Couronné du prix Max-Pol Fouchet, ce recueil de poèmes nous entraine dans une errance en Côtes d’Armor.
« On est emporté par l’itinéraire. Traversé de regards, d’angles et d’envols brusques. »
Il faut se laisser aller aux images de ces poèmes sans titre, au rythme de ces vers de longueur variable, qui nous englobent dans ce « on » qui revient inlassablement.
La poésie de Jacqueline Saint-Jean n’a pas d’affèteries, elle fait corps avec les paysages d’eau, de sables et de vent. Elle « fait bouger la langue »
« On s’amenuise, presque transparent sous les yeux de gypse des géantes qui regardent plus loin.
Vers la peau du fleuve peut-être, sueur de lumière sur la chair profonde. »
Dans cette poésie intimiste qui s’écrit face au paysage, on se sent entrainé, bousculé par les éléments et le rythme du poème. Car il s’adresse à nous dans ce « tu » qui explore la substance des êtres.
« Tu dépouilles tes peaux d’ombre
et tes chevelures de lierre. »
Sa poésie est universelle, elle s’ouvre au vaste monde, n’hésitant pas à s’éloigner de la côte. C’est une poésie de haute mer, de plein vent.
« Tu es dans les sursauts de toute histoire
de toute image remuée d’eau vive. »
La poétesse ouvre la mémoire, convoque l’enfance. Mais le silence et l’oubli nous guettent
« et la nuit couvrira nos mains
lentes immenses délivrant
l’eau des écluses entre les corps. »
Il faut écouter ce chant « aux confins de la terre et de l’eau. »
Commenter  J’apprécie         680
Entre les pages de « Matière ardente », Jelle est de retour. Jelle, femme mystérieuse, celle qui est toutes les femmes, de l’intime à l’universelle, le « Je » et le « Elle » et qui interroge l’avenir en écoutant nos voix
« Encore une arche dit Jelle
Vers ces brumes blanches
Où quelqu’un appelle »
Et dans ce « siècle qui (nous) percute de ses impacts violents », nous devons continuer à chercher la lumière. Mémoire ensevelie dans les soubresauts du monde, dans ce « magma spasmodique » où l’histoire fait ployer les nuques.
Et même si « aucun poème n’apprivoise les cris », si tout n’est que fragilité, il suffira de peu « un mot de neige », pour que perdure le vivant.
Malgré ce corps qui s’alourdit, malgré la maladie et « la mort qui rôde », Jelle se tourne vers le jour qu’elle interroge, elle « veut porter l’écho de l’errance humaine »
La mer, chère à la poétesse bretonne, est présente, qui apparait en filigrane car, si la femme finit par s’effacer, dissoute dans « les temps d’avant nous », « tout retourne à la mer »
L’écriture aérienne et profonde de Jacqueline Saint -Jean interroge la vie, le temps qui passe et la mort. Elle nous plonge avec délicatesse dans la mémoire des femmes, de toutes les femmes.
Recueil ardent et profond qui nous touche par sa beauté épurée.
« Reste une sanguine
Une encre qui s’obstine
Au palimpseste du temps »
Ces derniers vers fusionnent merveilleusement avec l’œuvre picturale d’Henri Tramoy qui illustre ce recueil et où se mêlent rouge ardent, gris et noir.
.
Commenter  J’apprécie         341
C’est à un voyage singulier que nous convie Jacqueline Saint-Jean, un voyage dans l’univers des poupées avec la visite de l’hôpital qui leur est consacré à Lisbonne.
Ponctué de clichés saisissant de Francis Saint-Jean, le recueil déroule ses poèmes empreints de tendresse pour ces éclopées. L’auteure égrène leur nom : Violeta, Lara ou encore poupée-poème, poupée chimère.
« Je te donne parfois
les prénoms de la vie »
Ces poupées anciennes, de son, de celluloïd, de porcelaine ou de chiffon évoquent une enfance lointaine où l’on réparait encore les jouets. La béance de leurs corps, leurs mutilations nous émeuvent
« Des rangées de bras nus
attendent lancinant
le corps qui leur manque. »
Le corps malmené de ces poupées fouille l’intimité du corps féminin et de ses souffrances.
Leurs blessures exposées à nos regards évoquent cette maltraitance à laquelle on les expose. Heureusement, il y a dans cet hôpital des mains habiles et apaisantes pour recoudre les plaies
« Ici le fil des femmes
recoud la nuque et le temps
redresse la tête »
C’est avec délicatesse que Jacqueline Saint-Jean prête sa voix et redonne vie à ces poupées de toute origine et qui nous accompagnent depuis la nuit des temps
Ainsi, « entre réel et fable » naît la « poupée-poème ».
http://textureamb.over-blog.com/2021/05/jacqueline-saint-jean-hopital-des-poupees.html
Commenter  J’apprécie         330
Très jolie découverte! Je connaissais et appréciais quelques poèmes de Jacqueline Saint-Jean mais un recueil entier, joliment illustré en noir et blanc par Christian Pieroni, quel régal!
Avec des mots simples, l'auteure métamorphose le quotidien, par des images chaudes, sensuelles ou aériennes, qui m'ont emportée, ravie! Comme elle l'explique elle-même, à la fin , c'est " un livre qui parle de la poésie, de l'écriture, de la vie, des mystères du monde".
Dans les textes, souvent courts, les poèmes se cherchent, se promènent, les mots se libèrent,les éléments de la nature s'offrent à nous comme des cadeaux, des symboles, des merveilles...
" Le crépuscule coule dans le corps
La peau ruisselle de signes"
Pour l'auteur, la poésie, c'est" une autre façon de regarder les mots, de les écouter, de les rêver." Et elle les rêve pour nous de belle manière . Tout m'a paru fluide, délicat, une envolée lyrique et inspirée. J'ai adoré !
Quelques vers pour finir...
" L'hiver ouvre son livre
de givre et de lumière
Silencieux on attend
les yeux d'un chevreuil
le dégel d'un visage
Le jour emplit son bol de ciel
et les mots germent sous la neige...
Commenter  J’apprécie         222
Cette lecture est une découverte pleine de fraîcheur marine et de beautés naturelles. Ce livre, précise l’auteure, Jacqueline Saint-Jean, « s’inspire de séjours et longues marches sur les sentiers douaniers des Côtes d’Armor et du Finistère »
C’est dans la collection Jeunesse des Editions Tertium que ce recueil est paru, mais, rassurez-vous, il s’adresse à tous les âges. Nous voilà dans une longue promenade le long du rivage, dans le vent marin et les embruns, là où naissent les mots pour de courts poèmes.
« J’écris sur le rivage
Entre sable et songe »
On entend le chant profond de l’océan et son rivage. Le faisceau lumineux du phare « rythme la nuit » tandis que, « sous le ciel myosotis », une fillette se prend pour une mouette. La déambulation se poursuit, on croise « la jeune fille de juin » ou bien « un pêcheur de soleil ». On marche, « ivre d’odeurs mêlées de terre et de mer », et le pas s’accorde au paysage sans cesse en mouvement. La mer donne le tempo.
Chaque pas nous rappelle l’histoire des lieux
« On marche aussi
dans les récits
les rêves et les peurs
les naufrages et les sortilège »
…Et les rochers s’animent, les pierres parlent. Nous sommes sur une terre de légendes.
La poésie se nourrit du langage des marins et nous voilà à attendre, comme ce « vieux marin buriné » l’emblondie.
L’auteur nous donne à voir mille détails, traces d’oiseaux, « poussières de coquillages » elle nous incite à « écrire comme on écoute la mer aux mille langues » et elle ouvre pour nous tout un paysage sonore.
Le dernier poème est une invitation au voyage avec, dans une « bouteille à la mer » un poème « Celui qui le lira fera le voyage »
De belles photos noir et blanc émaillent les pages au gré du poème, manière de prolonger cette traversée en poésie.
Commenter  J’apprécie         80
Une écriture dense et profonde. Jacqueline Saint-Jean aborde des thèmes multiples sur la vie, la vie du corps, la vie du monde, de la matière. Elle s’interroge aussi sur la voix du poète dans ce tumulte du temps. Un recueil remarquable.
Commenter  J’apprécie         10