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Citation de araucaria


Un peu par nécessité, un peu par goût, j'étudiais alors les moeurs des populations maritimes des ports du Midi et de l'Algérie.
Un jour, je m'embarquai à bord du Félix Touache, en partance pour Philippeville.
Humble passager du pont, vêtu de toile bleue et coiffé d'une casquette, je n'attirais l'attention de personne. Mes compagnons de voyage, sans méfiance, ne changeaient rien à leur manière d'être ordinaire.
C'est une grave erreur, en effet, que de croire que l'on peut faire des études de moeurs populaires sans se mêler aux milieux que l'on étudie, sans vivre de leur vie...
C'était par un clair après-midi de mai, ce départ, joyeux pour moi, comme tous les départs pour la terre aimée d'Afrique.
On terminait le chargement du Touache et, une fois de plus, j'assistais au grand va-et-vient des heures d'embarquement.
Sur le pont, quelques passagers attendaient déjà le départ, ceux qui, comme moi, n'avaient point d'adieux à faire, point de parents à embrasser...
Quelques soldats, en groupes indifférents... Un jeune caporal de zouaves, ivre mort, qui, aussitôt embarqué, était tombé de tout son long sur les planches humides et qui restait là, sans mouvement, comme sans vie...
A l'écart, assis sur des cordages, je remarquai un tout jeune homme qui attira mon attention par l'étrangeté de toute sa personne.
Très maigre, au visage bronzé, imberbe, aux traits anguleux, il portait un pantalon de toile trop court, des espadrilles, un sorte de gilet de chasse rayé s'ouvrant sur sa poitrine osseuse, et un mauvais chapeau de paille. Ses yeux caves, d'une teinte fauve changeante, avaient un regard étrange : un mélange de crainte et de méfiance farouche s'y lisait.
M'ayant entendu parler arabe avec un maquignon bônois, l'homme au chapeau de paille, après de longues hésitations, vint s'asseoir à côté de moi.
- D'où viens-tu? me dit-il, avec un accent qui ne me laissa plus aucun doute sur ses origines.
Je lui racontai une histoire quelconque, lui disant que je revenais d'avoir travaillé en France.
- Loue Dieu, si tu as travaillé en liberté et non en prison, me dit-il.
-Et toi, tu sors de prison?
- Oui. J'ai fait huit ans à Chiavari, en Corse.
(...)

(Amara le forçat)
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