HORS D'ATTENTE
En léger décalage …
En léger décalage, ces plantes poussées sur la façade de la
cathédrale : tu devines, à la forme découpée des feuilles, un
jeune figuier enraciné dans les pierres… Tout est lieu
habitable, quitte à éventrer les murs, quitte à rester petit,
quitte à fleurir loin et seul, quitte à garder dans ses paumes
ses fruits séchés.
HORS D'ATTENTE
La terre …
La terre repose dans les ombres du soir : tu entends sa
respiration régulière frôler les feuilles.
Du coteau, une fumée gravit l'espace, se hisse au ciel ;
sa traîne blanche ne tranche pas la continuité du moment :
elle flotte puis se perd dans l'étendue.
Nous sommes là, sans parler, insectes.
HORS D'ATTENTE
S'éloigner…
S'éloigner en ensevelissant sa voix sous des cris d'enfants,
les gémissements du vent, sous les chants des cigales, les
paroles des oliviers
Partir
D'un étrange silence.
HORS D'ATTENTE
Langueur étrange…
Langueur étrange
Toi que la faim ne ronge
Dont le travail n'écrase ni le corps ni l'esprit
Distance ?
Ta main se pose sur le tronc de l'arbre mais tu ne le rejoins
Écrire, est-ce attendre ce qui te rattachera ?
Cette capacité à rire, chez l'enfant dont la vie se retrouve pourtant pulvérisée soudain par des événements sur lesquels il n'a aucune prise, m'a toujours semblé miraculeuse.
Moi qui raisonnais littérature, j'avais le sentiment que ma rencontre avec Clarisse amorçait un nouveau chapitre dans mon existence, voire un nouveau tome.
HORS D'ATTENTE
C'est un vieux cimetière …
C'est un vieux cimetière, enfoui sous les herbes
La mousse dessine les dernières paroles adressées aux
morts
Une douleur de feuilles …
Une brise la berce
Le soir l'ourle d'oubli.
HORS D'ATTENTE
Il fallait que le chemin …
Il fallait que le chemin s'arrête
Et cette plaie
Pour partir
Pour ailleurs
Tu troqueras la chair ardente pour la fougue du vent, pour
un éclat de fleur
Te noueras à la solitude
Et d'une mue de mots, tu sortiras nouvelle, resteras un
moment à sécher ton corps mou au soleil
Liras sur ta peau l'empreinte du chemin.
Il n'est pas mort : ses branches frémissent de feuilles et
bruissent dans le vent
Qu'importe qu'il emprunte au lierre ce souffle verdoyant
Nous vivrons aussi de mots sur nos corps apaisés.
HORS D'ATTENTE
Comme on reprend tout à zéro…
Comme on reprend tout à zéro
Comme on retourne à la ligne
Tu effaces l'image du sentier, du fleuve, la représentation
d'un parcours progressant
On ne va mais tombe
en goutte d'eau
un disque plus sombre à peine sur la terre sèche
avant l'arrivée du soleil qui nous enlève.
HORS D'ATTENTE
Tu devines …
Tu devines à l'odeur pestilentielle
La bête là
Morte depuis des jours
Son corps gonflé et raide
N'écarte pas les herbes
Passe
Ton chemin
Se prolonge et les champs resplendissent des fragrances
des foins
Bois au soir serein.