Elle avait la désagréable impression d’être sourde et aveugle. Etre presque aussi limitée que les humains, ce n’était pas drôle du tout.
A scène avait quelque chose de totalement irréel. Être là, en compagnie d’un criminel aux noirs desseins comme dans un salon mondain, entourée de créatures à l’aspect monstrueux qui montaient la gade à côté de la table, et servie par un nain habile à l’aspect repoussant, c’était comme un cauchemar éveillé.
- J’ai déjà dit ce que je pensais du personnage. Je pense que sa méchanceté est plutôt un exutoire à sa propre souffrance.
- Oh, la psy, comme elle élocutionne bien ! railla Benoît. C’est un con fini, point final, y a pas besoin de chercher des explications à la noix, dit-il d’un ton sans appel. Il est né con, il est con et il mourra con, c’est tout, conclut-il pour le cas où on n’aurait pas compris son point de vue.
- Et toi, Elizabeth, tu as quel âge ?
Elizabeth la regarda, perplexe. Mais la fillette avait l’air réellement curieuse, ce n’était pas une effronterie.
- J’ai trente-quatre ans. Tu me trouves vieille ?
Ileana réprima un fou rire.
- Vieille ? Pensa-t-elle, si tu savais la tête qu’ont dans mon pays les fées de trente-quatre ans, tu serais surprise !
- Je suis peut-être parano, mais je préfère vérifier : la dernière fois qu’on a vu une silhouette amie dans la forêt, c’était un monstre déguisé. Dites-moi un truc qu’on est les seuls à connaitre, par exemple.
- Voyons… Je suis le congénère des jardiniers paysagistes qui ont « fumé de la moquette ». ça te va, comme preuve ?
On en a déjà parlé : on va à Néourvellen, on interroge les elfes, on trouve le seigneur noir et on délivre mes parents. Ensuite on va chercher les vôtres, et puis basta. Il est clair, le programme, dit Ileana.
-Tu t'appelles Ileana comment ?
-J'ai nom Ileana!
-Oui,mais comment s'appellent tes parents ?
-Ma mère est Iowena la reïne et mon père Aldric.
Jamais… Tss, tss. Un mot qui ne devrait pas exister. Il est aussi excessif et ridicule que « toujours ».
Tragique fait divers dans la forêt d’Edelynn : un valeureux guerrier, alourdi par les kilos de nourriture, n’arriva plus à bouger son armure et se fit trucider en deux secondes par les ennemis moins bien nourris, récita Claire.
Comme dirait ce cher Benoît, elle ne se prend pas pour une queue de cerise. Bizarre, ces expressions humaines, qui pourrait bien se prendre pour une queue de cerise, à part un type à enfermer ?