Été 70 de
Jacky Essirard
Pendant deux années, j'avais cru à un mirage. La voie s'était terminée en cul-de-sac. Ingrid avait dressé un mur que je n'avais pu escalader. J'ai fait demi-tour, rejoint le dernier carrefour avant Rotterdam et repris la route initiale. Adieu les fantasmes, j'ai réintégré mon vrai corps, pour vivre avec et me faire raisonnable.
Aujourd'hui encore, j'ai cette sensation de ne pas être attaché à mon corps, d'avoir un cerveau indépendant qui promène ses idées sans être relié au reste. Il faut s'incarner, unifier la chair et l'esprit, dit-on. Un sacré défi ! Quel poids à tirer ! C'est pourtant dans cet accord pensée-matière que l'on se sent vivre. Suis-je totalement vivant ? Voilà la question. Il me faut toujours réfléchir, être conscient de ce qu'il advient. Un défaut que je n'ai pas éradiqué. Avant le voyage j'avais la faculté de rêver, j'appréciais la volupté de me laisser aller au monde, de m'y intégrer. La Hollande m'a dessillé. Fin des illusions.