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Citation de MarianneL


Sartre a écrit dans Les Mots que son « lieu naturel », fixé par l’enfance, est « un sixième étage parisien avec vue sur les toits ». Sartre a réussi à se sauver tout seul. Moi, c’est le camping-car qui m’a préservé de la parisianité, de la satisfaction haussmannienne, de la connivence entre les élites, de la morgue, de la conviction de déplacer l’univers, ou, plus exactement, il les a déplacées dans un camion farfelu où elles ont perdu tout esprit de sérieux, toute prétention, pour n’être plus que des dérisions de soi. Mon altimètre ne s’est jamais détraqué : l’alezan de métal faisait deux mètres au garrot.
Si le camping-car a joué un rôle si décisif dans ma formation, c’est pour son indélicatesse, sa simplicité crasse, son brin de ridicule fièrement assumé, cette sorte de je-m’en-foutisme allègre, affirmation d’une originalité point trop rebelle, d’une incompatibilité somme toute acceptable, mais qui rendait plus fort, plus joyeux, conscient de la valeur de son idiosyncrasie. Le camping-car n’avait le droit à aucun honneur, il ne connaissait que l’honneur de vivre.
À certains moments de ma vie, lors de réceptions à la Sorbonne ou à l’Élysée, j’ai toujours eu une pensée pour mes quatre grands-parents artisans, pour mon arrière-grand-mère illettrée, pour les habitants du misérable shtetl de Pologne, avec ses roulottes et ses chevaux, où mon grand-père faisait de la sellerie. Quels que soient mes succès et mes échecs, je n’ai jamais oublié d’où je viens. Je viens du pays des sans-pays. Je suis avec ceux qui traînent leur passé comme une caravane. Je suis du côté des marcheurs, des rêveurs, des colporteurs, des bringuebalants. Du côté du camping-car.
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