Citations de Italo Calvino (992)
« Renoncer aux choses est moins difficile qu’on ne croit : le tout est de commencer.
Une fois qu’on est arrivé à faire abstraction de quelque chose qu’on croyait essentiel, on s’aperçoit qu’on peut se passer aussi d’autre chose, et puis encore de beaucoup d’autres » ..
— Sire, désormais je t’ai parlé de toutes les villes que je connais.
— Il en reste une dont tu ne parles jamais.
Marco Polo baissa la tête.
— Venise, dit le Khan.
Marco sourit.
— Chaque fois que je fais la description d’une ville, je dis quelque chose de Venise.
Il ne peut y avoir d'amour si l'on n'est pas soi-même, et de toutes ses forces !
On sait ce qu'il en est de ces moments où il semble que nous ayons tout compris : il se peut qu'une seconde plus tard, comme nous voulons préciser ce que nous venons de saisir, tout nous échappe.
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Les désirs sont déjà des souvenirs.
Un gentilhomme est un gentilhomme, monsieur mon père, aussi bien au sommet des arbres que sur terre... Tant qu'il se conduit avec rectitude.
...Une nuit, il poussa jusqu'aux maisons de Préchampignon et lança sur leur toit de paille de la poix enflammée. Les lépreux ont la vertu de ne pas souffrir quand ils rissolent. Surpris par les flammes dans leur sommeil, ils ne se fussent certes pas réveillés. Mais tandis qu'il prenait la fuite au galop, le vicomte entendit s'élever du village une cavatine au violon; les habitants de Préchampignon veillaient, absorbés par leurs jeux. Ils roussirent tous un peu mais sans souffrir.
Ils s'en amusèrent même, comme c'est dans leur tempérament. Ils eurent aussitôt fait d'éteindre l'incendie; et leurs maisons, peut-être bien parce que lépreuses comme eux, ne subirent que peu de dommages.
Mais le potage fini, l'Abbé commençait à se sentir las, contrarié : il regardait dans le vide et faisait claquer sa langue à chaque gorgée de vin ; seules, les sensations les plus superficielles et les plus éphémères semblaient encore le toucher. Au plat de résistance, nous pouvions nous mettre à manger avec les mains ; et à la fin du repas, nous nous lancions des trognons de poires, tandis que l'Abbé laissait choir de temps à autre un des ses nonchalants :
- Oooh bien ! Oooh alors !
Ce n’est pas que tu attends quelque chose de particulier de ce livre particulier. Tu es un homme qui, par principe, n’attend plus rien de rien. Il y a tant de gens, plus jeunes que toi ou moins jeunes, dont la vie se passe dans l’attente d’expériences extraordinaires. Avec les livres, les personnes, les voyages, les évènements, tout ce que l’avenir garde en réserve. Toi, non. Tu sais que le mieux qu’on puisse espérer, c’est d’éviter le pire. C’est la conclusion à laquelle tu es arrivé dans ta vie privée comme pour les problèmes plus généraux, et même mondiaux. Et avec les livres ? Justement : comme tu y as renoncé dans tous les autres domaines, tu crois pouvoir te permettre le plaisir juvénile de l’expectative au moins dans un secteur bien circonscrit comme celui des livres.
A tes risques et périls : la déconvenue n’est pas bien grave.
Dans l'obscurité, les huguenots se rassemblèrent autour d'Ezéchiel.
" Père, nous l'avons maintenant sous la main, le Boiteux, chuchotèrent-ils. Et il faudrait que nous le laissions nous échapper ? Il faudrait que nous le laissions commettre de nouveaux crimes contre des innocents ?"
C'est difficile à croire, mais dans une métropole comme Paris, on peut perdre des heures à chercher un endroit adéquat pour brûler un cadavre.
_ Qui va là ? leur demanda une sentinelle dont la capote était couverte de mousses et de moisissures comme l'écorce d'un arbre exposé au vent du nord.
_ Vive la sacro-sainte couronne impériale ! cria Kurt.
_ Et mort au sultan ! répondit la sentinelle. Mais je vous en prie, lorsque vous arriverez au quartier général, demandez-leur quand ils se décideront à me relever ? Je suis en train de prendre racine ! (p. 13)
Les lecteurs sont mes vampires. Je sens une foule de lecteurs qui regardent par-dessus mon épaule et s'approprient les mots au fur et à mesure qu'ils se déposent sur le papier.
Raimbaut ne sut que dire. Il sortit de la tente ; au couchant, le soleil était rouge. Pas plus tard qu'hier, en voyant le soleil bas, il se demandait : "Où serais-je quand il se couchera, demain? Aurais-je surmonté l'épreuve? Serais-je assuré d'être un homme, de laisser une empreinte sur cette terre où je marche?"
Dans le domaine de l’hydraulique, notre oncle naturel aurait manifestement pu faire bien davantage. La passion, il l’avait ; l’intelligence nécessaire à cette science ne lui faisait pas défaut ; mais il était incapable de rien réaliser ; son énergie était comme une eau mal canalisée qui, après quelques détours, se laisse absorber par un terrain poreux.
Nos sentiments devenaient incolores et obtus parce que nous nous sentions comme perdus entre une vertu et une perversité également inhumaines
« Parmi mes sentiments aigus, je n’ai rien qui corresponde à ce que les gens entiers appellent l’amour. Si pour eux un sentiment aussi niais a une telle importance, ce qui pourra, chez moi, correspondre à cette passion-là sera certainement magnifique et terrible. »
Les exploits que forment une obstination intérieure doivent rester secrets; pour peu qu'on les proclame ou qu'on s'en glorifie, ils semblent vains, privés de sens, deviennent mesquins.
On voit que tu as l’habitude de lire plusieurs livres à la fois, que tu choisis des lectures différentes pour les différentes heures du jour, pour les diverses parties de ton habitation, si petite soit-elle : il y a les livres destinés à la table de nuit, ceux qui trouvent place près du fauteuil, à la cuisine ou au bain.
Cela pourrait bien faire un trait important à ajouter à ton portrait : ton esprit joue de cloisons internes qui permettent la séparation entre des temps, avec arrêt et reprise, et la concentration alternative sur des canaux parallèles. Cela suffit-il pour qu’on dise que tu voudrais vivre plusieurs vies contemporainement ? Ou que tu les vis effectivement ? Que tu sépares ce que tu vis avec une personne et dans un lieu, d’avec ce que tu vis ailleurs avec d’autres ? Que de toute expérience tu sais devoir attendre une insatisfaction qui ne se compense que par la somme de toutes les insatisfactions ?
Tous les critiques ont été favorables, et même trop, vis à vis de mes livres.....Les rares critiques défavorables sont ceux qui m'intriguent le plus, ceux dont j'attends le plus; mais je n'ai pas encore réussi à avoir une critique négative sérieuse et approfondie, qui m'apprenne quelque chose d'utile. p.19
( Italo Calvino répond à la question:Quel est la critique qui vous a été le plus favorable? Et celui qui vous a été le plus hostile?)