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Citation de enkidu_


S’il est un élément commun à toutes les cosmogonies égyptiennes, c’est l’omniprésence de l’Incréé aux frontières du réel. Ce dernier était conçu comme une masse liquide infinie au sein de laquelle flottait le monde tangible. Appelé Noun ou Nouou, il était la source de toute vie, mais cette incarnation du chaos manifestait en permanence son inquiétante influence sur la création. Il est, certes, la matière primordiale d’où tout élément organisé est tiré et dont le démiurge lui-même a dû se dégager pour entreprendre le grand œuvre de la création. Toutefois, il est simultanément le foyer de l’inorganisé qui tend à attirer à lui ce qui en est issu. C’est l’explication que les Egyptiens ont trouvée pour définir l’entropie, qui touche tout ce qui est créé et conduit plus ou moins rapidement chaque élément du monde sensible à sa fin.

Espace imaginaire, le Noun est également une masse inerte en perpétuel conflit avec les formes positives. Ses interférences avec le Cosmos se produisent essentiellement dans le cadre invisible des actions divines. Dans la description imagée des pérégrinations nocturnes du soleil, les forces destructrices sont résumées dans un gigantesque serpent, Apophis, qui tente de faire échouer la barque divine afin d’interdire un nouveau matin et d’interrompre le processus de création permanente.
(...)
L’idée d’un chaos liquide d’où surgirent un jour le démiurge et son œuvre est vraisemblablement née de l’observation du pays lui-même, au climat si particulier. Lorsqu’ils s’établirent peu à peu sur les rives du fleure, les futures Égyptiens constatèrent le gonflement régulier du Nil et la nécessité vitale d’aménager leurs premières implantations urbaines hors de portée des flots (…) à partir de cette observation, les Égyptiens nouèrent des liens ambigus avec l’inondation dont ils firent une émanation du Noun. A l’image du Chaos primordial, ces eaux essentielles à la survie gommaient le paysage civilisé, avalaient les terres arables, menaçaient les villages, rongeaient les digues et envahissaient les canaux, tout comme le Noun, tapi aux confins du monde, était prêt à engloutir l’œuvre divin. Pourtant, cette immersion annuelle était salvatrice : sans cette manifestation liquide, il n’y avait aucun espoir de renouveau ! Lors de la « première fois », quand naquit l’univers sensible, c’est du Noun qu’a surgi le démiurge ; et sa volonté créatrice tira de ces flots la matière qui lui permit d’engendrer le monde. (pp. 69-70 & 84-85)
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