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Je débouchai la bouteille de Graves pendant qu'Enzo découpait en cubes des pommes de terres légèrement bouillies avant de les poêler pour une omelette aux patates dont il se glorifiait avec justes raisons.
Ce soir; il n’y avait pas de chipirons à la clé, mais c'était quand même la bouteille à l'encre. La nuit s'annonçait forcément plus qu'intéressante. Un meurtre et une omelette aux patates à se mettre sous la dent : joli programme.
vers 21h, après avoir emprunté la Corniche, "la plus belle route du monde", comme je le disais à qui voulait l'entendre, reliant Hendaye à
Socoa, je serai à Saint Jean de Luz et boirai un demi bien mérité en terrasse du Majestic, l'un des cafés de la Place Louis XIV. p8
Laver son honneur et faire la lessive pour son fils, dans la même machine, il y avait de quoi se faire mousser. Et quand l’aventure sportive mettait les deux protagonistes en scène, il ne fallait pas louper le lever de rideau, quitte à payer les machinistes pour un clap de fin radical.
Voilà, tout était dit. Milliardaire et pourtant misérable, Khodorovitch n’était pas du bois dont on fait les flûtes, les potences plutôt.
Il ne manquait rien pour célébrer le culte ou pour passer un bon moment au milieu de ces Basques, petit peuple qui chante et qui danse au pied des Pyrénées, comme l'écrivait Voltaire, et qui vous transforment les églises en Olympia, même pour les messes d'enterrement qui, si elles sont chargées de foi et d'émotion ne sont jamais lugubres. Chagrin, reccueillement et dignité y étaients rehaussés par une magnifique polyphonie rendant le passage moins triste.
Quand les évènements vous dépassent, feignons d’en être les instigateurs, disait Talleyrand. Si je leur avais fait comprendre que je n’étais pas au jus, ils m’auraient pris pour un jambon et se seraient dit que j’étais au rencard, donc même plus bon à être renseigné. C’est quand tu es au courant de tout, ou que tu fais semblant de l’être, que les gens te parlent. Sinon, ils pensent que tu as décroché et ne te disent plus rien.
Des histoires, il y en a eu des tonnes, il y en a des tas, et il y en aura des tombereaux. Jouer sous les mêmes couleurs ne fera jamais disparaître cette rivalité citadine. Elle prendra d’autres aspects, l’imagination des Biarrots et des Bayonnais étant sans limite en la matière. Elle demeurera, du moins faut-il l’espérer. Car la vie, ce n’est pas que le rugby, même si à Biarritz et à Bayonne, il compte beaucoup. Les gens s’adapteront, c’est sûr, et le Rouge et le Bleu flotteront longtemps à tous les mâts, surtout celui que Biarrots et Bayonnais ont fiché en plein cœur, à jamais.
Sur terre, la différence saute aux yeux. Il en est de même dans l’eau. Le Bayonnais se baigne tandis que le Biarrot nage. Le Biarrot se joue des rouleaux de l’océan. Le Bayonnais lui, ne flotte qu’en piscine ou dans la Nive. Et même si pour lui Biarritz est Bayonne Plage, on ne le voit pas sur le sable biarrot à Miramar, à la Grande Plage, au Port Vieux, à la Côte des Basques, à Édouard VII ou à la Milady. On le trouve plutôt à Anglet.
Tout donc oppose les deux villes, et en plus le rugby !
C'est quelqu'un qui connaît la musique en tout cas, précisai-je, et celle d'urteaga en particulier, et aussi la lithurgie. Balancer son coup au moment de l'Ite missa est et de l'Eskerrak eman, le chant final de remerciement, c'est aussi de l'humour, car la victime, elle peut partit c'est sûr, puisque la messe est finie. Et ad patres en plus !
Ce ne sera plus la guerre, mais il demeurera encore des guéguerres, pour alimenter la chronique, faire travailler les neurones et ne pas laisser retomber le soufflé de la raillerie qui brûle encore toutes les langues dès lors qu’il sort du four.
Quand tu donnes à manger à tout le monde, c’est facile de trouver un consensus.