Jacqueline Demornex

Je n'avais jamais travaillé ainsi, des journées entières, sans bouger. Je découvre le bonheur d'écrire sans voir le temps passer. Sans le sentir peser. D'ailleurs on ne sent plus ni ses bras ni ses jambes, le corps immobile n'a plus conscience de ses limites, on ne perçoit plus le contact avec la chaise, la table, on sait qu'on est assis, mais on ne se « sent » pas assis, je dis « on » parce que le « je » s'est évaporé, on est la femme sans corps, on pourrait être une Sphynge, avec les reins repliés en arrière, ou alors porter une queue de sirène, pourquoi pas ? Et les mots, les phrases viennent, parfois se précipitent, entraînant des idées sans préméditation, comme si ce corps dématérialisé permettait aux idées de s'incarner librement. L'écriture, ou le coeur d'un corps sans corps ?