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Citation de Pseudo


-Quand j'étais gamin...commença-t-il, mais il s'arrêta brusquement au milieu de sa phrase.
L'aile ténébreuse l'avait de nouveau frôlé, et son corps vibrait, pressentant un désastre imminent. Il sentait qu'un élément perturbateur était à l'oeuvre dans sa chair, et il avait l'impression que tous ses muscles allaient commencer à se contracter. Soudain il s'assit, et tout aussi brusquement se pencha en avant, les épaules sur la table. Un tremblement imperceptible parcourut les muscles de son corps. Cela ressemblait au bruissement des feuilles à l'arrivée du vent. Il serra les dents. Cela revint, une tension spasmodique des muscles. Tout son être se révoltait, et il fut pris de panique. Il n'était plus maître de sa musculature: elle se tendit encore en spasme, en dépit de sa volonté - car il avait voulu l'en empêcher. C'était une révolution, une anarchie intérieure; et une terreur impuissante s'empara de lui tandis que sa chair l'empoignait et semblait le saisir dans un étau; des frissons lui parcouraient le dos, et la sueur commençait à perler à son front. Il jeta un coup d'oeil à la pièce, et tous les détails lui donnèrent un sentiment étrange de familiarité qui le frappa. C'était comme s'il revenait d'un long voyage. Il regarda son complice en face de lui. Matt l'observait en souriant. Le visage de Jim prit une expression d'horreur.
-Bon Dieu, Matt, hurla-t-il, tu m'as pas mis une drogue ?
Matt sourit et continua de l'observer. Malgré la crise intense qui suivit, Jim ne sombra pas dans l'inconscience. Ses muscles se tendaient, se contractaient convulsivement, se nouaient; leur étreinte sauvage le blessait, l'écrasait. Mais tout à coup le comportement étrange de Matt le frappa. Il était en train de suivre le même chemin. Son sourire avait disparu, et son visage prenait une expression attentive, comme s'il écoutait quelque message intérieur et cherchait à en deviner le sens.
Matt se leva, traversa la pièce, fit demi-tour, puis se rassit.
-T'as fait ça, Jim, dit-il avec calme.
-Mais je pensais que t'essayerais aussi d'me régler mon compte, répondit Jim sur un ton de reproche.
-Oh, j'ai fait ça très bien, dit Matt, les dents serrées et le corps frissonnant. Tu m'a donné quoi ?
-Strychnine.
-Moi pareil, répondit l'autre spontanément. Satané pétrin, non ?
-Tu mens, Matt, dit Jim d'un ton suppliant. Tu m'as pas empoisonné, hein ?
-Bien sûr que si, Jim. Mais j'en ai mis que ce qu'i'fallait. J'l'ai fait cuire bien comme i'faut dans ta moitié de tournedos.
Arrête ! Où tu vas ?
Jim s'était précipité vers la porte et était en train d'ôter les verrous. D'un bond, Matt s'interposa et le repoussa.
-Un pharmacien ! fit Jim d'une voix haletante. Un pharmacien !
-Pas question. Tu vas rester là. Tu vas pas sortir jouer les empoisonnés dans la rue - pas avec tous ces bijoux sous l'oreiller. Tu piges ? Même si tu mourais pas, tu tomberais entre les mains des flics, et faudrait t'mettre à table ! Un vomitif, voilà le truc contre le poison. J'suis aussi mal en point que toi, et j'vais prendre un vomitif. De toute façon, on t'donnerait rien d'autre à la pharmacie.


Pages 81-82 - Rien que de la viande
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