Les Lundis du Collège de France à Aubervilliers 2006-2007
Conférence du lundi 2 avril 2007 : L'autre Europe : Ivo Andric
Intervenant(s) : Predrag Matvejevic, Université de Rome - La Sapienza (Italie)
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Dès qu'un gouvernement ressent le besoin de promettre par voie d'affiches la paix et la prospérité à ses administrés, il convient de se méfier et d'en attendre tout le contraire.
.....il ne regarde plus que les livres alignés derrière les vitres, il imagine tout ce qui peut y être écrit et dessiné, il éprouve déjà de la peine à l'idée de devoir en choisir un, et d'avoir à le demander.Il pense au bonheur qui serait le sien, au poids dont il serait instantanément libéré s'il n'était pas obligé de choisir mais pouvait tranquillement, en toute liberté, fouiller dans les trois armoires et examiner, feuilleter tous les livres. Qu'est donc un seul livre, quand bien même le plus beau, quand on sait qu'il en existe tant de centaines, tant de milliers d'autres? C'est trois ou quatre qu'il faudrait pouvoir prendre afin de ne pas s'angoisser à l'idée d'avoir fini d'un instant à l'autre le seul que l'on ait et de rester sans plus rien à lire.
( Le Livre)
Les désirs sont comme le vent, il déplacent la poussière d'un endroit à un autre, obscurcissant parfois l'horizon, mais finissent par se calmer et retomber, laissant derrière eux l'éternelle et immuable image du monde.
C’est sur ces sentiers que le vent balaie et que la pluie lave et que le soleil infecte et guérit, sur lesquels ne se rencontrent que du bétail martyrisé et des hommes taciturnes au visage sombre, qu’a pris forme ma pensée de la richesse et de la beauté du monde. Là, ignorant et faible et les mains vides, j’ai été heureux jusqu’au vertige, heureux de tout ce qui n’existe pas, ne peut exister, et n’existera jamais.
« Les petits hommes que nous appelons « enfants » ont leurs grandes douleurs et leurs longues souffrances.»
Aux instants où me fatiguait et m’empoisonnait un monde dans lequel je vivais par un mauvais hasard, lorsque l’horizon s’assombrissait et que vacillait la direction, j’étendais alors pieusement devant moi, tel un tapis de prière, le dur sentier, misérable, sublime, de Višegrad, qui apaise toute douleur et efface toute souffrance, car il les contient toutes en lui et toutes les surplombe.
Et là, dans les ténèbres humides, il y avait maintenant, créature surgie d’un autre monde, Smiljka. Immobile, indécise plutôt qu'apeurée, elle promenait sur les garçons le regard que lui donnaient ses grands yeux bleus. Elle pouvait avoir sept-huit ans, mais elle paraissait costaude dans sa robe passée de couleur, râpée dans le bas, qui l’engonçait. Elle se tenait solidement plantée sur ses jambes nues, éraflées bronzées, dans le potelé et la lourdeur rappelaient les pattes d’un jeune chiot. Elle bredouilla quelques mot dont il ressortit qu’elle était à la recherche d’une chèvre égarée.
(La Tour )
Nous n'admettons et n'estimons tout à fait les vertus de quelqu'un que dans la mesure où elles nous apparaissent sous une forme qui convient à nos vues et à nos penchants personnels.
" L'oubli est la mort dénuée d'espérance. "
Maître Antonije fit venir de Dalmatie les plus habiles cordiers après avoir réservé toute la récolte de chanvre, même dans les districts avoisinants. Ces artisans, dans des bâtiments spéciaux, commettaient des cordes d'une solidité et d'une épaisseur extraordinaires. Les charpentiers grecs confectionnaient selon ses plans et ceux de Tossun efendi de grandes grues à poulie en bois, puis ils les plaçaient sur des radeaux et soulevaient, grâce aux cordes, les blocs de pierre les plus lourds pour les transporter jusqu'aux piles qui poussaient l'une après l'autre dans le lit de la rivière. Il fallait quatre jours entiers pour déplacer chacun de ces énormes blocs, depuis la berge jusqu'à sa destination finale, dans les fondations des piles du pont.
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