Tu sais, Maman ?... J’ai dit à la maîtresse : ‘Mais, maîtresse, les fleurs sont plus jolies que vous ! Je venais juste de voir que les chrysanthèmes étaient en fleurs dans le jardin, et c’est ce que je pensais sincèrement…’
A ces mots, la maîtresse qui, avec son chignon vite fait et son teint sombre, est en plus de ça une femme de petite taille, trapue et boulotte, était devenue tout rouge. Et vu le ton sec et saccadé sur lequel, tout à coup, elle s’était mise à bredouiller… on peut bien penser, oui, que c’était là la raison de sa fureur…
Le paysage alentour est si mélancolique, si maussade, que ceux qui l’habitent n’osent pas élever la voix ; ils marchent les pieds rentrés, la tête baissée le plus souvent, tandis que le marchand de tôfu comme l’épicier parcourent les rues en silence. Aucune fantaisie dans les mœurs, aucun éclat dans la mise des femmes, peu d’ornements de couleur rouge dans leurs coiffures : chacun, sans y prêter attention, porte le deuil, d’un commun accord avec l’univers qui l’entoure.
"Ah, madame! Comme j'aimerais devenir un animal ! Il faut croire qu'ils son tous des bêtes et que ce singe est l'un des leurs! Ils lui ont donné à manger, tandis qu'à moi, humain, ils n'ont pas prêté la moindre attention !" avait-il dit en jetant un regard courroucé autour de lui. Nul doute que ce vieil homme, lui, comprenait...
Non ! Il ne s'agissait pas pour lui de comprendre, il savait, sans avoir à le dire, que les hommes sont des animaux, m'expliquait ma mère.
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Les fleurs, tu sais, on ne peut pas les entendre avec les oreilles, puisqu’elles ne disent rien, mais elles sont belles au regard…