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Citation de Leg12


Les gosses de Sainte-Marine (dont nous faisions partie), c’étaient pour la plupart les fils et les filles des pêcheurs qui peuplaient le village. Il y avait bien quelques étrangers, dans les belles villas des bords de l’Odet, mais nous ne les apercevions que rarement, à la chapelle les jours de messe. Ils nous semblaient curieux, c’est-à-dire très différents des enfants bretons. Les étrangers, nous les guettions parfois à travers les haies, ou bien en nous haussant devant les portails, des groupes de garçons et de filles bien habillés, qui jouaient au mouchoir, ou au croquet, des jeux qui nous semblaient puérils, mais qui avaient l’air tout de même de bien les amuser. La maison qui m’attirait particulièrement, c’était la maison des filles, au Moguer, sur la route du cap. Au bord de l’Odet, au milieu d’un grand parc d’arbres majestueux, c’était une belle grande villa à étages, avec un toit pointu en ardoises, des lucarnes, des pignons, des sortes de tourelles, et surtout un portail en fer forgé festonné sur lequel je grimpais pour apercevoir le jardin, non pas un champ d’oignons et de pommiers, mais un vrai grand jardin avec allées de gravier et plates-bandes, et derrière la maison, à travers les bosquets de pins, la rivière qui scintillait. Mais ce qui m’attirait, c’était moins le jardin – bien qu’il eût quelque chose de magique et de grandiose qui le rendait si différent du reste du village – que la présence des filles. Cinq ou six filles – et j’appris alors qu’elles étaient les filles d’un des hommes les plus renommés de cette époque, le grand chef des Scouts de France – et pour ajouter à la légende, au mystère, peut-être à l’irritation, toutes étaient grandes, sveltes et blondes, la plus âgée devait avoir dix-huit ans et la plus jeune huit ou neuf ans. Je les observais à travers les festons du portail, je suivais leurs jeux, leurs courses dans le parc, j’écoutais leurs voix mélodieuses, je détaillais leurs robes claires, leurs chapeaux de paille, leurs foulards, leurs sandales, comme si elles sortaient d’un rêve. Je n’ai revu cela que bien plus tard, au cinéma, dans Les Fraises sauvages de Bergman – à la différence près qu’un souvenir volé à travers les interstices d’une porte a une force autrement plus réelle et durable que les images d’un film.
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