AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jacques Bouveresse (16)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
La connaissance de l'écrivain : Sur la littérat..

Bénédicte Coste

Le dernier ouvrage de J. Bouveresse tiré du séminaire tenu au Collège de France en 2004-5 nous rappelle que l’interrogation philosophique ne saurait se cantonner au domaine anglophone. Nous délaisserons les réflexions inspirées qu’il consacre aux rapports entre la littérature et la connaissance pour nous consacrer à son analyse des liens entre la littérature et la philosophie morale. Bouveresse nous apprend à penser, rigoureusement, avec humour, à repérer ces affirmations que leur répétition élève au rang d’illusions établies. Pour lui, la littérature parle de vérité, de vie humaine et d’éthique, dimensions que le structuralisme a contribué à exclure avant que le post-moderne n’érige la littérature en un genre sublime dont la philosophie et la science ne sont qu’une espèce1. Et le retour en grâce de l’histoire littéraire qui a reconduit la « bigoterie philosophico-littéraire » (25) de la littérature comme connaissance suprême et indiscutable de la réalité ne lui semble pas plus encourageant. Une distinction floue comme celle qui existe entre la littérature et la philosophie peut cependant être réelle et importante, rappelle-t-il après Wittgenstein, quoique le post-modernisme l’ignore. Cette confusion, qui nourrit cependant nombre de publications en vogue des deux côtés de l’Atlantique, nous détourne des questions essentielles : pourquoi avons-nous besoin de la littérature en plus ou aux côtés de la philosophie ? Pourquoi avons-nous le sentiment qu’elle pourrait contribuer à la philosophie morale ? C’est à ces questions auxquelles la conception essentialiste et les théories post-modernes ne permettent pas de répondre et en récusant toute science de la littérature que Bouveresse tente de répondre à travers un dialogue avec les écrivains et les philosophes, en déniant à quiconque le droit de se poser en autorité.



2Si l’on pense que la littérature a rapport à l’éthique, il convient de la définir avec Wittgenstein, comme transcendantale, échappant aux catégories vrai/faux, ce qui implique que la façon dont elle peut apparaître en littérature ne diffère pas de son implication dans la vie réelle. Wittgenstein reconnaît en outre à la connaissance littéraire le privilège de réussir à exprimer l’indétermination et la complexité de la vie morale sans la falsifier. Plus que la vie réelle, elle nous « apprend à regarder et à voir » (54). Elle donne « des indications », elle apporte une « connaissance pratique », distincte de la connaissance scientifique, qui a un rapport direct avec la question : « comment nous pouvons ou devons vivre » (63). La littérature étend notre raisonnement pratique ; elle étend notre morale à travers le rapport organique entre la forme et le contenu d’une œuvre, explique Bouveresse. Cette inséparabilité caractérise également la philosophie, mais le roman n’exprime pas des pensées, il les incarne (Musil), il enchevêtre l’intellectuel et l’émotionnel. Une articulation spécifique entre le champ éthique et le champ de la connaissance se réalise dans l’unité d’un contenu esthétique. Dans cette perspective, la littérature apporte une contribution effective à la résolution des grands problèmes moraux d’une époque, en mobilisant les ressources de la connaissance théorique. La théorie littéraire et la philosophie ont les mêmes questions, s’appuient sur les mêmes sources, même si la première oublie la seconde. On pourrait penser que cet oubli correspond à une volonté de s’en tenir à la littérarité mais l’explication est insuffisante. La littérarité que négligerait le philosophe, ne résume pas la littérature qui fait faire à son lecteur des expériences importantes (fussent-elles liées à la forme littéraire) et Bouveresse rejette l’illusion d’un texte purement auto-référentiel, pour rappeler l’importance de son contenu socio-moral. Il rappelle que l’absence de morale en littérature peut n’être qu’apparente. Certains écrivains apparemment amoraux soulèvent la question fondamentale de sa possibilité et de sa compatibilité avec les exigences de la vie, à partir d’un point de vue sensualiste. D’autres ont été les dénonciateurs de l’affabulation morale mais leur neutralité est également celle de moralistes. Musil souligne quant à lui que l’ennemi de la morale n’est pas l’immoralisme mais l’idéalisme moral qui obère la vérité que cherche à exprimer la littérature.



2 Martha Nussbaum, Poetic Justice. The Literary Imagination and Public Life, Beacon Press, 1995.

3Si l’absence de communication entre le romancier et le philosophe demeure réelle, M. Nussbaum soutient dans Poetic Justice2que le roman peut être une façon de faire de la philosophie morale. Dans sa lignée, Bouveresse oppose avec pertinence l’imagination morale à l’œuvre en philosophie qui est « l’imagination au repos » au roman de « l’imagination active et même parfois hyperactive » (93). Bien qu’il pense que la thèse nussbaumienne soit insuffisante, il lui reconnaît le mérite d’avoir clarifié le rôle de la philosophie, de défendre l’existence d’une relation interne entre la valeur éthique et la valeur littéraire d’une œuvre, en substituant à la morale kantienne, une conception aristotélicienne plus large. Les œuvres littéraires expriment des engagements évaluatifs sur nombre de questions cruciales via leurs personnages ou leur énonciation. La littérature a ceci de singulier qu’elle permet de prendre en compte le rôle crucial de l’imagination créative et de l’improvisation concernant les questions et les conflits moraux et Nussbaum plaide pour la reconnaissance de ces qualités qui sont la source de l’intérêt philosophique et du potentiel subversif de l’imagination littéraire. L’Université segmentée en disciplines a oublié que le roman exprimait un sens de la vie à travers l’interaction avec son lecteur. En France, souligne Bouveresse, s’y ajoute l’excès d’honneur dont on accable le genre. D’ailleurs la littérature contemporaine elle-même semble avoir cessé de croire et d’utiliser son potentiel subversif et Bouveresse souligne que : « jamais probablement la littérature ne s’est trouvée dans une situation de conflit aussi aigu avec le système de pensée de l’économie politique et sa prétention de gouverner la totalité de l’existence des hommes [...]. Et pourtant, la posture dominante chez les écrivains d’aujourd’hui, quand ils ne se rallient pas ouvertement au système, semble être beaucoup moins celle de l’opposition et de la lutte que de la résignation ou de l’indifférence plus ou moins cynique » (155). Cette position, que l’on se gardera de confondre avec le sensualisme ou la neutralité éthique rejoint la question de la place du romancier dans la sphère publique.



4Nussbaum plaide pour l’intervention de la littérature dans ce domaine. Tout jugement raisonnable a besoin de faits et de possibilité inattendues, donc d’histoires inventées, comme les offre la littérature invitant ses lecteurs à se mettre à la place d’autrui pour s’en approprier les expériences dans une visée de modification sociale. Le roman opère un va-et-vient entre le général et le concret à travers la singularité d’une structure et d’une adresse au lecteur. Il construit un paradigme d’un style de raisonnement éthique spécifique, non-relativiste, par rapport au contexte, dans lequel nous arrivons à des descriptions concrètes, universalisables. Il est donc une forme de raisonnement public, précieuse culturellement et interculturellement. Après W. Whitman et Nussbaum, Bouveresse plaide pour ce regard poétique, égalitaire, nécessaire en ces temps de déshumanisation d’autrui, bien qu’il souligne que l’appel à l’inclusion des écrivains dans la vie politique via quelque comité lui semble une proposition modeste. L’octroi d’une dignité honorifique est la rançon morale que notre société croit devoir payer à une époque qui croit seulement aux faits et à l’argent, pense-t-il, tout en reconnaissant que l’autre proposition nussbaumienne de développer une culture plus consistante et humaine de l’imagination rejoint la critique de K. Kraus de la presse qui a tué l’imagination et rendu possible la Grande Guerre. Les meurtriers de l’imagination sont les meurtriers de l’humanité et c’est sur des grandes œuvres littéraires qu’il faut s’appuyer pour entretenir et fortifier l’imagination, plaide-t-il, en s’écartant des stéréotypes sur le « devoir de mémoire » et la « barbarie » des incultes.



5Si la critique de la société peut relever de la littérature, doit-elle être morale ou politique ? Bouveresse demande une critique politique distincte d’une critique morale, laquelle ignore, volontairement ou non, la question du pouvoir, en déplorant qu’à notre époque, la seule critique médiatiquement possible du capitalisme soit morale, ce qui est « une situation réellement préoccupante » (171). « [S]i les gens étaient meilleurs, le monde le serait aussi » : la formule d’Orwell désigne la substitution de la morale à la philosophie politique et à l’action qui prévaut actuellement, parfois sous les habits de l’ethical turn, du « retour fracassant de l’éthique » dont se défie le philosophe (128). Cette substitution réduit toute différence à la différence entre le bien et le mal et conduit à l’injonction faite aux « jeunes des banlieues » de moraliser leurs existences sans que les conditions de ces mêmes existences ne soient examinées, et encore moins transformées. Pourquoi se contenter de la critique morale d’un système politique désastreux ?, s’interroge Bouveresse. Où se découvre que l’on peut être raisonnablement optimiste sans verser dans l’angélisme des comités Théodule peuplés de philosophes sortis de leurs réserves universitaires pour l’occasion.



6On peut donc utiliser le concept de connaissance ou de pensée morale pour a ffirmer que la littérature apporte une contribution importante à la connaissance morale, à la condition d’élargir le sens de l’expression et de faire d’une partie de la littérature la critique « subversive et radicale de la philosophie morale » (174). Ainsi, certains romans construits sur la haine et le mépris proclamé de l’espèce humaine nous font cependant accéder à une vérité morale particulière, en occultant certains traits de la condition humaine et la partialité dont font preuve leurs auteurs comporte elle-même une position évaluative. Pouvons-nous d’ailleurs nous contenter du seul point de vue moral ? Comme Nussbaum, H. James s’élève contre le moralisme kantien, avant de proposer une forme différente de compréhension morale, nourrie de concepts comme l’esthétisme ou le philistinisme. Les situations les plus susceptibles d’intéresser le romancier dépassent la morale kantienne car il ne croit pas à la « pureté, l’inconditionnalité, l’univocité, la commensurabilité universelle et la décidabilité en matière éthique, et [il] a plutôt tendance à aimer et à rechercher systématiquement la mixité, l’ambiguïté et l’indécision » (182). À la suite de James, Bouveresse refuse de surcroît tout point de vue méta-moral ou opposé à d’autres formes d’attention à l’âme humaine, au profit d’un point de vue sympathique sur la réalité complexe de l’existence. Il souligne le désaccord ponctuel entre le désir critique de comprendre et certaines métaconceptions des critiques et rappelle après Musil qu’on ne saurait confondre l’exploration des chemins latéraux possibles pour la morale avec l’immoralisme. La distinction nécessite du temps et c’est en cela que consiste le progrès de la connaissance morale. Il existe en outre une différence entre affirmer que la fonction morale de l’œuvre est difficile à reconnaître et prétendre qu’elle ne la remplit pas.



7Dernier point : peut-on assimiler la question de la fonction morale d’une œuvre à son caractère moral ? La réponse de Wilde — un livre n’est pas moral, il est bien ou mal écrit — est insuffisante. Un livre bien écrit est-il par essence moral parce que le bien est sous la dépendance du beau ou bien la question doit-elle être ignorée ? Une œuvre bien écrite et une œuvre morale ne sont pas équivalentes, rappelle Bouveresse. La position purement esthétique exige une notion précise du vrai qu’il est devenu parfois impossible de détenir, et la confusion du beau et du bien n’apporte nulle solution. On opposera à Wilde la position d’un Musil : l’art ne cherche pas la jouissance mais le savoir et, ce faisant, il étend le nôtre. Si on pense que l’immoral doit être connu, il peut l’être par ses relations avec le moral et par les transformations qui nous font passer de l’un à l’autre. Dans cette perspective, la littérature offre des possibilités uniques, rappelle Bouveresse. Ce sont peut-être celles-ci qu’ils nous faut sonder pour sortir du cynisme post-moderne, de la soumission à « l’horreur économique » et de la critique morale en guise de critique politique. Ne finissons pas devant le choix d’un Proust auquel de nombreuses et passionnantes analyses sont consacrées et qui élève l’art et l’inaction politique à la dignité de metron.





NOTES

1 Cf. Prodiges et vertiges de l’analogie, Paris, Raison d’agir, 1999.



2 Martha Nussbaum, Poetic Justice. The Literary Imagination and Public Life, Beacon Press, 1995.





POUR CITER CET ARTICLE

Référence électronique

Bénédicte Coste, « Jacques BOUVERESSE, La Connaissance de l’écrivain. Sur la littérature, la vérité et la vie », Études britanniques contemporaines [En ligne], 34 | 2008, mis en ligne le 06 juin 2019, consulté le 27 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ebc/7287 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ebc.7287





AUTEUR

Bénédicte Coste

Université Paul Valéry-Montpellier 3
Lien : https://www.babelio.com/monp..
Commenter  J’apprécie          61
Robert Musil : L'homme probable, le hasard,..

Une lecture orientée, d'une rare richesse, de l'œuvre de Robert Musil.



Publié en 1993, ce travail d’apparence imposante du philosophe Jacques Bouveresse, spécialiste émérite de la philosophie de la science et du langage, et de ses liens avec l’éthique et la société, est probablement, si l’on accepte le petit effort nécessaire à sa lecture, l’un des plus passionnants guides existants dans le parcours de l’œuvre touffue et foisonnante de Robert Musil.



Bien entendu, la lecture proposée par Bouveresse est orientée, et ne prétend aucunement épuiser les richesses des 2 200 pages (en deux tomes Points) de la gigantesque œuvre inachevée du romancier autrichien. Se proposant de décortiquer le rapport bien particulier de Musil au hasard et au déterminisme d’une part, à la philosophie de son temps d’autre part, Bouveresse est, manifestement et à bon droit, fasciné depuis « toujours » par la figure de Musil, homme de lettres passionné de philosophie, d’une humilité et d’une honnêteté irréprochables dans le rapport qu’il entretient avec elle, comme d’ailleurs par celle de Valéry, poète développant également un immense respect pour la philosophie, respect toutefois teinté d’effroi dans le cas du Sétois, ce qui n’a jamais effleuré l’Autrichien.



L’intérêt de Bouveresse pour cette lecture humble et honnête du lien entre philosophie des sciences et littérature « totale » s’éclairera d’un jour nouveau quelques années plus tard, lorsqu’il écrira son « Prodiges et vertiges de l’analogie – De l’abus des belles lettres dans la pensée » (1999), produit précisément en réaction contre la pratique croissante de « piocher » des concepts en science « dure » ou en épistémologie pour les appliquer froidement à des matières sociales, en un tour de prestidigitation mentale particulièrement peu honnête.



On ne saurait résumer la qualité, la précision, mais aussi l’inventivité, du travail de Bouveresse, pourtant condensé en « seulement » 300 pages, en une brève note de lecture comme celle-ci. Rendant tout au long justice à la culture encyclopédique de Musil, en comparant notamment son « rendu » de telle ou telle idée, de telle ou telle avancée scientifique ou épistémologique, à la science de l’époque comme à celle qui la suivra, Bouveresse met en évidence avec brio et ferveur (si l’on ose utiliser ce terme en parlant d’un tel homme de sérieux…) le génie de Musil, si profondément ancré dans sa modestie, sa prudence et son incroyable détermination.



Sans déflorer l’ensemble de l’étude, réellement passionnante, donc, notons seulement que l’éclairage fourni est d’une rare brillance, sur le rôle de « l’homme d’exception » par rapport à celui de « l’homme moyen », sur la répartition des lectures statistiques et héroïques de l’histoire, sur les analyses détaillées des lois thermodynamiques, de leurs vertus analogisantes et de leurs gouffres sociaux, sur la reconnaissance largement concédée au Nietzsche heuristique et sur le scepticisme vis-à-vis des résignations mortifères de Schopenhauer (l’une des grandes différences entre Musil et Proust, d’ailleurs, pourrait-on sans doute affirmer), pour ne citer que quelques-uns des thèmes abordés en détail ici.



Une lecture ardue par moments, certes, mais d’une puissance et d’une intelligence s’étendant bien au-delà de la « simple » analyse d’une œuvre, fût-elle de l’ampleur et de la globalité de celle de Musil. Une leçon d’honnêteté intellectuelle aussi, certainement valable pour de très nombreux écrivains et philosophes contemporains oubliant trop souvent la logique de l’honneur de ce qu’ils œuvrent à créer.
Commenter  J’apprécie          60
Le mythe moderne du progrès

S'il y a bien, en ce début de 21ème siècle et dans un contexte de défiance grandissante du politique, un sujet qui nécessite une réflexion critique, c'est bien celui du « progrès ». Et qui de mieux que Jacques Bouveresse pour mener ce travail ? Ce professeur honoraire du Collège de France réussit à discuter, à réinterroger et à démythifier la croyance au progrès en s'appuyant sur ses penseurs de prédilection: Musil, Krauss, Wittgenstein et d'autres (Orwell, von Wright).

Les chapitres sont courts; en particulier le troisième chapitre intitulé « Le progrès comme forme de la civilisation contemporaine », mais il n'en reste pas moins que la penser de l'auteur est aussi dense que forte. Il ne faudrait pas croire pour autant que ce grand philosophe se place en ennemi du progrès. Il s'interroge, bien au contraire, sur ce qui peut faire progresser l'humanité et non pas sur un progrès sans but. Pour lui, reprenant Wittgenstein, « progresser veut dire construire ». Cette démarche est éminemment scientifique et ne laisse de place qu'à la science, à la connaissance et à la vérité.

Une autre analyse du progrès, plutôt idéologique, se trouve dans l'ouvrage de Bérénice Levet; "Le Crépuscule des idoles progressistes" (éditions Stock, février 2017). Ces deux représentations philosophiques du progrès mériteraient une analyse plus approfondie …
Commenter  J’apprécie          40
Nietzsche contre Foucault : Sur la vérité, la c..

Une analyse serrée de la pensée de Foucault et de sa lecture de Nietzsche.
Lien : http://rss.feedsportal.com/c..
Commenter  J’apprécie          40
Que peut-on faire de la religion?

La question est évidemment sans réponse, et l'auteur tourne autour du pot. Tout d'abord, il y a le problème de la raison. Peut-on atteindre par la science les vérités de la foi ? D'aucuns s'y sont essayé jadis, et s'y sont cassé les dents. La foi religieuse serait donc du côté de l'irrationnel, de la folie, du tout autre que le monde. Pourtant, elle doit être la vérité, l'explication ultime de nos vies si bizarrement apparues sur la terre. Il faut, pour être vraiment religieux, faire un saut dans le vide, vers une lumière aveuglante qui montre, comme dans la parabole de Wittgenstein, que le monde sous lumière rouge et sous cloche n'était pas celui que la lumière vraie éclaire. Au fond, on ne peut que vivre de manière religieuse, sans jamais rien prouver, se laisser emporter par une vérité que l'on croit être la seule vraie, dans ce monde où, paradoxalement, chacun a sa vérité, comme si la vérité pouvait être multiple. On peut aussi refuser le saut, en rester à l'expérience du monde et de la science, et ne voir, comme Russel, dans la religion, qu'un placebo à appliquer sur des peurs (la mort, le sens de la vie), et dans la vérité qu'un moyen sûr de diviser les hommes, qui, si chacun croit que sa vérité est la vérité (est-il possible de faire autrement?), s'entretueront pour des idées. Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente...

Commenter  J’apprécie          40
Le mythe moderne du progrès

J'ai quasiment tout lu de ce que je considère être l'un des plus grands philosophes du monde encore actifs.

Il était donc évident que je lise son ouvrage le plus récent afin de continuer à savourer la pensée d'un tel esprit (certaines conférences sont d'ailleurs accessibles sur youtube c'est un régal).

Malheureusement cet ouvrage est un résumé sous forme de dissertation de sa critique du progrès avec les influences qui l'ont guidé durant tout son travail c'est à dire Wittgenstein, Kraus principalement.

L'ouvrage est efficace, il est pédagogique, accessible, divertissant, et bien écrit.

on y retrouve une pensée qu'on pouvait déjà lire chez Ellul notamment et même certains pragmatistes américains.

Pour un lecteur qui veut découvrir la pensée de Bouveresse ce livre est parfait et encourage à en lire davantage. Pour le lecteur déjà familier de son travail c'est un peu mince même si on se prend à vouloir relire les oeuvres déjà étudiées. Merci à Masse critique .
Commenter  J’apprécie          30
Le philosophe et le réel

Dans ce livre d'entretiens Jacques Bouveresse livre un peu son autobiographie intellectuelle qui est celle d'un philosophe indépendant de la pensée dominante ( les philosophes post-modernes pour aller vite) qui a introduit en France les philosophes logiciens ( Frege, Wittgenstein) et plus globalement la philosophie analytique.

Il s'est fait le chantre d'une pensée modeste, mais ironique et rigoureuse.

Commenter  J’apprécie          30
Prodiges et vertiges de l'analogie

Une excellente analyse des dérives graves de la recherche en sciences sociales en France et des pseudos intellectuels qui s'accrochent à des délires d'un autre temps. Le pire de l'affaire est que le philosophe analytique (j'imagine que la philosophie analytique est autre chose que la philosophie dont les médias nous abreuvent et qui n'est qu'une idée simple voire une idéologie rendue savante) Jacques Bouveresse n'est pas le premier à réaliser ce type d'analyse sans qu'il ne se passe rien. Tout lecteur d'un sociologue français ou de Régis Debray devrait au moins lire Bouveresse en préambule.
Commenter  J’apprécie          11
Les foudres de Nietzsche - Et l'aveuglement..

Jacques Bouveresse s'emploie à réduire en miettes l'interprétation faisant de Nietzsche un penseur de gauche, en réglant une dernière fois ses comptes avec une certaine philosophie française.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
Commenter  J’apprécie          10
La Passion de l'exactitude - Robert Musil e..

Le bel itinéraire de Bouveresse débouche sur la distinction entre « pensées vivantes » et « pensées mortes », à ne pas confondre avec l’opposition entre pensées vraies et pensées fausses. Ce qui conduit à interroger la valeur même de la vérité, comme Nietzsche l’a vu avant Musil, rappelle Bouveresse. La petite taille de cet essai ne doit pas masquer sa grande portée.
Lien : https://www.lemonde.fr/criti..
Commenter  J’apprécie          00
Le mythe moderne du progrès

L’ouvrage vaut la lecture, ne serait-ce que pour découvrir l'auteur, son style et ses références. Et la réflexion vaut le détour, même si elle se termine sans solution simple, comme toutes les bonnes réflexions d'ailleurs.
Lien : https://www.tdg.ch/livre-com..
Commenter  J’apprécie          00
Philosophie, mythologie et pseudo-science: ..

Une bonne synthèse sur le type de lecture wittgensteinienne que l'on peut faire de Freud. Le propos est clair, comme toujours chez Bouveresse, agrémenté de citations précises, tant du fondateur de la psychanalyse que de Wittgenstein, et nourri de la lecture de commentateurs anglo-saxons de ces auteurs. Il arrive à l'ouvrage d'être un peu répétitif, notamment sur la distinction entre l'explication par la cause et par les raisons, qui, même pour un point central de la critique de Freud, est mentionnée un peu trop de fois.



Le principal problème de l'ouvrage réside dans l'exploit réalisé par l'éditeur en oubliant d'imprimer les pages 65 à 80. Une trentaine de pages (après la page 64) du livre constituent une réimpression de pages déjà parcourues par le lecteur...L'un des chapitres est donc interrompu en plein milieu ; puis on reprend la lecture au milieu d'un nouveau chapitre.
Commenter  J’apprécie          00
Les foudres de Nietzsche - Et l'aveuglement..

C’est avec son tact et sa pondération habituelles que Bouveresse mène l’analyse, avec aussi une bonne foi dans l’étonnement, il n’y a guère lieu d’en douter. Mais ces qualités notables de son ethos philosophique n’en rendent que plus dangereuse son interprétation partisane qui joue, contre l’effet de séduction propre aux philosophies brillantes qu’il prend à partie, celui, non moins séducteur, de la clarté de la rationalité géométrique.
Lien : https://laviedesidees.fr/Com..
Commenter  J’apprécie          00
Les premiers jours de l'inhumanité

Dans les Premiers Jours de l’inhumanité, le philosophe Jacques Bouveresse revient sur la pensée de Karl Kraus, en soulignant l’actualité des analyses du satiriste autrichien sur les techniques de contrôle et de manipulation des esprits.
Lien : https://next.liberation.fr/l..
Commenter  J’apprécie          00
Le mythe moderne du progrès

En marche ! nous claironne notre nouveau gouvernement, prétendant exploser les notions traditionnelles de la politique, désormais il faut avancer coûte que coûte, vers où, vers quoi, comment, au profit de qui, au détriment de quoi, selon quelle morale ? Peu importe, l'important c'est le progrès, notion totalement subjective et floue que Jacques Bouveresse tente d'analyser dans cet ouvrage à travers le prisme de penseurs comme von Wright, Kraus, Orwell et bien d'autres abordant aussi bien la science, la technique, l'idéologie ou la politique.

Étant novice en philo et découvrant Bouveresse avec ce livre (merci Masse Critique!), je reste un peu sur ma faim, le travail semble très académique, décortiquant les influences de l'auteur et malgré une lecture simple et rapide (format idéal pour les débutant) je n'ai pas l'impression d'en ressortir plus éclairé et trouve le discours pas spécialement ancré dans notre époque (il y avait pourtant de quoi faire) et un peu confus, notamment le passage sur Wittgenstein et la libération. La notion de progrès l'étant elle même, confuse, cela parait logique mais j'attendais d'un ouvrage philosophique une clarification du thème abordé. L’œuvre est en tout cas une bonne porte d'entrée puisqu'elle m'a donnée envie de poursuivre dans le thème et m’intéresser aux penseurs cités, c'est déjà ça de pris.
Commenter  J’apprécie          00
Nietzsche contre Foucault : Sur la vérité, la c..

Dans ce livre, Jacques Bouveresse défend la validité du concept de vérité contre la thèse de Michel Foucault qui affirme que la vérité est fondamentalement une falsification. À l'appui de sa thèse, Foucault invoque la pensée de Nietzsche, comme précurseur de cette invalidation de la vérité ; Bouveresse conteste aussi cela, en commentant quelques passages de Nietzsche où la vérité, qu'on puisse la connaître ou non, est bien un critère incontournable de la pensée philosophique.



Je n'ai pas de formation philosophique et je ne suis pas familier de ce genre de lecture, et ce livre m'apparaît comme la défense par Jacques Bouveresse du sens commun, contre une absurdité énoncée par Michel Foucault. La quatrième de couverture annonce une ironie coutumière à Jacques Bouveresse, mais je crois que celle-ci était un peu trop subtile à repérer pour le béotien que je suis. Cela dit, je soupçonne une certaine malice de la part de Bouveresse à opposer à cette absurdité - du moins ce paradoxe : la vérité est une falsification - 130 pages d'une argumentation claire et rigoureuse.



Le nom de Michel Foucault et son personnage ont d'autant plus de prestige à mes yeux que je ne connaîs quasiment rien de sa pensée et de son œuvre. Avec ce petit livre, j'espérais m'informer à peu de frais. C'est raté. Évidemment si je veux m'intéresser à la pensée de Foucault, c'est Foucault que je devrais lire, pas Bouveresse. Ce livre me laisse donc un peu sur ma faim parce que je ne comprends pas comment un Michel Foucault a pu soutenir quelque chose d'aussi contraire au sens commun - le concept de vérité comme outil d'oppression. Ce n'est peut-être pas l'essentiel ni le plus intéressant chez lui. [i]Nietzsche contre Foucault[/i] de Jacques Bouveresse n'est pas un livre d'exégèse ou de vulgarisation de Foucault, tant pis pour moi ; tout de même, ce fut pour moi une lecture tout à fait agréable et stimulante.
Commenter  J’apprécie          00


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Jacques Bouveresse (189)Voir plus

Quiz Voir plus

Métro Quiz

🎬 Film français réalisé par François Truffaut sorti en 1980, avec Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, c'est ...

Le premier métro
Le dernier métro
L'ultime métro

10 questions
97 lecteurs ont répondu
Thèmes : métro , chanson , romans policiers et polars , cinema , romanCréer un quiz sur cet auteur

{* *}