Jacqueline Rose Institute for Social Justice (ACU)
L'injonction à n'être que ça, amour et bonté, est insupportable pour une mère et la met en miettes, mentalement et physiquement. Il est tout à fait possible de reconnaître que l'amour d'une mère pour son enfant est unique, sans tomber dans les pièges désastreux qui vont avec. L'idée de vertu maternelle est un mythe qui ne sert personne, sûrement pas les mères, ni le monde dont la rédemption est censée reposer sur elles. Pour le dire plus simplement, nulle femme ayant été mère ne peut croire deux secondes qu'elle sera tout sourire à jamais (vertu et terreur, en même temps).
Ne pas être explosif : et si c'était la définition de ce que nous attendons d'une mère ? Même si, ce dont toutes témoigneraient, une mère se sent justement explosive, et désemparée de l'être : personne au monde ne m'est aussi cher que mon enfant, personne ne me rend aussi folle de rage. C'est cette demande -être respectable et non explosive- dont je pense qu'elle rend les mères, et par extension, les enfants, fous. Bien sûr, je suis consciente que c'est l'inverse de la façon dont ces questions sont en général posées : si une mère ne peut tout contenir, alors qui le peut ?
Sans doute y aura-t-il toujours une disjonction radicale entre ce qu'un enfant est et ce qu'une mère souhaite le plus ardemment pour lui. C'est peut-être une des sources de souffrance de la maternité : découvrir que son enfant possède en son for intérieur une histoire dont vous espériez, contre tout espoir, définitivement le libérer.
Personne ne résout la question de la maternité. C'est un espace dans lequel on entre quel qu'en soit le risque.