnages antagonistes mais, ce qui fait l’intérêt de ce roman, c’est l’émouvante fragilité de cette ville qui vit les pieds dans l’eau et son avenir incertain. Que ce soit l’exploitation à outrance de ses sous-sols avec l’assèchement des nappes phréatiques ou bien le passage des navires de croisière qui transitent par le canal de la Giudecca, tous ces méfaits ont dégradé les fondations et les constructions de Venise. Et l’autrice nous offre, par le truchement de ses personnages, différentes prises de position et la difficulté à accorder les vénitiens sur la sauvegarde de leur ville. Par le biais de l’art pictural, elle nous montre la sape des fondations de Venise et les méfaits de l’acqua alta.

Ancienne présidente du WWF, Isabelle Autissier est une écologiste engagée qui sait très bien sensibiliser le lecteur aux enjeux environnementaux et à la biodiversité de la lagune.

Efficace et fluide, l’écriture d’Isabelle Autissier devient poétique lorsqu’il s’agit de peindre la lagune à laquelle elle redonne toute son importance.

« La lagune protectrice et nourricière a été modelée en permanence par les fleuves, les marées et le travail des hommes. Des générations ont veillé sur ce subtil équilibre de terres et d’eaux. Puis tout a changé et on a cessé de regarder la lagune comme un être vivant avec lequel demeurer en symbiose ».





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Soudain, seuls

J'ai vu récemment la bande-annonce du film, sorti il y a peu, s'inspirant du roman d'Isabelle Autissier. Le synopsis m'a tout de suite attirée, mais comme je déteste voir une adaptation cinématographique avant de prendre connaissance de l'œuvre originale, je fais donc les choses dans l'ordre et commence par lire le roman. Roman dont je n'avais jamais entendu parler par ailleurs, ou que j'avais oublié... Du reste, je ne savais même pas qu'Isabelle Autissier écrivait.



"Soudain, seuls" peut être qualifié de robinsonnade moderne. Nous y suivons un couple qui, pendant une année sabbatique, ont décidé d'échapper à leur quotidien parisien en prenant le large vers l'Atlantique Sud. Attirés par les paysages et ce que la nature à offrir, Louise et Ludovic font halte sur une ancienne base baleinière, aujourd'hui réserve naturelle, lorsqu'ils sont surpris par une tempête. Après avoir passé la nuit à l'abri dans ce qu'il reste des bâtiments, ils découvrent au petit matin que leur bateau a disparu...



C'est là que la robinsonnade commence, car seuls sur cette île déserte, il leur faut apprendre les rudiments de la survie. Robinson Crusoé, lui, avait l'avantage d'être seul. Je dis "avantage" parce qu'il n'avait personne sur qui rejeter la faute du naufrage, il faisait comme bon lui semblait également. Là, ils sont deux. En soi, ça leur fait de la compagnie, d'autant qu'ils s'aiment, sans l'ombre d'un doute. Mais les petites querelles de couple qui semblent anodines au quotidien ne le sont plus forcément quand on est coincés sur une île déserte, que l'espoir de secours s'amenuise de jour en jour, que la faim devient une obsession et que l'hiver approche... Ils s'aiment mais, au vu des circonstances, la "vraie" nature de chacun prend le dessus et chacun doit composer avec les qualités et les défauts de l'autre (encore plus qu'avant du moins).



Le fait d'être coincés là-bas est bénéfique pour le lecteur en tout cas car, de son petit chez-soi bien confortable, il découvre par les yeux des protagonistes une nature sauvage hostile mais à couper le souffle : de l'eau et des icebergs à perte de vue, de la neige selon la saison, des éléphants de mer, des otaries et toute une colonie de manchots.



Mais si l'autrice décrit superbement les décors, tout comme elle sait trouver les bons mots pour dépeindre les moindres ressentis des protagonistes, son style aux phrases courtes (et la conjugaison au présent n'aidant pas) est plutôt haché. Pas désagréable pour autant, voire même poétique par moments, mais pas toujours très coulant. Il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour trouver le bon rythme et la bonne intonation (dans ma tête s'entend). Elle sait, en revanche, faire communion entre les humeurs des personnages et la nature qui les entoure, en fonction de la manière dont ils la perçoivent, selon comment ils se sentent, selon le climat plus ou moins clément. C'est souvent très joliment exprimé.



Quant à l'histoire elle-même, j'ai beaucoup aimé la première partie, d'autant que ça prend un tournant inattentu. J'ai un peu moins aimé la seconde, car déçue de retrouver la civilisation si tôt. Je ne me suis pas vraiment attaché aux personnages, même si on se sent relativement proche d'eux, de Louise notamment, la faute sans doute au style d'écriture.



Ce n'était pas aussi prenant que ce que j'en attendais, mais c'était tout de même une lecture plaisante. La bande-annonce du film m'avait laissé entrevoir quelque chose d'un peu plus intense, je ne rejoindrai donc pas les nombreux avis dithyrambiques, même si ce roman n'en est pas moins une agréable découverte.

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Seule la mer s'en souviendra

"Dans les yeux de ma mère" 🎵🎶🎵🎶chante Arno de sa belle voix éraillée.



Peter March, lui, est fasciné par les yeux de la mer...



Plus féru d'électronique que de navigation, infatigable en calcul mathématique pour établir ou ..supputer une position, tracer ou...imaginer une trajectoire maritime, mais peu enclin à grimper au mât quand les drisses s'y emmêlent, à calfater une coque qui prend l'eau , à réparer une batterie noyée , Peter March, marin romanesque et fantasque,homme velléitaire et présomptueux, plutôt qu'endurant et courageux, se met en tête de faire le tour du monde en solitaire à la voile et d'en revenir victorieux .



Il se sent fort de deux atouts, de deux audacieuses innovations: un multicoque, son trimaran, le Sailahead, et le recours, pour naviguer, à la technologie nouvelle de l'époque : la fée informatique.



Il a le sentiment d'être à la pointe de l'innovation en matière de navigation. Et il l'est, effectivement. N'a-t-il pas équipé son bateau du dernier cri en matière d'informatique?



Enfin, il compte l'en équiper.. car il part tout à trac, sans mettre la dernière main à tous ces préparatifs sophistiqués, l'ordinateur de bord toujours en kit, en vrac même, dans un bazar ambiant assez inquiétant.



Il part , dans une précipitation qui n'a d'égale que son impréparation.



Il est suivi, à terre, par une petite groupie inconditionnelle :sa fille, Eva, qui assure le commentaire de ce périple vu du quai. Et vu du côté de la raison. Eva, c'est son amer.



Car en mer, le capitaine du Sailahead part très vite à la dérive.



Loin de la course, loin de la terre, loin de la raison, loin de lui-même.



Dans les yeux de la mer...

Il se perd dans les yeux de la mer, le père sans amer.



Terriblement efficace- Isabelle Autissier est dans son élément, et la navigatrice rigoureuse qu'elle est sait et fait mesurer à son lecteur, atterré, c'est le mot, ce que coûte chaque erreur de pilotage, chaque manquement à la dure discipline de la navigation solitaire.



Ce roman d'une dérive, d'une supercherie et d'une folie sur fond d'océan agité prend aux tripes et ne se lâche pas.



Inspiré de l'aventure de Donald Crowhurst en 1969 , le personnage de Peter March fait comprendre a contrario , de quelle trempe doivent être ceux qui se risquent dans de telles courses, et quels sont les marins -ou les marines- qui peuvent regarder les yeux de la mer ...au fond des yeux.



Sans sombrer.



Merci à Nameless qui fut, une fois de plus, de bon conseil! J'ai dévoré !

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Salut au Grand Sud

Livre très esthétique co-écrit par une navigatrice, Isabelle Autissier, et un écrivain, Erik Orsenna. Le duo a très bien fonctionné et a produit un texte agréable à lire, qui coule bien, moins compliqué que les écrits personnels d’Erik Orsenna qui peuvent finir par embrouiller le lecteur et le lasser.



Ce n’est pas le cas ici et cette découverte du Grand Sud, de son histoire, de celle des marins qui ont tenté la grande aventure pour atteindre, toujours plus au sud, le Graal du pôle. Les auteurs donnent beaucoup d’informations intéressantes sur la faune qui peuple l’Antarctique.



Un tel périple amène inévitablement les questions métaphysiques et philosophiques, avec la recherche pour chacun du sens en dépassant ses rêves qui sont pourtant bien réalisés par la confrontation avec un univers auquel peu d’entre nous ont le privilège d’accéder.



Une rubrique écologique était nécessaire dans un tel livre. Sur ce plan, Erik et Isabelle font le job et envoie les bonnes alertes quant au réchauffement et à toutes ses conséquences.



De belles descriptions de l'Antarctique et des mers qui l'entourent, des références très intéressantes à ceux qui se sont aventurés dans ce continent fascinant. On pense à Charcot, Amundsen, Shackleton et tous les autres.

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Oublier Klara

En ces temps de canicule, partons donc à Mourmansk en Russie, la plus grande ville du monde située au-delà du cercle polaire. Non pour y contempler les dégâts du réchauffement climatique, mais ceux du stalinisme, et pour y chercher Klara. Ou plutôt son souvenir et l'histoire d'une famille. La quête commence auprès d'un lit d'hôpital, celui de Rubin, qui se meurt. Son fils Iouri est à ses côtés, de mauvais gré. Il a dû quitter dare-dare les Etats-Unis où il a émigré 20 ans auparavant pour y vivre librement son homosexualité et sa passion pour l'ornithologie. Alors qu'il pensait ne jamais rentrer en Russie, le voici donc au chevet de son père détesté. Celui-ci le supplie de chercher à savoir ce qui est arrivé à Klara, la mère de Rubin, arrêtée en 1950 en pleine nuit et en pleine période stalinienne, sous les yeux terrifiés de son mari et de son petit garçon. Et comme si cela n'était pas suffisamment déstabilisant, l'arrestation et la disparition de cette géologue de haut vol jettent sur la famille, suspectée d'être antirévolutionnaire, un voile d'infamie qui ne se lèvera pas avant de longues et cruelles années.

Trois générations, trois destins, dont seul celui de Iouri semble porteur d'espoir. Klara, victime de l'Histoire soviétique, son fils Rubin aux prises avec un sentiment d'abandon ingérable et dont le seul amour sera la mer, incapable qu'il est d'aimer les humains, et Iouri qui porte le poids de ce passé et d'une enfance terriblement malmenée. Les trois personnages ont en commun d'avoir beaucoup souffert et de s'être voués corps et âme à leur passion : la science, la pêche au chalut, l'ornithologie.

La mer, la nature et l'écologie, l'oppression des populations indigènes, les soubresauts de l'Histoire et leurs retombées sur l'intime, les relations filiales sont les thèmes qui traversent ce roman captivant. Avec une plume lumineuse et mélancolique, Isabelle Autissier nous invite à éclaircir le passé pour mieux construire l'avenir, et à n'oublier aucune des Klara de ce bas-monde.



En partenariat avec les Editions Stock via Netgalley.



#OublierKlara #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Soudain, seuls

Il y a des femmes qui font tout bien.



Elles montent sur un voilier et elles sont les premières à faire le tour du monde à la voile.

Elles changent d'ondes, passent sur celles de France Inter et nous  content des histoires .

Elles écrivent un premier bouquin et c'est un prix littéraire.



Des courses de marins, des contes de marins, des bouquins de marins.

On devrait pouvoir dire de "marines", féminin oblige!



 Isabelle Autissier est de cette trempe-là.



Soudain, seuls n'est pas son coup d'essai, mais c'est -presque- un coup de maître. Sans longueur, circonlocutions, préambule oiseux, nous sommes jetés à la baille!



Ludovic et Louise sont sur un bateau. Le bateau accoste, en douce,  sur une île réservée aux seuls animaux.  Ludovic et Louise sont sur l' île. Le  bateau tombe à l'eau. Qu'est ce qui reste? Ludovic et Louise sur l' île.



Soudain, seuls..



Dans les histoires de notre enfance, on tomberait en pleine robinsonnade. Et comment ils se sont construits une cabane, et comment ils ont appris à se nourrir, à se vêtir, à se chauffer.  Et comment ils ont apprivoisé les bêtes sauvages ou les sauvages tout court.



Sauf que là,  non.



La survie,  ça n' a rien de rigolo , rien d'automatique quand on est les enfants gâtés de la consommation et de la technologie. Ça ressemblerait plutôt à un cafouillage de bricoleur du dimanche, à  un bidouillage maladroit et incompétent.



La survie ça ne respire pas le retour à la vie naturelle, le paul-et -virginien "back to the trees" . Ça a même tout l'air d'

un carnage, dans la droite ligne du massacre de masse des espèces (trop) tardivement protégées qui a eu lieu à  la même place.



La survie ça ne fleure pas la solidarité ni l'éthique humaniste non plus. Ce serait plutôt le radeau de la Méduse,  ou les naufragés du Fairchild FH 227 en pleine cordillère des Andes, si vous voyez ce que je veux dire.



Terrible bouquin, magnifiquement écrit, qu'on ne peut lâcher. 



Mon seul bémol - et la 5eme étoile est tombée de son firmament- vient de la dernière partie qui m'a déçue en  édulcorant les précédentes dans un lissage cosmétique fait de coaching, de management, de best seller, de presse à sensation et de l'inévitable résilience ...





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L'amant de Patagonie

Le vent m’emporte aussi loin que le bout du monde. Les voiles font profil bas, la houle affiche sa fière, les vagues chevauchent le pont. Le pied marin, l’âme patagonne, la mer me jette sur cette terre hostile. Dans toute sa splendeur, sa démesure. Des galets froids sur la grève, comme une ultime escale, la fin d’une errance, j’ose le silence. Le ciel, le même mais pourtant si différent, la lumière qui s’y jette, la poussière qui s’y mêle. Comme une impression de déjà vu, la sensation d’y avoir vécu.



1880, Emily, jeune écossaise de 16 ans, s’embarque vers l’inconnu et débarque dans une lointaine contrée qui en ce temps-là s’écrivait Ouchouaya, pour servir non pas le Seigneur tout-puissant mais un pasteur venu évangéliser cette région du bout du monde perdue au-delà des caps et de la raison. Evangéliser pour les uns, coloniser pour les autres. Pour les blancs, le but est le même, parquer les indiens encore vivants, ceux qui n’ont pas encore été décimés par les armes ou les maladies.



Isabelle Autissier a laissé en cale son voilier pour prendre la plume du cormoran et conter les légendes et l’amour de Patagonie. Je sens son profond respect pour cette Terre de Feu. Elle a de nombreuses fois franchi ce cap ; probablement les escales de la vie l’ont emmené dans ces eaux froides et majestueuses. Elle écrit sur ces paysages ancestraux, une terre de toute beauté, le ciel qui éblouit la mer qui chante, sur ces indiens, yamanas, alakalufs, onas, que la civilisation occidentale a si rapidement mis à leurs pieds ou dans une fausse commune pour s’approprier des terre à parquer leurs moutons blancs, sur ces guanacos qui se font de plus en plus rares ou ces baleines qui brillent par leur absence subite. Isabelle connait ces terres, autant que Florent Pagny, et je vois sa plume comme un bel hommage à l’écrivain local Francisco Coloane. Ses passages naturalistes me font penser au grand « Tierra del Fuego », ses escales maritimes avec « Le Petit Mousse », ses légendes indiennes à « El Guanaco ».



Emily, jeune femme forte, trouvera là-bas la paix qu’elle cherchait. Et l’amour aussi. Avec un sauvage, en plus. Ces indiens, sauvageons un jour, sauvageons toujours, comme dirait le pasteur. Mais avec l’amour, elle découvrira ce peuple, ces croyances, le drame. D’ailleurs les croyances ne sont pas faites pour être comprises, mais juste pour être acceptées, chaque peuple ayant son lot de mystère et d’étrangeté. Elle deviendra, une des leurs, éprise de dons, habitée par la magie, celle du ciel, celle de la terre, celle du feu qui transformera le cœur et l’âme d’une écossaise en patagonne jamais indienne, mais plus vraiment européenne.



Le drame prévisible, avec la colonisation blanche rien n’est imprévisible même l’invraisemblable, alors je ne suis pas surpris, juste chagriné parce que forcément, l’Histoire s’est déroulée ainsi. Des drames, l’homme blanc en est familier, surtout loin de ces terres, surtout en période d’évangélisation, excuse presque bidon pour assouvir simplement leur puissance et suprématie obtenue au bout d’une arme à feu. La route s’arrête devant l’océan dans l’aube tiède du levant… Je commence à comprendre…
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Soudain, seuls

Entre potes ou en famille, une semaine à la voile c'est souvent l'extase intégrale (si tant est que les moussaillons aient passé l'âge de rendre leur quatre-heures sur le pont arrière dès le premier roulis).



Chez Autissier la notion de plaisance est un peu plus musclée. Son jeune couple de citadins en mal de ressourcement a pris le large pour un périple ambitieux. Appareillage en Normandie, traversée de l'Atlantique et cabotage le long des côtes sud-américaines jusqu'à la Terre de Feu, puis cap vers l'Océan Indien. Et c'est là comme qui dirait le début des contrariétés…



Ce n'était que l'introduction, et désormais il sera bien moins question de navigation que de tentative de survie sur une île coupée du monde.



Soleil de plomb, cueillettes miraculeuses et jupette en fibre de bananier (faut vraiment que t'arrêtes de regarder Koh-Lanta toi)... tu te vois déjà robinsonner quelques semaines en amoureux en attendant la cavalerie ?

Nenni.

Ici chérie c'est l'Atlantique Sud et ses Cinquantièmes hurlants, quelques 800 milles à l'est des Malouines (et non pas «entre la Patagonie et le cap Horn» selon la quatrième de couverture qui nous prend vraiment pour des truffes en géo). Panoramas prodigieux, glaciers terrifiants, pétrels géants et colonies d'otaries, manchot à volonté au petit-déjeuner, et au déjeuner, et aussi au dîner pendant qu'on y est, tout est compris dans le forfait. Quelque part entre 28 et 32 sur l'échelle de la paumitude en milieu hostile, c'est pour dire.



Impossible toutefois de lâcher ce récit pourtant féroce. L'aventure idyllique sombre dans une atmosphère inévitablement glaçante, toujours plus oppressante, mais d'une plume aussi harmonieuse qu'efficace Cap'tain Autissier, qui cumule décidément bien des talents (c'est un peu énervant), raconte à merveille les conditions extrêmes et la détresse humaine, inspirant qui plus outre d'intéressantes pistes de réflexion sur l'instinct de survie et la perte des repères sociaux. Captivant de bout en bout.



Unique restriction personnelle, rapport aux vacances à la voile et aux mouillages sauvages je ne suis plus très sûre de mon enthousiasme... (merci bien Isabelle).






Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Soudain, seuls

Avertissement à ceux qui ont adoré ce roman, qui l’ont porté aux nues : NE LISEZ PAS MA CRITIQUE. Sinon, vous serez très malheureux, et je vous comprendrai.



Mais par honnêteté intellectuelle – rien que pour ça - , je me dois de donner la sensation que j’ai éprouvée tout au long de cette lecture, quoique moins prononcée dans la 2e partie : l’agacement. Pur, total, infini.

Il va donc falloir que je m’explique, que je parle de cette histoire dont les critiques sur Babelio m’avaient galvanisée.



Allons-y, alors.



Louise et Ludovic sont très jeunes et fous amoureux l’un de l’autre. Ils décident de faire le tour de l’Atlantique (Antilles, Patagonie, Afrique du Sud). Cette décision ne s’est pas faite sans mal, parce que Louise, alpiniste chevronnée mais d’une nature réservée et peu aventureuse, rechigne à suivre son compagnon Ludovic, pur produit de notre société formatée par Internet. Mais ils partent. Et ils se retrouvent sur une île d’où il y a des années et des années, on pêchait la baleine. Cette île, devenue réserve naturelle interdite aux humains, est abandonnée. Eux aussi...

Ce récit d’une survie dans une nature âpre m’a prodigieusement ennuyée. Les phrases assez courtes, les descriptions réalistes au style peu recherché, sans presqu’aucune image, au vocabulaire plat, tout ceci m’a déjà rebutée. Je me surprenais à soupirer. Encore un peu, et j’allais souligner les phrases mal formulées ou les expressions stéréotypées, comme s’il s’agissait d’une copie d’élève.



Je continue ? Il est toujours temps d’arrêter de lire ma critique ! Je vous avais prévenus !

La psychologie, maintenant. Oui, le point de vue omniscient permet de plonger dans les cerveaux des 2 protagonistes, mais cela me semble si artificiel, si peu approfondi. Les semaines passent, et nous survolons les faits et gestes des personnages ainsi que leurs pensées. J’ai l’impression que tout se contredit car tout va si vite. Je n’ai pas le temps d’assimiler les réactions humaines et de me les approprier qu’un comportement totalement différent se pointe et annule ce qui vient d’être si laborieusement démontré.

Et pourtant, par moments, l’auteure s’appesantit sur certaines descriptions, les détaille à l’envi, comme si nous étions incapables de comprendre. Ecoeurement, donc. Sensation d’être prise pour une potiche.



Je n’aborderai pas la deuxième partie pour ne pas déflorer l’histoire pour les futurs lecteurs, je peux juste dire qu’elle m’a un peu moins ennuyée. Psychologie un peu mieux cernée, peut-être ?

Mais le mal était fait. J’ai refermé ce roman avec soulagement.

Et appréhension en pensant à ma critique...



Pour terminer – et je n’essaie pas de me dédouaner - , je certifie que je respecte infiniment Mme Autissier en tant qu’immense sportive pleine de courage et de détermination.

Mais après avoir lu « Vendredi ou les limbes du Pacifique » de Michel Tournier, une œuvre explosive, la comparaison se produit inéluctablement. En faveur de Tournier.



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L'amant de Patagonie

Emily, jeune fille Ecossaise est orpheline de son père depuis peu mais de sa mère depuis sa naissance, celle-ci est morte en la mettant au monde ; Emily s'est toujours sentie responsable de la mort de sa maman. Son frère envoyé travailler chez des fermiers, Emily est confiée à un pasteur qui correspond avec un confrère émigré en Patagonie soucieux d'obtenir une aide ménagère pour son épouse. Le révérend Mac Kay lui parle de ce courrier et, sans hésiter, elle se dit partante. Le 26 mars 1880, Emily a seize ans, sa malle est chargée sur la diligence de Glasgow, en route vers le Nouveau Monde. Emily découvre les magnifiques paysages d'Ouchouaya, aujourd'hui devenu Ushuaia, tandis qu'elle trouve les autochtones hideux. Au fil des jours, sa première impression sur ces sauvages va se dissiper, elle apprend à les connaître, enseigne l'anglais aux enfants et trouve un interprète sympathique en Aneki qui l'initie à sa langue et aux coutumes des yamana. Contrairement à ses compatriotes qui traitent les autochtones en sauvages, Emily, jeune fille éprise de liberté, recherche leur compagnie et s'éprend d'Aneki ...

Isabelle Autissier, d'une belle écriture, offre de belles images de la Patagonie, raconte l'histoire de ce peuple décimé par les Blancs et offre à son lecteur un beau roman au titre de L'amant de Patagonie.

Isabelle Autissier, navigatrice, se révèle être une auteure de talent !
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