Il pleut chaque jour. J'aime la pluie parce qu'elle m'isole.
Je ne me fais pas d'illusions, l'anarchie ne peut exister que par périodes car les hommes ont une tendance naturelle à organiser et à mettre partout de l'ordre.
Et Jérôme Calvière, glissant les feuillets dans l'enveloppe, comprenait ce que jusqu'ici il n'avait jamais entrevu. Il devinait avec lenteur que la terre dont parlait Max Leblond n'était pas le sol qui s'étendait, au matin de chaque jour, devant lui et sur lequel il marchait. Elle ne se découvrait plus comme une étendue qu'on domine mais comme une substance pâteuse, tantôt active, tantôt souffrante, intime quoique impersonnelle, dans laquelle on s'abrite avant de se fondre.
Soldat ou terrassier, mais homme, Max Leblond l'avait abordée à la pelle et à la pioche. Il avait perpétré cet inceste et la guerre l'avait ramené à ce sein et à ce ventre, pour s'y enfouir.
Entre ces lèvres, encore une fois réceptrices avant d'être parturientes, il avait connu dans l'obscurité de la nuit la souveraine indifférence de ceux qui sont parvenus au port qu'ils avaient depuis si longtemps quitté. Et il avait accepté de penser que sa chair était faite de cette matière qui était aussi celle du monde. Il était juste que le flot rouge teinté de ce pigment de fer à elle emprunté lui retournât.
Le médecin est un personnage qui va, l'hiver, de maison en maison, pour se réchauffer les oreilles à la poitrine d'enfants fiévreux.
J'appris qu'il n'était pas d'impatience et d'émotions assez vives que celles que suscitent à la descente d'un train l'attente, la découverte et la reconquête d'un être aimé. Elle me prit dans ses bras. Je ne savais plus tout à fait qui elle était. Tout me parut compliqué, inavoué.
"Alors, j'ai renoncé et lorsque, plus tard, on m' a proposé ce poste de médecin d'usine, j'ai accepté parce que je savais ne pas être taillé pour continuer la lutte. J'ai cru y trouver une tranquillité de l'esprit, une absence de responsabilité. C'était faux. La mort s'est trouvée remplacée par le travail; la souffrance, la peur, l'ennui sont sous mes yeux tous les jours: c'est la condition ouvrière.
Antonio pense qu'on ne peut pas dire que Christiane est belle ni même jolie. C'est une femme de trente-cinq ans, soignée. C'est beaucoup. Et telle qu'elle est, il la juge appétissante. Peut-être...Voilà qu'il ne lui est jamais venu à l'esprit jusqu'ici. Bien que...Pourquoi pas. Une de plus.
Entre la petite enfance et la mort de ceux que nous avons aimés s'écoule la vie. Peu de chose en somme.
Lu avec beaucoup de plaisir "Marie-Claire" de Marguerite Audoux. J'en aime la simplicité, les descriptions ou évocations de la campagne berrichonne. J'y ai trouvé avec joie la campagne plate et grasse, gorgée d'eau. Il y manque pourtant une rivière.
Elle m'entretenait surtout de mon père disparu. Il était mort à trente-trois pour la patrie. Je me demandais si l'on était vieux ou jeune à cet âge. Et la patrie, qu'était-ce ? Le jardin, le pré, les fermes d'alentour ?