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Citations de Jacques Ancet (223)


La fatigue a des couleurs
comme les saisons. Elle a
ses douceurs et ses éclats,
ses silences. Mais surtout
ce qu'elle permet de voir :
d'une chose à son image,
imperceptible, une sorte
de distance sans distance.
L'incertitude du monde.
Comme un vacillement bref.

.
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Dans tout poème, une voix parle. Non pas celle de celui qui écrit - sa voix privée - mais une autre. Qui soudain lui vient dans la bouche, lui fait bouger la langue, chuchote, prononce des mots qu'il ne comprend pas. C'est cette voix dans son étrangeté que perçoit le lecteur. Laquelle éveille en lui, à son tour, son propre inconnu : celui d'une voix latente qu'il ne connaissait pas non plus, et qui est comme l'écho de l'altérité qui habite l'écrivain. D'où l'émotion produite par la lecture. Tout poème est, au fond, un monologue : celui d'une voix nocturne qui s'adresse à tous et à personne. Et qui vous conduit à cette heure qui n'est ni la nuit ni le jour mais leur rencontre. Une heure où tout s'achève et commence à la fois : l'heure de cendre.

.
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Sans cesse ça te traverse
ça te blesse. Comme un vent
qui n'arrêterait jamais,
qui soufflerait sans souffler,
sans que rien ne le révèle
qu'une absence dans le jour,
dans les feuilles, dans les gestes
et tu te tais, tu écoutes,
et plus tu écoutes moins
tu entends et moins tu sais.
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LUEUR

Écoute en ta mémoire la rumeur
de l'enfance, cette averse égrenée
sur la vitre, tandis que bouge et tinte un rameau sous le vent. Écoute aussi

quand tout n'était encore que reflets pénombre et cils d'une pluie fugitive, parler cette voix que tu ne comprends pas
dans la douceur d'une chambre imprécise.

Il n'y avait alors que ce frisson
sur la peau, ce froissement de nuages, cet immobile égouttement des heures qui peu à peu luisaient dans le silence.

Quelqu'un te souriait. Tu regardais
le jardin gris à travers le flocon lumineux du rideau, tu attendais,
et, lentement, du devenais la pluie.


(extrait de "Le songe et la blessure" - p. 66).

.
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Un rayon d'or poudroyait et fumait
sur les meubles lustrés par le silence
et l'haleine du temps. A la fenêtre
l'après-midi jaunissait sur les champs
puis rougeoyait à la cime des arbres.
Un calme immense illuminait le ciel.
Contre la vitre une mouche bruissait.
Muets, nous regardions tomber le soir
toujours semblable, toujours différent,
où se mêlaient souvenirs et présages
comme au miroir de cette chambre morte,
et l'ombre de la branche sur le mur
frémissait en un grêle dessin,
signe secret et tendre de la vie.


(extrait de "L'Autre pays" - p.54)
.
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ALPHABET

Chaque jour
puisqu'il faut vivre
- ce qu'on appelle vivre -,
chaque jour je bâillonne
cet enfant bleu qui crie
derrière la mémoire,
je casse en deux sa voix,
la frêle flûte d'air,
je le boucle
à double tour,
je refuse d'entendre
son eau coulant très loin,
de voir ses pas de neige,
je ne veux plus sentir
cette angoisse du temps
perdu, cette absence,
cette vie qui s'en va,
je me jette tête baissée
dans la grisaille,
je mets le masque,
j'avale tout, les horaires vides,
matins et soirs,
je n'écoute plus,
je m'aveugle d'images,
jusqu'à ce coin de rue,
ce jardin triste,
cette chambre peut-être,
où, malgré moi,
ma bouche épelle encore
un alphabet d'insectes et de nuages.
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CHANSON

Tu me regardes. Tu souris :
les choses brillent dans tes yeux.
Tu dis: "arbre" et l'arbre fleurit,
poudre de neige, feuilles bleues.

Tes mains enfantent des oiseaux
fuyant en un bruissement d'ailes
au fond du jour, et tout est beau
quand la nuit monte au bord du ciel.

Et ton pas trouve les échos
perdus au ventre gris des pierres,
sourdes rumeurs, presque des mots
qui parlent d'une autre lumière

la même qui, obscure, douce,
luit toujours au creux de ton corps
et m'appelle, comme en la source
la perle bleue de l'eau qui dort.
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Partout l’herbe du pré scintillait…
  
  
  
  
Partout l’herbe du pré scintillait,
la clôture luisait : qui était-ce ?
vols brefs, deux tourterelles, une attente
de lumière, l’éblouissement
sur la face tournée vers le ciel,
une neige comme suspendue,
une vapeur de poussière bleue
rayée de cris. Et puis quoi ? Muette
la voix répétait : c’est le printemps
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On quitte sur le champ la lumière…
  
  
  
  
On quitte sur le champ la lumière
rasante, le fourmillement clair,
ce qui recommence, la fraîcheur
du jour qui vient. On quitte le temps
des oiseaux, celui de la beauté
qu’on ne peut pas quitter mais quand même
qu’on quitte, d’un printemps révolu :
on l’a au bord des yeux qui regardent.
Que voient-ils ? On cesse de compter
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Mais personne n’était là à m’attendre…
  
  
  
  
Mais personne. Sauf une beauté
perdue, un lointain travail d’oubli.
On voit dans les fleurs venir l’obscur
comme une sorte de contrejour
où les choses perdent leur visage.
On entend murmure une voix
qu’on reconnaît à peine. S’en va-t-elle
ou s’approche-t-elle ? On ne sait pas
Elle est là, c’est tout. A-t-elle un nom ?
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Je ne sais plus dire le printemps…
  
  
  
  
Je ne sais plus dire le printemps.
À vrai dire je ne sais plus
rien dire. Tout bouge trop, s’en va
trop vite, les ombres, les fleurs,
les pétales, les bourres en dérive.
en même temps tout vient si vite,
l’herbe drue, les feuillages, le ciel
plus profond, comme si quelque chose
ou quelqu’un était là m’attendre
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Il est toujours quatre heures
je m'ennuie
le temps est là
Il ne bouge plus.
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Il est parfois bien difficile d'être seul au milieu d'une phrase sans autres appuis que les dernières syllabes prononcées, jamais certain d'en voir le bout, encore moins d'être entendu.
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                    X
  
  
  
  
   Donc, j’entre. Rien d’autre à faire : dans le jour, dans
le soir, dans la nuit.

   Dans ce que je ne sais pas dire. Dans ce que je ne sais
pas voir.

   L’espace est immense ou étroit, c’est la même chose.
J’entre.

   Entrer suppose qu’on est sorti. Mais quand était-ce ?
Et où ?

   Je compte sur mes doigts. Je les confonds. Je les perds.

  Où en sommes-nous ? Voyons voir. Le soleil éblouit.
L’horizon s’obscurcit.

  J’avance dans ce qui s’avance et se retire. Je suis sur un fil.

Je vais tomber. Est-ce qu’on appelle cela le présent .
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                    VIII
  
  
  
  
   Je sors et j’entre en même temps. On appelle ça naître.

   Chacun connaît cette indécision. Sortir et entrer à la fois,

   Du chaud dans le froid, du silence dans le fracas, de la
pénombre dans l’éclat.

   Le hurlement vient-il du dehors ou du dedans ? Des deux
en même temps ?

   Les poings se serrent, les doigts s’ouvrent. Vont-ils vers le
monde ou vient-il vers eux ?

   Des voix parlent mais on ne les entend pas. Ou si on les
entend

   On ne les comprend pas. On est sans mots avec sa peau

  Avec juste l’air dans sa bouche pour crier.
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                    VII
  
  
  
  
    Vais-je entrer dans le poème ou en sortir ? Comment
savoir ?

    Il faudrait que quelque chose me pousse, qu’une voix
m’appelle.

    Pour le moment je reste là au borde de dire ou de
me taire.

    Et le poème tient pourtant dans cette hésitation, ce
balancement :

   Entrer ? Sortir ? Trouver le monde ? Le perdre ?

   Le poème est un petit morceau de jour qui brille un instant
et s’éteint.

   Je le regarde. Je l’écoute faire son bruit de salive et de bouche.

  Quelqu’un se cache entre les syllabes. Je ne le vois pas, mais
il est là.
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Jacques Ancet
- extrait de L'imperceptible

4

Ça ne bouge même pas.
C’est comme sur le ciel la trace
d’un vol mais sans les oiseaux
ou comme le bruit de l’eau
mais sans eau. Ça n’est pas là.
C’est, en toi, ce qui n’est ni
ton corps ni, dans ton regard,
l’éclat qui porte ton nom.
c’est sans mot, mais ça insiste
comme sous la peau, le sang.

*

Même si on ne sait pas.
Avec des gestes pour rien.
Même si on dort, si c’est
dans la lenteur de l’amour,
avant le sommeil. On dit
tu as entendu, écoute.
Les mains s’arrêtent, les mots.
On voit l’ombre d’une tasse
et son anse sur le mur.
C’est le bord. On ne voit pas.

*

C’est peut-être la lenteur,
un feu qui brûle sans flammes.
Malgré moteurs, hurlements,
le vent arrêté, les feuilles
immobiles avec les ombres.
C’est peut-être un germe d’air,
l’imperceptible, son aile
absente sous les images.
On attend. Les mots se taisent.
C’est là. Ça ne viendra pas.

*

Même si tu sais que rien
ne sera dit, même si
se répète chaque jour
avec ses mouches, ses fleurs,
dans sa profusion d’images,
tu t’arrêtes. Entre deux ombres,
la même ombre. Il y a comme
quelqu’un qui parle. C’est là.
Mais sans mots,sans bouche presque:
un bruit d’eau — ou autre chose.

*

Toujours. On voudrait savoir.
Cet intervalle, toujours.
Comme entre ton corps, le mien
le fil qui n’existe pas.
Mais il est là, on est sûr,
pareil aux mouches qui grincent
et qu’on ne voit pas, pareil
à ce qui souffle. Tu te dis:
ce n’est même pas de l’air,
c’est autre chose, mais quoi.

*

Sur le sable, entre les pierres,
l’écume laisse une trace,
l’efface. C’est ça aussi,
ce frôlement, ce passage
— rien encore, rien déjà —
c'est imperceptible, presque,
le fil de feu, la rencontre
de l’instant et de l’éclair,
un éblouissement noir
et rien. L’écume, le sable.

*

Un galet tiède au soleil
que tu loges dans ta main
avec, autour, des visages
tournés vers la mer. Le soir
tombe en gris et bleu. Si tu
regardes tu n’y vois plus.
Mais quelque part tu entends
un souffle peut-être, un cœur
à peine. Comment savoir
si c’est ce qui ne dit rien.

L’imperceptible, Lettres Vives, 1998

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Jacques Ancet
tu marches
mais en
équilibre

l’espace
entre
le tronc
et le mur
brûle

les feuilles
craquent


*

en équilibre
aussi
ta vie

tu va
cilles
le
fil
cède
se tend

(rétablis
toi)


*

la
lumière

(trop brève)

on la
voit
s’éloigner

le ciel
est resté
perdu
dans la
cour

dans les
bouteilles et les
cartons


*

toujours
tu marches

il y a
ce que
tu
ne vois pas

ton pied sur
le vide
sous la langue
un mot
qui
craque


*

il y a
des
visages

mais loin

comme la
lune
parfois
en plein
jour

des
voix

tu les
entends
tu ne
les
comprends pas


*

inutile
de cher
cher

ce qui
est là
n’y est
pas

reste
l’éclat
les yeux

entre

le
fil

Sur le fil, Tarabuste, 2006
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La cloche qui sonne. Ici. Ailleurs. Le chat derrière le grillage. Le râteau. Je tends la main. Elle se perd. Comment la retrouver ? Mouches et oiseaux ponctuent l’instant. Le jour me regarde tant que j’en perds mon regard. Ce que je dis, je ne le comprends pas. Mais ce que je ne comprends pas me dit. Ce qu’on appelle dire. Je me tais, je parle. Ou l’inverse. Je suis perdu même quand je me trouve. La vie n’est pas son nom. J’essaye de lui en donner un pour qu’elle puisse se reconnaître. Sans se voir. Elle serait là. Je serais là. Nous nous regarderions. Sans nous voir puisque de l’une à l’autre, plus de distance. Des nuages, une ombre sur le mur. Brun rouge, un insecte me court sur la main. L’infini travail des cellules, le vertige de l’électron. Les mots sont toujours en avance –– ou en retard. Jamais à l’heure.
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Jacques Ancet
Vingt-quatre heures l'été

Dix-neuf heures
On ne cherche plus, on est

là, on écoute le vent,

son bruit de mer dans les feuilles

ou dans l'enfance. Le corps

va rentrer dans la douceur

de ce qui trouve un nom.

Entre le jour, son envers

il y a comme une fissure,

aux vitres comme des flammes

qui ne brûlent plus. Les mains

reviennent vers les objets,

les visages vers leur image.

Le souffle de l'éphémère

à sept heures tisse les

ombres, les détisse. Un peu

de cendre se mêle au bleu,

au présent un peu d'oubli.

Le soir ressemble à de l'eau:

on l'attend, on ne le voit pas.



Vingt heures

Que l'on compte huit ou vingt

on comprend que la lumière

est en sursis. Maintenant

dedans et dehors échangent

leurs privilèges. On habite

également dans les feuilles,

et dans les murs. D'un espace

à l'autre courent les fils

d'un impalpable réseau.

Les portes n'arrêtent plus

l'allée-et-venue des corps.

La lancette des grillons

larde la lueur des chambres

où pérorent les speakers.

Il faut revenir au ciel

qui est ce qu'on a de mieux

en matière de spectacle:

le rose traverse le bleu

l'ombre le clair, le clair l'ombre.

C'est l'heure de l'intermède.



Vingt-et-une heures

Quand le jour cherche à durer

la douceur de l'air revient

tout effacer. On oublie

le temps. Les arbres se prennent

à l'encre de leurs branches.

A l'intérieur des voix parlent

mais comme éteintes. Le ciel

devient trop proche: une braise

entre les feuilles. On ne sait

plus ce qui vient ou s'en va.

Chaque chose se retire

dans son ombre, disparaît.

L'instant est une lueur.

On reste dans sa clarté

avec juste ce qu'il faut

de corps pour ne pas se perdre.

Ce qu'on regarde, on l'oublie.

La bouche s'ouvre, se ferme.

Le compte n'y est plus. Peu

à peu on s'abandonne aux

délices de l'entre-deux.



Vingt-deux heures

Dix heures. Les chiens aboient

comme si on entendait

l'envers brutal du silence.

Comme si montaient de la terre

une violence de voix

acharnée à mettre en pièces,

le calme à peine conquis

de la nuit. De temps à autre

ils se taisent et c'est, sans fin,

un clignotement muet,

un bourdonnement de bouches,

quelque chose comme des

lèvres entrouvertes, des mots

sans suite qui s'éparpillent

Et puis les cris recommencent.

Ils disent l'heure des dents,

le noir qui s'est mis à luire,

une obscure transaction

de racines et de ténèbres,

l'invisible connivence

de l'étoile et du charbon.
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