Citations de J. M. Erre (648)
Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, l’homme et la femme, le poisson et l’oiseau, ainsi que - juste après avoir inventé l’humour - le ver solitaire et le chancre mou. Pendant six jours, Dieu se démena comme un beau diable (et en profita pour inventer le paradoxe). Chaque matin, il regardait l’oeuvre de la veille en se disant que cela était bon car il n’avait pas encore créé la modestie.. Enfin, le septième jour, au paroxysme de cet élan créatif sans précédent (et pour cause), Dieu inventa le farniente. Ce fut un choc.
Dieu se dit que cela était superbon, et depuis on n’a plus de nouvelles.
La fin, c'est le thème du moment. Fonte des glaces, montées des eaux, hausse des températures, megafeux, tempêtes dévastatrices, pénuries, réfugiés climatiques.... L'apocalypse est sur tous les écrans et sur toutes les lèvres. Pour y remédier, les représentants des deux cents états se sont réunis pour une conférence sur le climat en Egypte deux jours avant de se retrouver pour la cérémonie d'ouverture d'une Coupe du monde de football dans un stade climatisé en plein désert.
Question : est-on plus près du début de la fin ou de la fin de la fin ?
Vous avez quatre heures.
— Mon adjudant, se lance Pierrot Charbonnier, je voulais savoir si vous m'aviez déjà mis sur écoute.
— Sur écoute ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
— Je vous explique. J'ai une relation amicale avec une dame bien sous tout rapports. On s'est rencontrés sur Meetic, on chatte, c'est sympa. On a décidé qu'on se parlerait au téléphone pour la première fois ce soir. Alors, si vous pouviez ne pas trop m'écouter, ça m'enlèverait du stress.
— Mais enfin, vous n'êtes pas sur écoute !
— Ah bon ? Pourquoi ? s'étonne Pierrot.
— Vous pensez que je vais écouter les conversations de tous les habitants ?
— Moi, c'est ce que je ferais, affirme Gaëtan.
— C'est plus facile pour trouver le coupable, non ? s'interroge Gabriel.
— A condition qu'ON veuille le trouver... lâche Gaëtan.
— Drôles de méthodes, maugrée Pierrot.
— Allez, lance Gabriel pour apaiser les esprits, prenons le verre de l'amitié.
— Il est neuf heures du matin, remarque Pascalini (l'adjudant).
— Il n'y a pas d'heure pour l'amitié. Ça vous remontera le moral.
— Pourquoi n'aurais-je pas le moral ?
— Votre femme ne vous a pas quitté ?
— Non, pourquoi ?
— Vous n'êtes pas alcoolique ?
— Je ne comprends pas ce que...
— Alors votre coéquipier est mort sous vos yeux et depuis vous êtes hanté par des cauchemars parce que vous vous sentez coupable, c'est ça ?
— Pas du tout !
Moue perplexe du Gabriel. Il détaille Pascalini en repassant dans sa tête la liste complète des clichés du polar avant de lâcher :
— Vous êtes sûr que vous êtes policier ?
De toute façon, les gens nous sont toujours reconnaissants quand nous sommes désagréables, nous, les monstres. Cela leur épargne l'effort d'être compatissants, cela dissout leur mauvaise conscience de se sentir mal à l'aise auprès de nous. C'est quand ils peuvent s'autoriser à nous détester qu'ils nous aiment le plus. Alors, pourquoi s'en priver ?
"Il faut penser par soi-même au lieu de se référer à des maîtres à penser", disait un maître à penser auquel je me réfère souvent.
(page 134)
J'envie les gens qui ont des opinions claires et définitives sur tous les sujets. Ceux qui pour le réel est simple, divisé entre le bien et le mal. Ceux qui sont assurés de détenir la vérité. Ceux qui vous regardent de haut et qui vous rient au nez quand vous ne partagez pas leurs vues. Ça doit être tellement reposant d'être prétentieux, arrogant et obtus.
Le geek…a su résoudre les deux problèmes ancestraux de l’ado de base – l’acné et les filles – en passant ses journées devant un écran d’ordinateur.
p. 102
A la place, j'ai cherché du réconfort dans la littérature, comme toujours. Et j'en ai trouvé, comme chaque fois. Romeo et Juliette ? une passion abrégée par un double suicide. Tristan et Iseult ? Deux amants à la fin pathétique. Orphée et Eurydice ? Un désastre. Antigone et Hémon ? La cata. Catherine Earnshaw et Heathcliff ? la lose intégrale. Chloé et Colin ? la seum du nénuphar. quant à Adam et Eve - le tout premier couple de l'histoire, protagonistes du livre le plus vendu au monde -, passé les premiers temps des roucoulades à base de zoophilie naturiste et de dégustation de granny smith, ils n'auront pas connu bien longtemps le Paradis.
(page 43)
Le régime paléolithique du docteur Eaton explique que nos gènes ne sont pas adaptés au mode alimentaire actuel, mais plutôt à l'alimentation de nos ancêtres Cro-Magnon. C'est pour ça que l'homme moderne a du mal à excréter dans la béatitude. Heureux ancêtres qui ignoraient la constipation et mourraient à 30 ans avec un transit impeccable.
Les chiffres sont clairs : plus un pays est développé, plus la consommation de psychotropes augmente.Plus les gens vivent dans le confort, plus ils sont dépressifs. Plus ils vivent longtemps, en bonne santé et en mangeant à leur faim, plus ils voient la vie en noir.
S'il faut en conclure que c'est le bonheur qui rend malheureux, on n'est pas sorti de l'auberge.
L'imagination des romanciers permet au novice de balayer un large champ de situations et d'aborder des questions fondamentales auxquelles on ne pense pas dans l'euphorie des premières fois. Pour les questions pratiques d'organisation et d'intendance, comme les modalités de surveillance de la future victime ou la liste des fournitures de base, on se référera avec profit aux œuvres de Jeff Lindsay, l'heureux créateur de Dexter, de Thomas Harris, le pap de Hannibal Lecter ou du Néo-Zélandais Paul Cleave. Des auteurs qui ont su donner ses lettres de noblesses à la figure du serial killer, objet de mes livres de chevet.
Si un meurtre est bien sûr une tragédie, c'est d'abord un formidable sujet de conversation. Dresser un tableau 100% négatif des assassins, c'est faire preuve d'un esprit étroit. Le tueur crée du lien social. Il alimente les débats, nourrit les échanges, fait vivre la cité. Il faudrait chiffrer ça en détail, mais je mettrais mon majeur à couper que le ratio avantages / inconvénients plaide en faveur du crime.
La peur de la mort est l'un des sentiments qui m'étonne le plus chez mes "semblables". Pour ma part, l'idée du trépas est associée au soulagement. Etre enfin débarrassé de ce corps incommode qui empêche l'esprit de se déployer librement dans le monde des Idées, voilà une perspective qui ne manque pas de me ravir. J'ai toujours eu la sensation que l'être humain habitait son corps à la manière d'un locataire, comme pour un appartement auquel il se serait habitué sans jamais vraiment se sentir chez lui.
Un narrateur ne raconte pas tout. Il fait des choix et passe beaucoup de choses sous silence. Il est un manipulateur qui n'offre à son lecteur que ce qu'il veut bien lui offrir, et qui cache ce qui l'arrange pour créer un suspense à sa sauce. Position des plus pratiques quand le narrateur est lui-même le coupable, comme dans Le Meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie, mon écrivain préféré. Tata Agatha m'a appris que le plus amusant quand on raconte une histoire, c'est qu'on balade son lecteur où on veut. Cela dit, le problème ne se pose pas dans ce récit : je ne suis pas la tueuse.
Promis, juré, bavé.
Dans un coin, réconfortée par deux mamies à grands coups de "mondieumondieumondieu", j'aperçois l'infirmière de Joseph, qui venait lui donner ses soins et recevoir ses insultes. Elle pleure, choquée par l'inquiétante fonte de sa clientèle dans une campagne de plus en plus sinistrée. Si ses patients se mettent à disparaître sans même passer par la case des soins palliatifs, elle n'est pas près de rembourser le crédit de la Twingo. Elle a un haut-le-cœur et régurgite la salade sous vide, prémâchée qui constitue son ordinaire à midi. C'est elle qui a découvert Joseph éviscéré, émasculé, énuclée, étêté - et mort - dans ses toilettes. Un vrai fléau, cette désertification rurale.
Au fond, c’est peut-être ça un mythe : un personnage dont le talent dépasse celui de son créateur, un être qui a davantage d’ampleur, dans l’imaginaire collectif que dans celui de son géniteur, une figure que des écrivains successifs, vont s’approprier dans l’espoir d’être celui qui saura enfin se hisser à son niveau.
Un personnage qui fait naître un auteur, et non l’inverse.
Alain Delon était le fondateur des Homonymes Anonymes. Une association loi 1901 pour ceux qui souffraient de porter le même nom qu'une célébrité. Des victimes de l'état civil dont l'identité était occulté par celle de leur prestigieux homonyme.
" Reconnaissons enfin les tourments de l'Homonymie Anonyme ! avait exhorté un Alain Delon lyrique le jour de l'assemblée inaugurale. Pas un seul jour sans qu'on lui rappelle sa gémellité euphonique, pas une seule mention de son patronyme sans que son interlocuteur esquisse un sourire entendu ! Oui, mes amis, l'homonymie avec une célébrité est une souffrance que la société doit reconnaître afin que les victimes puissent... puissent se... puissent que... afin qu'elles puissent... ! "
Voilà les mots qui revenaient à la mémoire d'Alain Delon alors qu'il remontait de la cave avec sa corde. Un bon discours qui avait soulevé l'enthousiasme jusqu'à sa conclusion ratée qui avait tout gâché. Un discours à l'image de sa vie : une remarquable succession de ratages. En se passant la corde au cou, Alain Delon se remémora les soixante-quinze années qu'il avait occupé à rater les choses à plein temps. Il ratait ses trains, il ratait ses plats, il ratait ses mariages, il avait même raté sa naissance. A l'échographie, seul son frère jumeau avait été repéré par le gynécologue. Alain était si chétif qu'il était resté dans son ombre. Si bien que leur mère avait d'abord accouché d'un bébé obèse, puis, dans la nuit qui avait suivi, elle avait expulsé Alain toute seule dans sa chambre avant d'avoir pu appeler les secours. Le ratage inaugural.
Il se limite aussi a la lecture de trois livres et demi sur l'année,un crève coeur. Il connaît parfois une tentation littéraire surnuméraire, mais il l'apaise assez facilement avec un bain glacé.
Alors, s’il y a un responsable à désigner, oui, c’est bien la littérature [...]
– "Eh bien dis donc, j’ai bien fait de ne jamais ouvrir un livre de ma vie! Je savais bien que le lecture, c’était dangereux!
Inquiet de nature et n'accordant qu'une confiance limitée à ses capacités physiques, Arthur faisait partie de ces gens qui n'aiment pas déambuler seuls en pleine nuit dans un village envahi par des extraterrestres.