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3.65/5 (sur 416 notes)

Nationalité : Espagne
Né(e) à : Bilbao , 1978
Biographie :

Écrivain, éditeur et administrateur culturel espagnol.

Co-fondateur des éditions Masmédula, qui publient principalement de la poésie contemporaine, il a collaboré avec différentes structures et institutions nationales et internationales autour de la production de projets culturels (théâtre, musique et danse).

Il est l'auteur de trois romans, dont "Le Puits", publié dans plusieurs langues et en France chez Denoël, en 2014, "Prélude à une guerre" et "Un bon féministe".

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— Enferme un homme, n’importe qui, dans une cage, dit le Petit.
Donne-lui une couverture, un coussin en plumes, un miroir et une photographie de ceux qu’il aime. Trouve le moyen de lui donner à manger, puis oublie-le là pendant quelques années. Dans ces conditions et dans la majorité des cas, le résultat sera le suivant : un individu apeuré, réduit à la culpabilité, moulé dans la forme même de la cage.
De manière très exceptionnelle, poursuit-il, le sujet en question mourra par atrophie des organes vitaux, deviendra fou en se regardant dans le miroir ou sera condamné à un état végétatif sans appel.
Par ailleurs, chez les êtres sujets à la rébellion, incapables de dominer leur esprit critique, la détention prolongée est impossible : enferme l’insurgé dans une cage pendant plusieurs années et il réussira à s’échapper, à se suicider méticuleusement avec le moindre objet, ou mourra en taillant son propre corps en pièces pour passer à travers les barreaux. Le véritable problème reste cependant celui de la nature fertile de ces insoumis, blottie au cœur de la conscience de l’homme : lorsque l’un d’entre eux meurt, deux autres le remplacent.
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- Enferme un homme, n’importe qui, dans une cage, dit le Petit.

Donne-lui une couverture, un coussin en plumes, un miroir et une photographie de ceux qu’il aime. Trouve le moyen de lui donner à manger, puis oublie-le là pendant quelques années. Dans ces conditions et dans la majorité des cas, le résultat sera le suivant : un individu apeuré, réduit à la culpabilité, moulé dans la forme même de la cage.

De manière très exceptionnelle, poursuit-il, le sujet en question mourra par atrophie des organes vitaux, deviendra fou en se regardant dans le miroir ou sera condamné à un état végétatif sans appel.

Par ailleurs, chez les êtres sujets à la rébellion, incapables de dominer leur esprit critique, la détention prolongée est impossible : enferme l’insurgé dans une cage pendant plusieurs années et il réussira à s’échapper, à se suicider méticuleusement avec le moindre objet, ou mourra en taillant son propre corps en pièces pour passer à travers les barreaux. Le véritable problème reste cependant celui de la nature fertile de ces insoumis : lorsque l’un d’entre eux meurt, deux autres le remplacent.

Tiens bien compte à présent de ce qui a été dit, et imagine des cages pendues aux toits des cafés, des librairies, des églises, des hôpitaux et surtout de toutes les écoles ; qu’il y ait au moins dans l’une d’entre elles un de ces perturbateurs, un de ces sujets déviants et anticonformistes.

Imagine les discours qu’engendreraient du haut de leurs autels ces corps tordus et concaves, excités par une foule coupable. Que de perverses manifestations de lucidité s’abattraient sur le monde durant leur règne ! Imagine-toi le détenu d’un hôpital : témoin des maladies et des décès, droit et beau comme un canon à souvenirs bleu. Ou le captif d’une église : presque aveugle, forcé au silence lugubre des prières et des cérémonies. Imagine cet homme, sage comme une fleur fanée, recroquevillé dans la position typique du prisonnier et qui, tous les hivers au premier vent d’ouest, essais de s’envoler.

Imagine...

Imagine que je puisse fabriquer la clé de toutes ces cellules. Pendant des années et des années, nous attendrions que le monde se soit définitivement habitué à cacher les hommes derrière des barreaux, que la tradition et l’empathie aient contraint ces êtres perdus, aliénés, cloisonnés, à devenir le produit d’un modèle social de stockage collectif, une génération d’animaux domestiques, une race de meubles et de momies... Alors à cet instant, et à cet instant seulement, nous les libérerions.
Qu’ils soient comme le feu, l’été invincible de tous les hivers.

- Et le monde serait à nous, mon frère, conclut-il.
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- Sache, mon frère, que je suis l’enfant qui a volé le cheval d’Attila : je lui ai pris ses sabots et m’en suis fait des chaussures pour que l’herbe ne repousse plus jamais sous mes pas. Beaucoup d’hommes vils m’ont craint comme les foudres d’un dieu car j’ai asséché leurs terres et leurs semences lors de mes longs voyages à travers le monde.
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Dans son rêve, le puits est aussi grand qu’une ville. Ses habitants sont affamés parce que la terre n’en peut plus, disent certains. Le Petit ne se souvient pas de la vie à l’extérieur du puits, mais le Grand est plus âgé, il a de la mémoire, lui.
- Ils avaient besoin de place en haut, répond-il invariablement quand le Petit demande pourquoi ils vivent dans un endroit si sale.
- Ils sont beaucoup là-haut ?
- Non. Ils sont très peu.
- Donc c’est tout petit en haut ?
- Non. C’est très grand.
- Je ne comprends pas.
- Là-haut, ils ont le pouvoir.
[…]
- Quand on sera là-haut, on fera une fête.
- Une fête ?
- Oui
- Avec des ballons, des lumières et des gâteaux ?
- Non. Avec des pierres, des torches et des potences.
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-Alors c’est quoi cette colère que je ressens à l’intérieur de moi ?
- Tu deviens un homme, répond le Grand.
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Quelques heures plus tard, le Petit comprend que le puits n’est pas un puits mais un pressoir, et son frère, un fruit plein qu’il doit moudre pour en extraire l’huile, comme cela se fait avec les olives. Il le frappe d’abord à coups de pierre, mais la manœuvre est lente et épuisante. Alors il construit un moulin à sang tiré par des bœufs ; attelés à un essieu, ils font tourner une immense meule, qui broie la chair, les os et les entrailles pour en obtenir une pâte humide. Il la verse ensuite dans le crâne vide de son frère et invoque la pluie, qui se présente sous la forme d’un robinet ; ce mélange sécrète un liquide opaque et lourd, impossible à mâcher ou à boire, mais qui cependant calme sa faim, sa soif, tout.
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Si seulement tu étais capable de voir ce que je vois. L’obscurité du jour. Mais aussi cette chaleur inexplicable, si proche de l’amour... Tu ne la vois pas ? Tu ne sens pas ce liquide qui nous enveloppe comme des fœtus ?

Ces parois sont des membranes entre lesquelles nous flottons et nous nous retournons dans l’attente de notre tardive mise au monde.

Ce puits est un utérus. Nous allons bientôt naître, toi et moi. Nos cris sont la douleur du monde qui accouche
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C’est de penser que, toi, tu puisses mourir qui rend mon monde si petit.
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Certaines nuits, le Grand ne peut pas dormir : soit parce qu’il fait des cauchemars infestés de douloureux souvenirs, soit à cause de ses vives angoisses, exacerbées par les bruits de la forêt et l’air dense de l’obscurité.

Après cinq semaines dans le puits, l’insomnie n’est plus qu’une routine comme les autres dans leur ridicule petit périmètre vital.

Tous les hommes, se dit-il, perdent le sommeil lorsque leur monde est obstrué. Voilà pourquoi les révolutions des peuples meurtris et les pires fléaux ont lieu la nuit.
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Tous les hommes, se dit-il, perdent le sommeil lorsque leur monde est obstrué. Voilà pourquoi les révolutions des peuples meurtris et les pires fléaux ont lieu la nuit.
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