RISELA : À présent nous voyons, Madame Polichinelle, qu'avec toutes vos richesses vous n'en êtes pas moins malheureuse.
Mme POLICHINELLE : Vous ne savez pas qu'il a été parfois jusqu'à me frapper !
LAURA : Que dites-vous ? Et vous avez été femme à l'admettre ?
Mme POLICHINELLE : Ensuite, il croit arranger les choses en m'apportant quelque cadeau.
DOÑA SIRENA : Cela vaut mieux que rien ! Car il y a des maris qui n'offrent rien en compensation !
Acte I, Deuxième tableau, Scène VIII.
CAPITAN : Ah ! C'est donc cela la raison ? Et ne serions-nous pas des personnes solvables à qui l'on puisse faire crédit ?
L'HÔTELIER : Pour moi, non. Et comme je n'ai jamais espéré toucher quoi que ce soit, cela a suffi comme cadeau ; ainsi donc, faites-moi la grâce de ne plus revenir chez moi.
ARLEQUIN : Croyez-vous donc que tout n'est qu'argent en ce bas monde ? Tenez-vous pour rien les éloges que nous avons faits partout sur votre maison ? Je vous ai même dédicacé un sonnet dans lequel je vante vos perdrix à l'étouffée et vos pâtés de lièvre ! Quant à M. le Capitan, soyez assuré qu'à lui seul il défendrait le nom de votre maison contre une armée. Cela ne vaut-il rien ? Tout doit être argent comptant dans ce monde.
Acte I, Premier tableau, Scène 4.
CAPITAN : Parce que nous avons été vaincus beaucoup moins aux dernières guerres par un ennemi puissant que par ces trafiquants indignes qui nous gouvernent et qui nous ont envoyé défendre leurs intérêts, sans énergie ni enthousiasme, car personne ne combat avec conviction pour ce qu'il n'estime pas ; eux, qui n'ont pas donné un seul des leurs comme soldat et qui n'ont lâché de l'argent que contre un intérêt élevé et au meilleur compte, et qui dès qu'ils craignirent de le perdre menacèrent de s'entendre avec l'ennemi, eux maintenant nous accusent et nous maltraitent, et nous méprisent et ils voudraient faire l'économie de la misérable solde avec laquelle ils croient nous payer, et très volontiers il nous renverraient s'ils ne craignaient pas qu'un jour tous les opprimés par leurs méchancetés et leurs tyrannies n'en viennent à se dresser contre eux ! Malheur à eux si, ce jour-là, nous nous souvenons de quel côté se trouvent la raison et la justice.
Acte I, Scène 3.
CRISPIN : Il y a deux villes. Fasse le Ciel que nous soyons tombés sur la meilleure.
LÉANDRE : Deux villes, dis-tu, Crispin ? Ah, je comprends ! L'ancienne et la nouvelle, chacune sur une rive du fleuve.
CRISPIN : Qu'est-ce que le fleuve, l'ancienneté ou la nouveauté ont à voir là-dedans ? Je dis deux villes, comme toute ville du monde : une pour celui qui arrive avec de l'argent, et l'autre pour celui qui arrive comme nous.
Acte I, Premier tableau, Scène 1.
CRISPIN : Nous tous, nous portons en nous un grand seigneur aux pensées élevées, capable de tout ce qui est grand et de tout ce qui est beau... Et, à ses côtés, l'humble serviteur, celui des basses œuvres, celui qui doit s'employer dans les viles actions dictées par la vie... Tout l'art consiste à les séparer de telle sorte que lorsque nous tombons dans quelque bassesse nous puissions toujours dire : ce n'est pas ma faute, ce n'était pas moi, c'était mon serviteur. Dans la plus grande misère de notre vie, il y a toujours quelque chose en nous qui veut se sentir supérieur à nous-mêmes. Nous nous déprécierions trop si nous ne croyions pas valoir plus que notre vie...
Acte I, Tableau 2, Scène 2.
CRISPIN : En amour, ce n'est pas mentir que de taire ce qui peut nous faire perdre l'estime de l'être aimé.
Acte II, Scène 4.
L'amour est un enfant fragile qui supporte peu les privations.
Acte II, Scène dernière.
CRISPIN : Ah ! crois-tu que si j'avais trouvé en toi un homme différent, je me serais contenté de te faire jouer le rôle d'un amoureux ?... Non je t'aurais voué à la politique, et sans l'argent de Monsieur Polichinelle, le monde aurait été à nous. Mais tu n'es pas ambitieux, tu te contentes d'être heureux.
Acte II, Scène 4.
CRISPIN : N'êtes-vous pas celui qui avec vingt hommes seulement avez donné l'assaut au château des Roches Rouges dans la fameuse bataille des Champs Noirs ?
CAPITAN : Vous savez ?
CRISPIN : Comment, si nous savons ? Oh ! Que de fois l'ai-je entendu rapporter par mon maître enthousiasmé ! Vingt hommes, vingt et vous devant, et du château... boum ! boum ! boum ! des coups de feu, et des bombardes, et de la poix bouillante, et des diables enflammés... Et les vingt hommes comme un seul homme et vous devant ! Et ceux d'en haut... boum ! boum ! boum ! Et les tambours... ran, rataplan, plan ! Et les trompettes... tarari, tari, tari !... et les vôtres seulement avec leur épée et vous sans épée... tsac ! tsac ! tsac ! un coup par-ci, un coup par-là... une tête, un bras...
Acte I, Tableau I, Scène 4.
DOÑA SIRENA : Si, au lieu de gaspiller ta jeunesse en t'éprenant de cet Arlequin, ce poète qui ne peut t'offrir rien d'autre que des vers et des chansons, tu savais mieux tirer parti de toi, nous ne serions pas en si triste état !
COLOMBINE : Que voulez-vous ! Je suis encore trop jeune pour me résigner à être aimée sans payer de retour. Et si je dois devenir habile en faisant souffrir pour mon amour, j'ai besoin de savoir prendre ma revanche. Je n'ai pas encore accompli mes vingt ans. Ne me croyez pas privée à ce point de bon sens pour songer à épouser Arlequin.
Acte I, Tableau II, Scène 1.