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Citation de JPBouzac


Dans la magnifique vieille ville d’Uzès, à quelques pas du Palais des Ducs, je découvris une petite échoppe comme je les aime. Sous les voûtes construites avec le même calcaire que le Pont du Gard tout proche s’entassait un grand choix de chefs d’œuvre de la littérature mondiale, en bon état et bien classés. Dans l’entrée, un homme habillé dans le style classique élégant, assis dans un vieux fauteuil, fumait tranquillement aux sons d’une musique classique raffinée.
Après ma visite en solitaire du petit magasin, je revins à l’entrée avec mes découvertes sous le bras (« Les lâches », de Škvorecký, « La plaisanterie », de Kundera et des nou-velles de Gorki).
Là, je demandais au propriétaire s’il avait d’autres exem-plaires de littérature tchèque. Il interrompit à regret sa lec-ture et m’annonça d’un ton sec, comme si je lui avais fait une proposition malhonnête :
« Mais, je n’ai aucun livre tchèque ! »
Je lui montrais ma récolte. Il rétorqua aussitôt :
« Kundera, il est français ! Les autres, je n’en ai jamais entendu parler. »
Par pure gentillesse et histoire de le faire profiter un peu de mes immenses connaissances, je lui racontais en quelques mots qui était Škvorecký et quel rôle il avait joué pour la littérature tchèque en tant qu’auteur et éditeur en exil d’œuvres interdites par la censure. Il écoutait distraitement d’une oreille et se mis tout à coup à parler :
« Intéressant. De la République Tchèque, je ne connais que Prague, une belle ville. J’ai rendu visite à un ami français qui habitait sur place à l’époque. C’était vraiment utile d’avoir un vrai connaisseur à ses côtés. Il m’a tout montré et aussi expliqué comment la ville est très marquée par deux influences. »
Le libraire fit une courte pause dramatique. Je jouais le jeu et demandais bravement, comme le célèbre soldat, un peu ventru, il est vrai : « Et lesquelles…? »
« C’est très simple… » poursuivit-il « la première influence est celle des Américains, bien visible grâce aux nombreux clubs de jazz. Nous avons entendu du Bop. Très bien. Donc, américain. »
Je ne disais plus rien. Il continua seul avec le deuxième côté de Prague :
« La deuxième influence est celle des Allemands. Nous sommes allés dans une taverne et c’était exactement comme en Bavière ! »
Qui l’eut cru ? Prague, américaine et allemande. Et rien d’autre. Je payais les livres et partis. Pour le moment, j’avais acquis suffisamment de savoir technique de la bouche d’un expert.
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