Citations de Jacques Godbout (44)
Stie, j'ai de la fièvre. Je vais aller me coucher. Je me sens tout en guenille, comme du linge sur la corde à sécher. Ce doit être d'écrire, c'est comme de trop lire, c'est mauvais pour les yeux, quand on n'a pas fini de digérer.
C'est toujours bon de vérifier si l'instruction que l'on a reçue peut être utilisable. Pour ma part, celle que j'ai subie ne valait même pas le déplacement à bicyclette. Je l'ai vérifié en cherchant du travail, en regardant autour de moi, en tentant d'être heureux.
Le bonheur c’est une mayonnaise : ça tourne sans qu’on sache pourquoi.
J'envisage un projet d'envergure nationale, non mais c'est vrai ! nous devons, nous, Canadiens français, reconquérir notre pays par l'économie ; c'est René Lévesque qui l'a dit. Alors, pourquoi pas par le commerce des hot dogs ? Business is business. Il n'y a pas de sot métier, il n'y a que de sots clients. Je ne suis pas séparatiste, mais si je pouvais leur rentrer dans le corps aux Anglais, avec mes saucisses, ça me soulagerait d'autant.
Un homme doit faire ce qu'il pense ; s'il croit qu'il a raison, il ne peut pas passer sa vie à écouter son oncle, sa femme, ses amis, le journal ou même la télévision. Moi, quand on insiste pour me donner un conseil, j'écoute et puis après j'en donne un moi-même. ça fait que je suis quitte : pas de dettes, pas de listen-now-pray-later, c'est trop facile s'appuyer sur les autres, un jour on se retrouve devant un champ de béquilles.
Ce n'est vraiment pas l'après midi pour essayer d'écrire un livre, je vous le jure, je veux dire : ce n'est pas facile de se concentrer avec la trâlée de clients qui, les uns après les autres, se pointent le nez au guichet. Aujourd'hui, ce sont surtout des Américains en vacances, ils viennent visiter la belle province, la différence, l'hospitalité spoken here, ils arrivent par l'Ontario : je dois être leur premier Québécois, leur premier native. Il y en a même - c'est touchant en sacrement ! - qui s'essayent à me parler français. Je les laisse se ridiculiser, je ne les encourage pas, je ne les décourage pas non plus. Je veux dire : que les Américains apprennent le français à l'école et qu'ils viennent tenter de le parler ici, au mois d'août, c'est leur plus strict droit. C'est toujours bon de vérifier si l'instruction que l'on a reçue peut être utilisable. Pour ma part, celle que j'ai subie ne valait même pas le déplacement à bicyclette. Je l'ai vérifié en cherchant du travail, en regardant autour de moi, en tentant d'être heureux.
C'est trop facile de s'appuyer sur les autres, un jour on se retrouve dans un champ de béquilles.
C'est papa qui disait ça en se levant le matin. Il disait: notre père à tous c'est le soleil, il s'appelle Galarneau lui aussi, comme nous. Il nous regarde de là-haut, mais il est de la famille.
Jacques habite au douzième étage d'une maison appartement qui domine la ville depuis la montagne. C'est très chic, l'entrée, pleine de fougères géantes, qui mène à l'ascenseur. Une maison de scripteurs, de commentateurs, de call-girls, tous des gens de spectacle. Ils soignent leur façade; un portier en livrée veut que je passe par derrière où se trouve l'entrée des marchandises et des livreurs. Avec mon costume de toile blanche, je n'ai pas l'allure d'un visiteur, ni la gueule du frère d'un locataire. Je n'ai aucune envie de discuter, je le fait trébucher, il ne saura jamais d'où me vient cette colère. Je monte. Les portes de l'ascenseur sont silencieuses comme des religieuses au cloître. Le corridor est à peine éclairé, je sonne, ça s'agite là-dedans.
...chaque être humain devrait être obligé de remplir des cahiers : au bout de l'instruction obligatoire, il devrait y avoir l'écriture obligatoire, il y aurait moins de méchancetés , vu qu'on aurait tous le nez dans les cahiers.
Nous avons épuisé tout sujet depuis si longtemps. Nous nous sommes tout dit; d'abord parce qu'il est des mots que nous avons bannis de toute conversation : dignité, justice, liberté — comme s'il s'agissait de fruits exotiques qui n'ont pas leur place dans un plateau de ce salon.
Il n'y a pas de classes sociales en Californie, il y a des échelles de salaire et des barreaux qui manquent.
On ne sait jamais si celui-ci, professeur de chimie dans notre collège de Tokyo, ou celui-là, enseignant de latin à Tombouctou, travaille pour la plus grande gloire de Dieu, ou pour la plus grande puissance occidentale. Ces doubles allégeances donnent par ailleurs du piquant à la vocation. Les vrais jésuites, c’est simple, portent un cilice pour dominer leurs pulsions perverses, les faux jésuites "qui le sont d’autant plus", aurait dit papa, cachent leurs appétits sous la robe noire
Souvenir. Ce qui reste après le geste.
Comment faire un livre. Imite qui tu veux, si t'es génial, ça ne paraîtra pas, mais autrement, copie-toi toi-même.
Le bonheur c'est une mayonnaise : ça tourne sans qu'on sache pourquoi.
La vie est trop courte, s'il faut en plus la pleurer !
Je sais bien que de deux choses l'une : ou tu vis, ou tu écris. Moi je veux vécrire. L'avantage, quand tu vécris, c'est que c'est toi le patron, tu te mets en chômage quand ça te plaît, tu te réembauches, tu élimines les pensées tristes ou tu t'y complais, tu te laisses mourir de faim ou tu te payes de mots, mais c'est voulu. Les mots, de toute manière, valent plus que toutes les monnaies.
Il m'apporte chaque fois qu'il vient un livre à lire, je n'ai même pas pu terminer le dernier : le Journal d'André Gide, un drôle de zèbre qui écrit des phrases à pentures, pour analyser ses sentiments, comme une vieille fille peureuse, des qui, des que, ça s'enchaîne comme des canards dans un stand de tir.
Nous avons eu une enfance heureuse, consciente des désastres qui éclataient ailleurs. Fils de journaliste. Charles à ce sujet ressemble plus au paternel que François. Il est persuadé que la race humaine va bientôt détruire sa planète. Il est devenu peu à peu renfrogné, comme un vieux poney. François s’inquiète moins. Il dit que si nous devons tous sauter en l’air, comme des chandelles romaines, par un beau soir de juillet, il désire en être. C’est un expansif . Il rêve d’une famille nombreuse, souhaite des rejetons de sa bouture. Il veut remplir les estrades de ses enfants vivants pour regarder exploser la planète dans un grondement terrible. Charles a décidé de se faire stériliser. Or si nous avons deux têtes nous n’avons que deux couilles. En condominium.