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5/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Né(e) le : 10/10/1960
Biographie :

Licenciée en Philosophie, j’ai débuté une carrière dans l’enseignement avant de me confronter au monde médical et aux associations de patients insuffisants rénaux. Cette approche de la douleur physique et de la souffrance morale m’a ramenée à mon intérêt pour la médecine et la recherche. Ainsi, après un DEA en «bioéthique», influencée par l’existentialisme et passionnée autant qu’interpellée par les avancées technoscientifiques, j’ai soutenu une thèse doctorale de Bioéthique en 2005 – ULB. Depuis, entre espérances et inquiétudes, je suis de près l’évolution des sociétés et des individus confrontés aux pouvoirs et aux libertés, mais aussi aux servitudes et aux démissions, générés par la génétique (devenant bio-ingénierie), l’informatique et la cybernétique…


Source : http://www.manuscrit.com/
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Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
A l'occasion de la journée de la femme :
« …). Et tous ceux-là ignorent plus encore le bonheur incertain, quasiment irréel, et hagard, et douloureux même, de cette libération apportée par des hommes éméchés rendus fous par le sang trop souvent versé, par la peur au ventre et l’alcool mauvais. Ils n’ont pas la moindre idée de ce trop-plein de joie qui éclate en étincelles quand il se perd dans un regard océan. Ou quand il s’attarde sur les rêves bleus d’un enfant, quelques années plus tard. Avec elle qui effaçait ses cauchemars d’un clignement de paupières ; avec lui qui ouvrait l’avenir de ses éclats de rire. Avec les battements emballés de son cœur de femme, qui gonflaient ses seins où se perdaient ses mains presque hésitantes, arrêtant le cours du temps d’un soupir. Elle s’appelait Ana (…) », La maison du bonheur –un autre regard, in ‘L’instant d’après’
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A l'occasion de la journée de la femme, pour ses enfants…
« Il est né sur une terre rouge et brune, il y a longtemps. A l’ombre protectrice d’un baobab géant. Etonné d’être là, heureux qu’elle soit si douce. Qu’elle lui soit un rempart contre le vent et l’orage (…).
Elle est debout déjà ; le soulève, le ventile, le dirige vers ses mamelles gonflées. Autour d’eux, les enveloppant, presque tangible, l’air vibre et trouble les formes. Au loin, l'herbe craque et libère une odeur de foin (…).
Sans repli ni répit, la touffeur pèse sur la savane et assèche les tourbillons de poussières soulevés par le vent. Les bêtes s’étendent, lui boit à la source le lait qui le porte vers demain, titubant encore un peu (…) », L’éléphant fantôme, in ‘Contes et fables d’une Terre presque ronde’
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A l'occasion de la Journée de la femme:
« (…). Alentour, engourdie, la jungle reprend son souffle; laissant échapper ses mystères et ses drames: dans le chant suspendu d'un oiseau, la fuite alourdie d'un prédateur -petits riens qui referment dans un voile d'indifférence les yeux déjà troubles d'une gazelle.
A l'intérieur des huttes, à même le sol, des femmes aux seins fatigués pensent à leurs rêves enfuis; et répètent dans leur tête pilonnée la danse du lendemain, pour quelques touristes vêtus de blanc qui empestent l'eau de toilette...
Parce qu'elles dansent les femmes! Elles dansent leurs souffrances et leurs humiliations -leurs espoirs déçus et leurs peurs. Elles dansent le bal du carnaval pour quelques pièces jetées comme à un animal. Elles dansent sur leurs enfants qui meurent de faim et sur l'indigestion des photographes amateurs. Elles dansent sur les immondices et sur le nez chatouilleux des voyageurs. Elles dansent et puis elles meurent un peu plus chaque jour...", Un cri, la nuit..., in Equations, Variations sur un même thème", JW
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L’odeur terreuse est sans rappel. Peut-être s’ouvre-t-elle de loin en loin sur une traînée saline discrète et éphémère - qui fait rêver. Mais l’esprit bien vite se raccorde au présent, sans effort en ce lieu qui l’attire et le piège. Car l’abord est tout d’ultra : ultra massif, ultra pesant et, singulièrement, ultra protégé.
Ainsi ou avant tout, il y a les gorges, majestueuses ; épinglant la lumière et happant le regard pour le propulser vers le ciel épuré. L’espace sidéré y dévale sans arrêt ni rebond jusqu’au fond : vertige et frissons. Frissons encore, presque brûlants : à perdre le nord, à perdre haleine, les falaises font bloc – emprisonnant les courants, étouffant les bêtes et les hommes. Elles se déroulent comme une cordillère prenant à sa toile les corps et les âmes - entre ici et ailleurs. Un peu de légèreté pourtant, qui surprend : les argiles asséchées et les calcaires laiteux s’y unissent, laissant les ocres s’essayer à un patchwork titanesque - une palette sans artiste pour une œuvre unique.
N’empêche, quoi que l’on fasse, la vue s’arrête ou s’éblouit. Tout vibre; même l’air qui s’y cogne et s’y plie, entraînant les arêtes dans ses ondulations alanguies. Là, à midi, ruisselante de soleil, tout en miroir mangé par l’azur, la roche éventrée fait pont : du ciel à la terre. Et le lit desséché de la rivière se livre tel un serpent mort.
Si les yeux s’en délient, reste l’horizon. Tout là-bas, ton sur ton, la mer y gonfle son ventre devenu stérile. Au fond, le sable et les galets s’écrasent pour former un cimetière de coquillages où blanchissent quelques ossements ; cette gueule ouverte souffle en silence une chaleur devenue meurtrière. L’infime alors attrape l’attention, et la cheville: troublé en son éternité, le corps momifié d’un cormoran s’agite (…)
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De fait, la question sous-tendant les discussions éthico-déontologiques ici soulevées rejoint celle du monde et de la médecine que nous espérons : autorisant chacun à construire une existence qui ne soit ni Destin ni fatalité, ni vacuité ni irréalité. Une médecine luttant contre les limitations des possibles individuels sans en instituer d’autres (dramatiquement existentiels et spéciels). Se heurtant, et les consciences avec elle, à la question du normal, de la normativité ou de la normalité. Une médecine qui est nonobstant inévitablement nourrie des exigences ou des attendus tant sociaux qu’idéologiques (anthropologiques ou philosophiques), tant moraux ou compassionnels que pulsionnels. Et qui rencontre l’homme dans ses fondements, croise la problématique du sens et vibre des questions touchant à la vie et à la mort – questions fondamentales en leur surgissement existentiel, leurs développements philosophiques et leurs implications sociales. Avec, en toile de fond ou horizon, une question cruciale : ne serions-nous pas engagés sur la voie d’une transfiguration ? Où l’homme serait à ce point fragmenté (en son corps, ses représentations, son identité, son trajet existentiel) que son mode de soutenance et d’étance relèverait de ce qui est aujourd’hui encore exception pathologique et psychotique – avec un corps machinal et machiné ? Où l’on confondrait l’inanimé et le vivant, la matière des choses et la substance organique des corps, le soi et le non soi, le tout et ses parties – comme le font les enfants psychotiques ou l’Héphaïstos du mythe grec (forgeron boiteux rejeté par sa mère et castré par son père Zeus, cherchant dans son œuvre une densité d’existence propre à effacer son impuissance originelle ).
Pour ce qui nous concerne, nous relions les technosciences à la soutenance aporétique de l’homme. Parce que l’humanitude est extraction, abstraction, réflexivité et ouverture - portant comme extrême ou comble (d’anéantissement) la fin de l’homme tel que nous le connaissons. Parce qu’elle conduit son agent à opérer un mouvement de distanciation et d’appropriation : utilisant puis dépassant les faits et supports bio-logiques (et les transformations y associées), ledit agent introduit une finalisation pour aboutir à une transfiguration. Plus précisément, l’humanitude crée le monde à sa mesure - et à sa démesure. Elle invente son univers et crée sa liberté. Produit les systèmes et les outils propres à assurer ses projets - mais propres également à la questionner en ses conditions de possibilité. Elle invente son mode d’être ou d’exister dans une négation libératrice de son ETRE - mais côtoie sa destruction dans l’expression ponctuelle ou dans l’aliénation.
Aporie parce qu’il appartient à la nature humaine (à la soutenance individuelle et conscientielle) de s’opposer aux impositions, aux assignations (de sens, lieux, modes d’être), aux champs sacrés et à toute forme de Transcendance - comme il lui appartient de déplacer et reconstruire ces signifiances et exceptions sacrales.
Aporie parce que s’opposent intérêts présents et risques d’avenir, concrétude et imaginaire, réalité humaine et potentiel, conscience souffrante et réseau symbolique, état actuel et puissance, acte et intention et encore action et conséquence.
Aporie parce que la soutenance humaine entend une abstraction, une extraction, une fragmentation (des perceptions, phénomènes, états, substrats, concepts) et une assignation de statut, signifiance et valeur.
Aporie parce que l’identité n’est pas un donné, que l’individu n’est pas un isolat, que la personnalité ne relève pas de l’Etat (advenu), que l’existence n’est pas l’Etre et qu’elle relève d’une continuité très particulière : divisible à son origine inconsciente et insensible - mais aussi, a posteriori ou pour l’observateur, unique et inscrite en un processus continu de conscientisation et d’appropriation (de soi par soi).
Aporie encore, parce que Fin, Sens et Moyen se mêlent et se confondent. Effectivement, toute intervention (d’artifice ou d’artefact) prenait naguère place en vue d’une Fin extérieure au système ou à l’objet techniques. Ou encore, toute manipulation ou transformation (du milieu, de la matière, des structures et organisations) se posait en fonction d’une Fin associée à une quête ou à une construction de sens : mieux-être, «plus» relationnel, projet global ou perspective humaniste. A l’opposite, manipulations et artificialisations se posent désormais telles des fins en soi, en elles-mêmes, pour un homme (une humanité, un humanisme) dépourvu de sens.
Aporie toujours parce que les sciences s’opposent à la durée du devenir (...)
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La vieille bâtisse porte fièrement ses trois étages, avec des fenêtres immenses et des gargouilles figées dans un rire grimaçant. Qui s’éclairent tout soudain et renvoient les réverbères à leur flou artistique, nimbant d’un flux scintillant un jardin de curé en pente douce - où quelques buis s’en vont se perdre dans le sous-bois presque ensauvagé, à l’arrière.
Mais devant il y a l’avenue et ses larges trottoirs bordés de châtaigniers.
Il y a Madame qui sort son chien…
Et Monsieur qui surveille Madame ; la nuit ne s’est pas totalement retirée et des pas inquiétants résonnent de loin en loin.
A quelques dizaines de mètres, l’abri bus est vide. Une curiosité, de style Art Nouveau ; Horta est passé par là, un jour. Ou quelqu’un qui lui ressemblait. N’importe, le maire n’en démord pas, fier comme un paon de "son" trésor urbain. Là, sur la cloison arrière, à la croisée des culs et des cultures, des tags encore humides attendent les premiers voyageurs : sexes volumineux et cœur minuscule d’un qui s’est oublié. La campagne s’encanaille ici d’odeurs d’essence et de relents lourds, gentiment, à pas feutrés. Ou peut-être est-ce la ville qui vient s’aérer dans cette banlieue chic du 16° tout arrondi, s’y prenant à rêver d’école buissonnière? Mais brisons là, car la plupart des passants ne voient qu’elle : entre vigne vierge et glycine envahissante –hauts plafonds, lambris bicentenaires et volets fatigués. On la dit «Victorienne» : d’une sœur du père de sa grand-tante qui était tombée en amour d’un certain Victor - c’était une plaisanterie au départ, c’est devenu une sorte de code.

C’est là qu’elle vit, entre voyages d’études et voyages d’affaires (…)
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La maison est triste comme une porte de prison : une construction tout en angles droits, à déchirer l’insensé qui s’y frotterait.
Grise, tellement carrée, tellement fermée sur Dieu sait quoi ?
On se la prend, et je me la suis prise, comme un énorme poing sur la figure.
À la sortie d’une route paumée entre bois trop sombres et champs trop plats : entre rien et rien, disons-le tout net. Elle apparaît après un dernier virage, une menace au lointain d’une ligne droite : la fin du monde des hommes.
J’ai envie de freiner des deux pieds, c’est stupide –c’est surtout totalement inutile.
Et voilà, cent, cent-cinquante mètres et on y est.

Je la trouve comme oubliée au centre d’un parc sans âmes ni vives ni errantes : juste une rangée d’arbres dénudés, rien ne dépasse. Une fausse allée de gravier, du sable sale mêlé à la neige entassée sur le côté et le silence immobile des choses mortes. Il n’est pas même une ombre pour y frémir au vent : rien ne respire ici, et cela aussi m’oppresse.
Pour tout dire, passé la grande grille de fer forgé, le reste du monde –et la vie qui va avec !– disparaît complètement du champ des possibles.
On est plongé dans une autre dimension, sans relief : à parcourir encore vingt ou vingt-cinq mètres sur l’allée, entre quelques plaques d’une neige congelée obstinément accrochée.

Allez ma fille, quand faut y aller, faut y aller !
J’emprunte le petit escalier tout raide en me tenant à la rampe, pour éviter la chute. S’ils avaient voulu s’assurer que les vieux machins resteraient bien à l’intérieur, ils ne s’y seraient pas pris autrement : une répétition générale avant la dernière boite, je suppose ?
Oups !
La lourde porte de bois brunâtre s’ouvre sur un hall de marbre noir et blanc où les pas résonnent. Et où des ombres blanches passent en silence, portant qui un plateau-repas, qui une panne –parfois les deux en même temps.
L’ambiance est glaciale.
Pourtant, ce qui par-dessus tout domine, c’est l’odeur : métissée, prenante, écœurante. Qui joue des désinfectants piquants, des effluves de cuisines et des relents ammoniaqués. Ça sent la maladie, ça sent le vieux –j’en ai des haut-le-cœur. Mais déjà, je devrais dire seulement, une femme entre deux âges vient à notre rencontre, sourire forcé démenti par un regard d’acier –je pense à un gendarme ou à un garde-chiourme. Elle me conduit dans le «séjour» : sacré séjour, personne de sensé ne voudrait y faire plus qu’une halte pressée. Décidément, ce reportage fait dans les trois C : con, chiant, crispant.
Mais la vielle est là, qui sourit –sûrement dans le vide !
Elle est secouée de petits tremblements, sa voix chevrote :

– Bonjour, mon petit !
– Madame !
– Oh, vous pouvez m’appeler tante Lara, comme tout le monde !

Elle se penche vers moi, comme pour m’étreindre ; je reste aussi raide qu’un poteau tout en précisant sèchement :

– Moi, c’est MADAME Branstein !
– Vous savez, ma vue n’est plus ce qu’elle était, et mes oreilles sont fatiguées. Mais venez mon petit, installez-vous. Maria ? Apportez donc un café à la demoiselle, et un verre d’eau pour moi…

Hé bé, elle est gâteuse en plus !

– Je ne prendrai rien, merci !
– Si, si ! Et un petit gâteau, cela nous fera du bien.

Elle l’a apporté, la Maria : un café froid terriblement allongé dans une tasse douteuse, sans soucoupe. Et un spéculos tout mou, déballé comme s’il était destiné à un chien. Je déteste ces mouroirs. Je déteste ces personnels. Et je déteste ce reportage, merci Caro ! Sans compter cette vieille folle qui dit encore bien merci à ses bourreaux.

– Alors, qu’est-ce que vous voulez savoir ?
– Et bien, votre âge, déjà…
– J’approche les cent ans, mieux vaut oublier le décompte exacte.

C’est bien ce que je disais : Alzheimer !

– Vous avez de la famille ?
– J’ai eu une petite fille, là-bas…
– Là-bas ?
– Au camp.
– Vous pouvez me raconter ?
– C’est un peu pour cela que vous êtes ici, non ?

C’est fou ça, je jurerais avoir aperçu une petite lueur dans son regard, entre tendresse, allez savoir pourquoi, et franche ironie.

– Dites-moi les choses comme elles vous viennent, nous ferons le tri après.
– Dites-moi les choses comme elles vous viennent, nous ferons le tri après.
– Le tri ?
Oui, bien sûr, le tri…
Eh bien, on nous a embarqués en 42…
Non, en 43. J’emmêle un peu les dates, pardon.
Mais je me souviens du reste ; tout le reste !
Il faisait beau ce jour-là, le ciel était bleu comme il peut l’être aux premiers jours de février. Avec un froid piquant, de ceux qui nourrissent un sentiment de pureté : un froid sec, joyeux. C’était vraiment une belle journée –et j’avais à peine vingt ans ! Je venais de quitter mon amoureux ; nous nous étions embrassés et j’étais heureuse comme on l’est dans ces moments-là. Je n’avais peur de rien alors, j’avais plutôt envie de prendre le monde entier dans mes bras. On devait se marier en mars, normalement… Ma montre affichait 11heures et je rentrais à la maison avec quatre beaux œufs frais pondus. Parce que, mon galant, il gardait trois poules dans son grenier. Le vent jouait avec mes cheveux, le soleil caressait ma peau rougie –et je chantais. Je chantais au printemps prochain, à la vie, à l’amour et à ses toujours… Mais je n’étais pas rentrée de trente secondes, j’avais encore mon manteau sur le dos, et mes moufles, qu’on a tambouriné à la porte : des hommes en uniformes et deux messieurs de l’administration, des presque voisins qu’on croisait tous les jours depuis plus de quinze ans. Ils nous ont dit de les suivre sur le champ et nous ont conduits tous les quatre, avec mon petit frère, à la Salle des Fêtes où s’entassaient déjà la plupart des familles juives de la région. Et quelques autres, pas juifs : des suspects, des résistants qui n’en portaient pas encore le nom, des malades mentaux, des marginaux. Et puis des «déviants» comme on disait à l’époque : des homosexuels. Ou des trop seuls, des trop pauvres ou trop autres –même des handicapés ! C’était le rassemblement avant le grand départ : on ne savait pas pour où, pas pourquoi. En fait, on n’y comprenait rien. Et si les plus âgés s’inquiétaient, c’était bien plus du voyage, des affaires en attente ou des gouttes pour leur tension qu’ils n’avaient pas avec eux. Les enfants jouaient encore ; pas tous parce qu’il y avait aussi des pleurs (…)
Dans la nouvelle intitulée 'Origine'
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L’hôtel est isolé dans l’espace saisissant d’une immensité sans retour. Invisible aux absents, il remplit de sa présence monumentale les sens de ses hôtes de passage. Des voyageurs sans papier ni destination s’y posent – sans vouloir ou sans vraiment savoir, partageant pour un temps le vin aigre des solitaires.

La fille court sur la voie étroite.
L’instant d’avant, elle était au chaud; maintenant elle fuit la rugosité glaciale d’assaillants sans visage. Et court ; contre sa peur, pour sa vie.
Jeune, longiligne, jolie sans doute, elle apparaît vulnérable comme une biche aux abois.
Panne sèche, saleté de bouchon...
Souffle haché, bronches sifflantes – danger!
Danger de la nuit, danger inconnu.
Son cœur depuis longtemps affolé joue une partition saccadée. Et les coups frappent fort, beaucoup trop fort. Dans sa poitrine, son ventre, ses tempes. Ils envahissent son crâne d’une résonance douloureuse. Ses jambes tremblent– un pas, encore un, un de plus. Tout ça à cause d’une mouche ; qui s’était posée sur le bord d’une tasse ; que sa mère avait chassée, envoyant valser la petite cuillère à trois ou quatre mètres et faisant éclater de rire un tout jeune homme. Qui la lui avait rendue, l’avait suivie, l’avait aimée. Et qui depuis avait dit «oui» à tout : à sa mère d'abord, à elle enfin - et à cette vieille bagnole qui lui plaisait tant.
… cinq… six… sept…
Elle compte ; pour tenir. Alentour tout est noir. Les ténèbres s’accrochent minutieusement aux branches, les noyant dans une coulée insaisissable. Venu de nulle part, un oiseau, hibou, chouette, qui sait, lance une plaine inutile au ciel bouché. C’est lugubre, éprouvant.
... huit… neuf…
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Regarde ! Elles sortent des mots battus par l’amer et ses regrets éternels, s’échappent des parenthèses buissonnières, s’abandonnent aux ombres vagabondes d’un jour de fête et réinventent parfois tous les jeux de la nuit – pour un premier baiser ou une dernière extase. Eclatant en fragments de sang noir le silence des non-dits, elles balisent orgueilleusement un parcours en zigzag où des vies multiples se prennent à la couleur de la peau d’un nouvel amour. Rêvent d’une vie inattendue mais redessinent à chaque fois la même chose. Au vrai, de page sombre en page volante, elles narrent à mots pesés le roman ordinaire des gens de peu, des petites gens. Ou parfois, avec une certaine emphase, l’impossible destin d’un héros de passage pris malgré lui dans une guerre dont il ne voulait pas.
Crois-moi ! Il en est de sang et de larmes: tout droit sorties du livre des choses perdues, celles-là hantent mes insomnies blanches d’aussi loin qu’il m’en souvienne ; torturant mon âme pour mieux vider ma chair de ses mémoires encore palpitantes -miettes dispersées. La nuit est longue alors qui m’engloutit. Pourtant, j’en conviens, un jour ce sera l’aube dans la maison des lumières. Et la vie malgré tout renaîtra de ses cendres comme un cheval pâle excité par le sang rougeoyant sous les braises. Elle se réveillera d’un tout grand sommeil et explosera en feu de joie : mille larmes pour une symphonie sans partition, comme un chant oublié – autant de légendes en attente…
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Chap.3 : Prédire, des mots aux maux ?

Nous nous intéresserons ici au champ existentiel : aux impacts anthropologiques, psychologiques et sociaux du dire. Raison pour laquelle notre interprétation et notre souci, s’ils rencontrent en interférence celle et celui du médecin, ne peuvent s’y fondre : celui-ci, à la différence de tout théoricien, se préoccupe prioritairement de son patient actuel, de sa demande individuelle, de ses risques personnels, de sa souffrance particulière et de sa pathologie singulière. Mais il nous paraît néanmoins important de départager les deux domaines que sont l’existentiel et le médical -et important d’interroger la liberté d’existence face aux dires prédictifs et probabilistes.

A - Définition :
Les examens génétiques mettent au jour des éléments permettant d’identifier les personnes (potentielles, en développement in utero ou constituées) dotées d’une particularité à implication défavorable ou pathologique –à plus ou moins long terme et selon des probabilités diverses. Mais ils permettent également de confondre délinquants et criminels, de spécifier les liens familiaux contestés ou rompus, et de retracer l’histoire des migrations, métissages ou extinctions de populations ancestrales. En outre, ces analyses couvrent différents domaines : médical (acceptions prédictives ou diagnostiques et portées informatives, préventives ou curatives), existentiel (eu égard à diverses options d’existence et concernant les mécanismes de soutenances individuelles -au regard de la liberté et de l’investissement de l’avenir), juridique (limites, normes et champs d’application des techniques), policier (fichiers constitués et preuves récoltées), judiciaire (validité et portée des tests effectués), socio-économique (risques de stigmatisations et de discriminations) et finalement éthico-familial (notions de transmission ou de responsabilité, décisions procréatiques ou abortives, ouverture du secret médical, droit ou devoir de savoir, substrat affectif et éducatif…). De même, ces examens peuvent répondre à une demande individuelle, à une inquiétude tierce (conjoint, membre d’une fratrie, parent, institution de soins…), ou encore à une initiative soutenue par les représentants de la collectivité (demande judiciaire ou sollicitation issue du Ministère de la Santé publique). Ainsi, dans l’hypothèse d’un screening génétique, il s’agit de mettre au jour des risques associés à l’hérrédité par la mise en œuvre systématique de dépistages accordés en leurs recherches spécifiques aux populations auxquelles ils s’adressent. Cette recherche se tourne vers des individus n’ayant pas explicitement formulé de demande et ne présentant aucun symptôme particulier mais relevant d’un groupe statistiquement plus exposé à l’un ou l’autre gène potentiellement pathogène : soit en son expression diachronique (patient présymptomatique), soit en son expression circonstancielle (patient prédisposé), soit en son doublement allèlique (patient porteur sain). Cette option entend un groupe cible, une systématisation et une institution demandeuse (Ministère de la Santé publique) ; elle peut être préconceptionnelle (cherchant l’état de porteur d’une maladie grave récessive –en fonction de la fréquence du gène au cœur de la population : mucoviscidose, drépanocytose, Tay Sachs, Thalassémie…), anténatale (eu égard à une malformation du fœtus, une anomalie chromosomique ou une particularité génique : Spina Bifida, Trisomie 21, X fragile…), néonatale (par rapport à des désordres métaboliques pouvant être précocement pris en charge : phénylcétonurie… ) ou encore de prédisposition (à l’égard de cancers, de maladies coronariennes, d’hypertension…).
Le conseil génétique recouvre donc l’évaluation des risques associés à l’hérédité : qu’il s’agisse de mutations spécifiques, de particularités chromosomiques structurales ou quantitatives (aneuploïdie des autosomes ou des chromosomes sexuels), de terrain génomique familial ou de susceptibilités de développer, selon des probabilités plus ou moins importantes, des maladies particulières. Il s’adresse aux individus inquiets de leur avenir personnel, aux géniteurs potentiels ou aux futurs parents confrontés à l’une ou l’autre anomalie du fœtus -mais aussi, désormais, à des sujets atteints de désordres métaboliques susceptibles d’être palliés. Dans la perspective procréatique, ce conseil porte sur un présent ou sur un antécédent de pathologie, voire sur une stérilité : il cherche une cause, tente un diagnostic, estime les risques de transmission, les objective quelquefois, et formule des conjectures plus ou moins probables ou des certitudes incontournables quant au devenir bio-médical de ce fœtus. Dans la perspective individuelle, il entend informer le consultant des risques encourus de développer telle ou telle pathologie. Et l’on distingue quatre situations spécifiques au diagnostic postnatal :
a) Le consultant est porteur d’une anomalie génétique confirmant le diagnostic émis antérieurement face à un ensemble de symptômes : domaine strictement médical -eu égard à la disponibilité d’un traitement curatif ou palliatif / mode proprement diagnostique.
b) Le consultant, le plus fréquemment motivé par un vécu familial, s’avère porteur d’un gène pathogène à expression retardée : domaine médical à implication existentielle –eu égard à l’impact psychologique et familial (affectif) d’une telle annonce / mode diagnostique présymptomatique.
c) Le consultant, porteur sain d’un gène dont la combinaison homozygote est dommageable : domaine médical à extension transgénérationnelle et implications éthiques –eu égard aux risques eugéniques (totalitaires, utopiques, idéalistes ou narcissiques) / mode informatif.
d) Le consultant est porteur d’un gène impliqué dans un processus pathogène polygénique et / ou plurifactoriel : domaine existentiel et social à prolongement médical -eu égard à une ankylose de l’existence (précautions castratrices, orientation existentielle tronquée, savoir anxiogène…) et aux discriminations diverses (accès à l’emploi, aux assurances, aux financements…) / mode diagnostique de prédisposition.
B - Du ‘Dire’ : diagnostic et prédiction.
Ainsi soit-il : Œdipe actualisa la vision de l’oracle ! Fuyant un possible parricide, le fils de Jocaste se jeta devant le char du roi –son père. Pour lui, la prédiction se fit fatum –inéluctable verdict. Car prédire n’est pas dire mais dessiner dans l’imaginaire un avenir imaginé. Et insérer dans le présent un futur présentifié : le drame commence dans la parole, avant tout fait. Pourtant, les demandes soumises aux praticiens se décuplent, empiétant sur différents domaines -non plus strictement médicaux mais proprement sociaux, voire existentiels. Parallèlement ou conséquemment, les tiers faisant irruption entre le médecin et son patient se sont démultipliés : instruments et interfacces, fonds pulsionnels et utopies, projections personnelles et constructions diachroniques, histoire familiale et projet collectif (éthico-culturel ou spéciel). En outre et paradoxalement, c’est la volonté d’écarter l’interférence parasite du symptôme ‘masquant la réalité sous-jacente’ qui conduisit peu à peu à introduire instruments endoscopiques et optiques, normes et statistiques, défaillances cachées du métabolisme et matrices enfouies au cœur des cellules -et Canguilhem de souligner déjà (...)
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