Payot - Marque Page - Jack Finney - le voyage de Simon Morley
Vous est-il déjà arrivé de donner un livre qui vous avait énormément plu en éprouvant un sentiment d'envie parce que la personne va le découvrir et que, cette expérience, vous ne la ferez plus jamais ?
Le degré d'altération est généralement trop infime pour qu'on perçoive vraiment la différence. Et pourtant, ces minuscules changements quotidiens nous ont progressivement extriats d'une époque où, à la place des feux rouges et des pompiers de ce matin, vous auriez vu des champs, des arbres et des cours d'eau, des vaches, des hommes en tricorne et des navires britanniques à l'ancre sur une East River limpide et ombragée.
Pourquoi les frères Wright ont-ils eu envie de construire un aéroplane ? Pour créer des emplois d'hôtesses de l'air ? Pour nous permettre de bombarder le Viêtnam ? Non, tout ce qu'ils avaient en tête, c'était de savoir si la chose était possible. C'est sans doute pour la même raison que les savants russes ont placé le premier satellite sur orbite, malgré tous les mobiles officiels avancés à l'époque. Tout bêtement pour savoir s'ils en seraient capables, comme des gosses qui font exploser un pétard sous une boîte de conserve vide pour voir si elle va vraiment s'envoler. Et à mon avis, c'est une raison suffisante.
... il y avait toujours des conséquences, dans quelque avenir que ce soit, à tout acte commis dans le passé. Affecter le cours d'un événement dans mon époque à moi, c'était aussi altérer l'avenir de manière inimaginable ; et pourtant, c'était ce que nous faisions tous à chaque instant de notre vie.
Il se trouve que pendant mon service militaire j'ai appris à améliorer ma vision nocturne : il ne faut jamais fixer directement ce qu'on cherche à repérer, mais plutôt un objet proche. Alors, du coin de l'oeil, on distingue assez clairement ce qu'on essaye de voir. Or, dans certain cas, c'est aussi comme cela que l'esprit fonctionne : parfois, lorsqu'on a un problème, il faut savoir l'oublier, ne pas se torturer pour en trouver la solution. J'ai marché jusqu'à Broadway et pris un cab au Metropolitan Hôtel ; et une fois revenu à Gramercy Park, je savais de que je devais faire.
Je sais, vous croyez que je vaticine, que je suis devenu complètement fou, et c’est bien naturel, car nous sommes victimes de nos propres concepts, docteur, prisonniers de notre mode de pensée et de nos notions élémentaires et limitées du phénomène de la vie. De ce fait, il nous est presque impossible de concevoir tout ce qui diffère par trop de nous-mêmes, et particulièrement la vie qui, outre la nôtre, existe sur notre petite planète. La preuve en est que lorsque des hommes veulent décrire, dans leurs romans de science-fiction ou leurs bandes dessinées, des Martiens ou des Sélénites, ils ressemblent toujours à des versions caricaturales de nous-mêmes ! Nous ne pouvons rien imaginer d’autre ! On leur attribue six jambes, trois bras, une petite antenne sur la tête, on les peint en vert, mais ce sont toujours de petits hommes ! »
Car il n'est pas vrai, vous m'entendez, pas vrai qu'on doive poursuivre une expérience simplement parce qu'on a découvert qu'elle était possible. A mesure que la science applique ses tout nouveaux talents à la résolution des plus impénétrables énigmes de l'univers, une certitude de plus en plus grande se dessine: il n'est ni nécessaire ni souhaitable de mettre en oeuvre des expériences uniquement parce qu'on a appris à le faire.
A mon avis, il ne faisait que suivre son sale instinct d'homme politique : toujours se protéger, au cas où les choses tourneraient mal.
Pourquoi respirez-vous, mangez-vous, dormez-vous, faites-vous l'amour et reproduisez-vous votre espèce ? Parce que c'est votre fonction, votre raison d'être. Il n'y a pas d'autre raison, et nous n'avons pas besoin d'autre raison. Vous vous rendez malade, stupidement ! Qu'on fait les hommes sur ce continent, sinon s'y répandre jusqu'à le remplir ? Où sut passés les buffles qui occupaient cette terre avant votre arrivée ? Ils ont disparus. Où sont devenus les pigeons voyageurs, qui jadis assombrissaient de leur vol les cieux d'Amérique, par milliards de milliards ? Le dernier est mort dans un zoo de Philadelphie en 1913 ! Docteur, la fonction de la vie est de vivre si elle y parvient : aucune autre raison ne peut se mettre en travers de cette évidence biologique. Aucune cruauté n'intervient dans ce processus : l'homme haïssait-il le buffle ? Nous devons continuer parce que c'est dans la loi biologique, ne pouvez-vous donc pas le comprendre?... C'est l’instinct animal.
Chaque fabuleuse découverte scientifique est aussitôt accaparée par un groupe de gens - on pourrait presque dire une race à part - qui savent toujours ce qui vaut mieux pour nous. Dès que la science a appris à réaliser la fission nucléaire, ces gens-là ont immédiatement été convaincus ; la meilleure application de cette innovation, c'était la destruction d'Hiroshima !