Le vendredi 10 janvier 2020, à l'occasion de la publication du tome 1 de "En proie au silence", la librairie "Le Renard Doré" (à Paris) organisait une table ronde intitulée : "Oser parler de sexisme Quand les autrices brisent le silence". Animée par Marie Palot, la table ronde réunissait Alexandra Marion (intervieweuse de Shiori Ito, fondatrice de Tokyoatparis et autrice d'un reportage sur le #metoo au Japon), Yatuu (autrice de "Pas mon genre" et "Erika et les princes en détresse") et Bruno Pham (directeur éditorial des Editions Akata). Nous vous proposons de découvrir l'intégralité de la conférence sur notre chaîne.
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Vous qui tenez ce livre dans vos mains, que savez-vous de moi ? Que je suis une femme qui a subi un viol ? Une femme qui a le courage de tenir une conférence de presse ? Une femme qui ose parler de viol sans fermer les boutons de son chemisier jusqu’au cou ?
Même en prenant le train pour aller à l’école, on risque d’être la proie d’un pervers. La dernière fois que j’ai subi des attouchements, je portais l’uniforme de mon collège. J’ai bougé pour me dégager et m’éloigner de mon agresseur, un homme d’âge mûr, mais il m’a suivie. Il jubilait en voyant le dégoût sur mon visage. Cela m’a mise dans une colère noire.
Les expériences passées m’avaient servies de leçon, j’étais déterminée à ce que cela ne se reproduise plus : la prochaine fois que je serais embêtée, je coincerai mon agresseur. Jusque-là, encore trop jeune, le choc produit par l’agression m’avait empêchée de comprendre ce que je subissais. Et personne ne m’avait expliqué que c’était un acte répréhensible.
Pourtant, cette fois encore, aucun son n’est sorti de ma bouche malgré mes efforts pour crier. J’avais peur, si j’attrapais la main de mon agresseur, qu’il se mette à me frapper. J’étais dans un express qui ne s’arrêtait pas à toutes les gares et la station où je devais descendre était encore loin. L’homme continuait de me toucher sans se gêner. Quand le train s’est enfin arrêté, je me suis ruée vers la porte et je suis descendue en courant sur le quai. Je me suis retournée vers le train en criant : « Cet homme m’a touchée ! Espèce de pervers ! Connard ! ».
J’ai couru de toutes mes forces jusqu’à la maison en pleurant. Je devais avoir quatorze ou quinze ans. C’était la première fois que j’injuriais un inconnu. Ces insultes étaient pour toutes les fois où j’avais eu peur et où je n’avais pas réussi à me défendre.
Mais je ne me suis jamais sentie en danger lors de mes séjours et reportages dans ces régions reculées. C'est ici au Japon, le pays où je suis née, ce pays réputé pour être l'un des plus sûrs d'Asie, que j'ai connu l'insécurité. Et ce qui a suivi le viol a achevé de m'anéantir. Je n'ai trouvé de secours nulle part. Ni les hôpitaux, ni les lignes d'assistance téléphonique, ni la police ne m'ont apporté leur aide. J'ai découvert avec effarement un visage inconnu de la société où javais vécu jusque-là.
Je savais que ce que je venais de vivre était une relation sexuelle non consentie, mais je ne réalisais pas encore qu’il s’agissait d’un viol. Si on y réfléchit, cela saute aux yeux. Mais pour moi, un viol était une agression brutale perpétrée par un inconnu. Quelque part, je ne voulais pas admettre que ce que je venais de vivre était un viol.
Il faut que je parle. Il n’y a pas d’autre voie. Mon travail est de témoigner. Me taire, c’est tolérer le crime qui a été commis.
C'est parce que les familles ont décidé de montrer une vraie personne, avec un nom et un visage, et non pas une "victime A", que ces révélations ont eu un impact sur la société.
A l'exemple de ces familles, je me suis promis de ne pas être une "victime A".
« Il faut obéir aux adultes. »
C’est comme cela que nous avons été élevés. On nous a toujours dit qu’il fallait être respectueux envers nos aînés, qu’il fallait faire attention à bien nous conduire. Comment serions-nous capable d’élever la voix ?
[…]
Qui croira ce que disent les enfants ?
Qui protégeras les enfants ?
Personne n’aime le changement. Dans ce pays, en particulier, il y a des gens pour qui parler ouvertement de viol est tabou. Qui veulent-ils protéger ? Et de quoi ?
Je crois en la vérité que j’ai moi-même recueillie, et c’est dans cette vérité que je vis.
Dans les affaires où des personnages importants comme Yamaguchi sont impliqués, le commissariat de police compétent ne prend aucune décision sans en informer au préalable la première division.
Les viols existent dans tous les pays, dans tous les systèmes. Les coupables influents s’en sortent, protégés par des structures qui fabriquent une réalité déformée.
[…]
Quels que soient mes efforts, quel que soi mon désir de retourner en arrière, jamais je ne retrouverai le moi d’avant. Il n’en reste qu’une coquille vide.
Mais si je dois mourir, il sera toujours temps de le faire après m’être battue contre les défaillances du système que je veux changer, et après épuisé tous les moyens dont je dispose.
[Discussion avec l’inspecteur A]
« Vous est-il déjà arrivé de subir des pressions ?
- Oui. »
Mais jusqu’à présent, il ne s’agissait que de pressions. Jamais il n’avait reçu l’ordre d’annuler une arrestation le jour même.