Intéressante étude qui explore les sources de l’islam. Sur son « terrain » et en se basant sur l’arabe tel qu’il était parlé. Une religion qui à l’origine est apparue en dehors de toute référence (religieuse ou autre) étrangère, à l’intérieur de son propre microcosme, un milieu tribal où l’eau (divinisée) était primordiale à la survie du clan. Et où, secondairement, importait la sécurité des caravanes, elle aussi sous protection, celle de déesses, ainsi que soumise au bon vouloir des djinns du désert. Comme la Bible, cette religion s’est constituée sous la forme de strates successives. Contrairement à elle, la transmission a été initialement orale, alors que le judaïsme, et sa continuité historique, le christianisme, a été conservé par l’écrit (on écrivait dans l’environnement biblique, cerné par de puissants empires, tels qu’Égypte et Mésopotamie). Par la suite, à mesure de sa progression géographique, la religion musulmane apparue initialement dans la tribu de la Mecque, s’est développée, s’« appropriant » (plutôt qu’empruntant) de vastes pans bibliques (souvent parcellaires et incohérents) afin de créer une antériorité et une légitimité visant ses propres enjeux. Alors que judaïsme et christianisme ont été passés au crible de l’histoire critique, les auteurs déplorent la quasi impossibilité d’étudier de la même manière, c’est-à-dire objectivement, sans tutelle religieuse, l’islam. Ou alors à son propre péril. Constat désolant. Qui ne laisse augurer rien d’optimiste quant à des évolutions possibles. Une étude originale et éclairante. Un ouvrage nécessaire.
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Une exploration exigeante des deux religions monothéistes qui, grâce à une méthode contextualisée d'anthropologie historique nous fait comprendre l'origine de la formation de ces deux grands courants religieux. l'écriture de la Bible se poursuit sur plusieurs siècles dans une période d'Empires déjà constitués, tandis que le Coran s'adresse aux tribus Mecquoises et de Médine comme le code d'un bon père de communautés dont il faut assurer la survie et les alliances. Adorateurs de divinités protectrices de l'eau et des voies caravanières, les tribus se rallient à une voix (voie) qui les rassurent sur le plan matériel quotidien bien d'avantage que le message religieux qui adviendra plus tard au fur et à mesure que la parole du Prophète touche des cercles de populations de plus en plus diversifiées et déjà touchées par le christianisme, qui d'alliance en alliance protectrice, constitueront l'Empire islamique. Partant du principe d'une parole incréée, le Coran se soustrait aux exégèses critiques dont a bénéficié la Bible depuis le XIX ème siècle et reste encore l'otage d'une lecture littérale propice aux prises de positions archaïques, voire sectaires.
Une oeuvre salutaire et très enrichissante pour qui veut bien éviter le piège d'interprétations hâtives et anachroniques et s'attacher au sens profond et universel du message spirituel de ces deux grandes religions.
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un livre très documenté sur les sources tribales et païennes de l' islam.On peut regretter que l' auteur s' appuie un peu trop sur l' étymologie faute de nombreuses preuves archéologiques
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Un lecture passionnante mais ardue. Il s'agit d'une recherche scientifique sur l'histoire de l'Islam. L'autrice essaie de reconstituer le décor des premiers croyants et distingue entre ce qui relève de l'histoire et ce qui relève du mythe. Un travail d'autant plus difficile pour les historiens qu'il n'y a pas de traces écrites de cette époque car les sociétés arabes étaient de tradition orale. Elle a conscience que certaines de ces idées pourraient choquer et précise en introduction qu'elle ne veut pas remettre en question les rites musulmans et le travail des théologiens. Elle cherche seulement à étudier l'Islam à ses débuts c'est à dire quand il n'y avait pas encore de musulmans. Elle a fait un travail approfondi sur l'étymologie des mots et leur signification dans le contexte arabe nomade du VIIè siècle.
J'ai appris par exemple que la plupart des rites actuels ont été adoptés au siècle abbasside dans un souci de syncrétisme et de légitimation de leur pouvoir. ils ne dateraient pas de l'époque du Prophète. Cela m'a étonné, mais elle pose même l'hypothèse que le Coran n'aurait pas été fixé sous le califat d'Othman mais beaucoup plus tard.
L'étude de la traduction des versets du Coran vers la fin de l'ouvrage montre à quel point l'interprétation peut varier en fonction de l'importance donnée ou non au contexte de l'époque.
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