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Critiques de Jacques Heers (40)
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Gilles de Rais

Gilles De Rais , dont le père est décédé sur le champ de bataille d’Azincourt en 1415 , Marechal de France et compagnon de Jeanne d’Arc , Duc d’Anjou et seigneur en Bretagne comme ailleurs en France . Grand seigneur de l’ouest donc , ainsi détenteur de fiefs stratégiques car au voisinage de trois puissances , Bretagne , Domaine royal et Roi de France et Angleterre .



Cette histoire de Gilles de Rais de l’excellent médiéviste Jacques Heers est à mon humble avis une biographie méticuleuse de ce gilles de Rais , grand personnage publique , le Barbe Bleue de la légende .

C’est la bibliographie d’un seigneur et c’est donc de ce fait une histoire politique , qui va ici de Azincourt en 1415 , jusque le décès de ce Seigneur de premier plan en 1440 .



On appréciera le regard que porte l’auteur sur le moyen-âge .

Un regard cru , loin des clichés , où le lecteur découvrira intimement à quoi tient le statut de noble et le rapport qu’il entretient avec la terre en bénéfice et les droits et devoirs qui découlent de ce statut du point de vue local comme de celui de la haute politique où la noblesse est encore un acteur indépendant majeur au côté des rois et de l’église catholique .



Le lecteur arpentera donc ici les allées de la guerre de 100 ans , l’ascension du baron de Retz , bien marié , grandement et d’abord de par sa volonté propre plus que du fait de tout autre chose .



Seigneur flamboyant et bien titré , toujours volontaire pour chevaucher , mais largement désargenté .

Le seigneur et Duc , s’employa obsessionnellement à l’alchimie pour renflouer ses caisses . Mais les éléments étaient véritablement obstinés à ne pas devenir autrement que ce qu’ils étaient et l’or n’apparut point , malgré des invocations aussi ardentes que recherchées et de plus en plus obsessionnelles .



Il fut aussi et n’en déplaise à des tentatives de révisionnisme un assassin d’enfant , un véritable meurtrier dont la position retarda le moment de la punition , en autorisant dès lors le crime et en nourrissant de surcroit abondamment la légende comme les archives .



Le procès et le brutal et rapide dénouement de cette lancinante et douloureuse affaire , est aussi étonnant que bien approché par l’auteur



Ancien élève de Jacques Heers , il ne me viendrait pas à l’idée de dénigrer ce médiéviste spécialiste des croisades et de l’histoire militaire du moyen-âge .

Je me contenterais de souligner ici , la grande pudeur de l’auteur , relativement aux meurtres aux manières privées du Duc d’Anjou .



C’est principalement une biographie très teinté d’histoire politique que cet ouvrage , qui ne cassera donc pas trois pates à un canard en criminologie et qui décevra forcément ceux qui serait à la recherche de l’examen détaillé de la carrière de ce meurtrier en série .



Il existe un ouvrage de qualité écris par un juriste , criminologue et historien de qualité qui reprend l’histoire de Gilles De Rais , plus selon l’angle de la criminologie ainsi que selon celui de la justice médiévale et de l’histoire ecclésiastique également .

C’est un bon ouvrage que celui-ci et en voilà les références : , Le procès de Gilles de Rais , de George Bataille .



Ce dernier texte existe en grand format comme en poche , d’ailleurs je le souligne .



Sincèrement , si vous souhaitez accompagner le légiste et criminologue dans les méandres de de la pensée et dans ceux des agissements de Gilles de Rais , munissez-vous de patience , de beaucoup d’endurance et sachez enfin , que c’est très difficile d’aborder le sujet de front et que même sans entrer dans La description détaillée de l’insipide , ainsi que malgré les temps lointains qui sont invoqués par ces éléments assez bien documentés , sachez , que c’est très dur de s’y confronter de front , car le seigneur de Retz est un pédéraste forcené , qui de par son impunité est allé très loin dans le délire et qui de plus a tué des enfants sous l’ombre de la folie et dans la plus grande souffrance et encore , selon des modalités tristement élaborées .

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Gilles de Rais

Jacques Heers est un éminent historien médiéviste et dans cet ouvrage il revisite le destin tragique et la personnalité trouble de Gilles de Rais, riche baron de Bretagne et maréchal de France.

Présenté face à l'histoire comme un prestigieux chef de guerre, un lieutenant des plus fidèles de Jeanne d'Arc et un très puissant seigneur, ce personnage historique, quasi incontournable, serait tombé dans l'oubli s'il avait terminé sa vie comme un châtelain "ordinaire". Mais son procès lui assure une postérité morbide.

Dans cet ouvrage, l'historien nous prévient que "lardée de fiction, l'Histoire n'est plus l'Histoire" et grâce à une documentation qu'il définit comme rare et partisane, il tente d'examiner le bien-fondé de la définition du personnage, de la véracité des accusations portées contre lui et de sa réhabilitation faite en 1902 dans un climat anticlérical.

Les sources disponibles, par exemple, ne permettent pas de savoir s'il était "un homme d'allure avantageuse ou chétive, combattant impétueux ou sage guerrier". Gilles de Rais était un seigneur qui jusqu'à son procès n'avait pas attiré l'attention.

Ce livre passionnant, est un vrai ouvrage d'Histoire et son auteur sait nous plonger dans les méandres de ce destin tragique sans user de facilités et d'artifices. Il se livre à une étude exigeante qu'il maintient accessible grâce à un grand talent d'écrivain et de vulgarisateur.
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La cour pontificale au temps des Borgia et ..

Fruit d’un travail honnête d’historien, cette Cour pontificale au temps des Borgia et des Médicis est plaisant à lire et à découvrir. Jacques Heers structure plutôt efficacement son propos pour rester assez narratif, tout en injectant des connaissances précises et parfois ardues pour le moyen public qui semble tout de même visé par cet ouvrage. Ne comportant rien de très innovant pour autant, l’ensemble m’a laissé un goût mi-figue mi-raisin, car d'un côté, il y avait possibilité de rendre cette période (1420-1520) bien plus attrayante, mais d'un autre, qu'il est difficile de se limiter à ces cent petites années pour étudier un phénomène aussi complexe que le "renouveau de la cour pontificale".



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Les négriers en terre d'islam. La première trai..

J’ai découvert ce livre cette année (c’est une réédition en Poche) au « Maghreb des livres » et je viens de le reçevoir comme un coup de poing.

L’auteur, que je ne connaissais pas est un grand historien, décédé en 2013, spécialiste d’histoire médiévale du bassin méditerranéen, élève de Braudel, professeur à Paris X, puis à la Sorbonne, où il dirigeait le département d’étude médiévale. Et sans doute, mais là, je m’aventure, une personnalité assez iconoclaste.

Son livre est bouleversant. Nous avons tous entendu parler des harems de Turquie, des belles esclaves circassiennes et des grands eunuques noirs. Image d’Epinal, élégante et tolérable, teintée d’un délicat érotisme XVIIIème un peu alangui, témoignant d’une différence de culture, d’un orientalisme de bon aloi. Il s’agit là de tout autre chose, d’une exploitation délibérée et bien réglée du continent africain ( et un tout petit peu, comparativement, de l’Europe du Nord) : il s’agit là de pépinière d’esclaves dans certains pays d’Afrique, de convois d’hommes et de femmes affamés à travers les déserts africains, de travaux forcés dans les mines de sel ou de cuivre, dans les latifundia où se pratiquaient à grande échelle la monoculture, de l’assèchement de marais insalubres, toutes activités grosses consommatrices de bétail humain. Des centres de castration systématique de tous les mâles, aussi, avec plus de 60% de mortalité !

L’ouvrage est très documenté, très argumenté, un gros travail d’historien, presque ennuyeux (j’avoue avoir un peu survolé certains passages, comme le chapitre sur la lente pénétration de l’Afrique par les marchands arabes et berbères). Très référencé, même si les témoignages directs sont rares, mais il y en a. Complété par une très solide bibliographie.

Bigre ! L’exploitation de l’homme par l’homme nous stupéfiera toujours.

Je ne note pas ce livre dérangeant, je le propose à la sagacité des lecteurs babéliens : critiquez, contestez, apportez des compléments d’information : le livre est indéniablement à lire pour tous ceux que ces questions intéressent.

(Voir aussi "Le génocide voilé" de Tidiane N'Diaye)
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Louis XI

Jacques Heers a habitué ses lecteurs à mieux : cette biographie de Louis XI est un peu ennuyeuse. Il est vrai qu'entre Calmette, Champion, Murray Kendall et Favier, Heers a sur ce personnage de grands devanciers et après lui un maître en biographie (Favier).

Cela dit, il y a des passages passionnants. Mais l'écriture est un peu trop plate et terne pour que l'on accroche. Dommage.

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Le Moyen Age, une imposture

Ce livre est absolument nécessaire pour comprendre que l'homme médiéval, la société médiévale, tout ça n'existe pas, et n'a jamais existé. Le Moyen Age est une notion strictement négative qui renvoie à une infinie variété de moeurs pendant les mille ans qui ont séparé la civilisation gréco-romaine ("l'Antiquité") de la Renaissance. En historien et en universitaire, Heers a fait un travail extrêmement sérieux et parfaitement justifié. Malheureusement, la présentation du livre laisse à désirer, et la couverture qui fait le trottoir risque de lui faire manquer son public.
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Les négriers en terre d'islam. La première trai..

Ou "La Première Traite des Noirs - VIIème-XVIème siècles"


Disons tout d'abord que Jacques Heers n'est pas n'importe qui, puisqu'il a été professeur à la Sorbonne et directeur du département d'études médiévales de Paris-Sorbonne. C'est un spécialiste du Moyen-Age qui a consacré deux ouvrages passionnants, le premier à Louis XI, l'autre à Gilles de Rais.


Avec "Les Négriers en terres d'islam", il remet à l'heure certaines pendules que les "bien-pensants" d'aujourd'hui voudraient voir se fixer sur l'heure d'une "repentance" de l'Occident aussi disproportionnée qu'éternelle. Discours vraiement un peu trop facile, messieurs les donneurs de leçon !


Avant toutes choses, Heers évoque évidemment le principe de l'esclavage, qui toucha aussi bien les peuplades blanches que les tribus d'Afrique :


"Dans les tous premiers temps de l'islam, les esclaves étaient, comme dans l'Antiquité romaine ou du temps de Byzance, essentiellement des Blancs, raflés lors des expéditions ou exposés sur des marchés par les trafiquants qui allaient les acheter en de lointains pays, très loin même des terres d'islam."


Au demeurant, Ibn-al-Fakih, géographe et poète arabe, pour qui l'esclavage était parfaitement naturel puisqu'il vivait dans les années 900, écrit :


"De la mer occidentale, arrivent en Orient les esclaves hommes, Romains, Francs, Lombards et les femmes romaines et andalouses"


tandis qu'Ibn Haukal, auteur de traités de physique, de médecine et de grammaire, qui naquit à Bagdad en 1122, affirme de son côté :


"Le plus bel article importé de l'Espagne sont les esclaves, des filles et de beaux garçons qui ont été enlevés dans le pays des Francs et dans la Galice. Tous les eunuques slaves qu'on trouve sur la terre sont amenés d'Espagne et aussitôt qu'ils arrivent, on les châtre. Ce sont des marchands juifs qui font cela."


Il faudra en fait attendre quelques siècles après la mort de Mahomet pour que les Arabes se lassent de la Nubie, où ils exigeaient des tributs d'esclaves dès 642, et décident de se lancer à l'assaut de l'Afrique noire et du "royaume du Prêtre Jean", en Ethiopie, en passant par la vallée du Nil et par la mer Rouge. Plus à l'ouest, le royaume musulman du Maroc va, lui aussi, décider de s'étendre et, pour ce faire, tentera une aventure terrifiante : plus de 100 jours de marche au-delà de Marrakech, la moitié du voyage se déroulant sous le soleil du désert.


C'est la prodigieuse expansion de l'islam en Afrique noire, expansion guerrière et aussi expansion faite par racolage et prosélytisme, que nous conte Heers dans la première partie de son ouvrage - chapitres I et II. Certains la trouveront peut-être trop touffue mais elle n'en reste pas moins passionnante - et ô combien édifiante !


Je vous recommande tout particulièrement le passage qui évoque les "fous de Dieu" de la secte marocaine des Toubenae. Ceux-ci s'étaient auto-proclamés "bons musulmans" et partirent à l'assaut de villages sénégalais, dont les habitants étaient par contre "de mauvais musulmans." (P. 55-57). La chose se passait ... en 1673.


Mais ce sont les chapitres III et IV qu'il faut absolument lire. On y apprend que, contrairement par exemple à la Sérénissime qui ne publiait que des catalogues d'objets et d'épices, les marchands arabes avaient de véritables vade-mecum ne parlant que d'esclaves.


L'un des plus célèbres de ces catalogues demeure celui établi par Ibn-Butlan :


Il dit tout savoir des qualités et des défauts de chaque race, des aptitudes au travail ou à l'amour. Les Turcs et les Slaves sont, dit-il, de bons soldats mais, pour les gardes des Palais, mieux vaut prendre des Indiens et des Nubiens, et, pour les travailleurs, serviteurs et eunuques, des Zendjs, Noirs de l'Afrique orientale.


La traite négrière servant beaucoup les fantasmes sexuels des clients, Ibn Butlan


"vante surtout les mérites des Grecques, des Turques, des femmes du Buja (pays entre la Nubie et l'Aybissinie) mais dit pis que pendre des Arméniennes, sournoises, rebelles, paresseuses, les pires de toutes les Blanches, et plus encore de mal des Zendjs, de la côte orientale de l'Afrique, les pires des Noires. Les Zendjs "montent toutes sortes de mauvais penchants et plus elles sont noires, plus elles sont laides et leurs dents agressives. (...) ..." (Chapitre III : L'Homme de couleur mal-aimé - Le Mépris.)


Le grand Avicenne lui-même n'a pas failli à une vision que le MRAP aurait quelques difficultés à ne pas juger "raciste" :


"Le corps des Noirs est transformé par la chaleur,


Leur peau est recouverte de Noirceur.


Le Slave au contraire a pris la Blancheur


Et sa peau n'est plus que douceur."


Certains poètes noirs, convertis à l'islam, ont tenté de répondre. Ainsi, Nusayb, mort en 726, que le grand poète arabe Kutthayyu tourna trop de fois en dérision, s'en prenant à son physique, à la couleur de sa peau, etc ..., lui répondit ces fières paroles :


"Le Noir ne me diminue pas, aussi longtemps


Que je garde fière ma langue, et solide mon coeur.


Certains n'ont réussi que grêce à leur lignage,


Les vers de mes poèmes sont mon lignage.


Mieux vaut un Noir d'esprit clair, de parole aisée


Qu'un Blanc qui ne sait que rester muet."


La pratique barbare de l'excision, qui n'est pas d'origine arabe mais bel et bien africaine, fut en tous cas largement tolérée par l'occupant arabo-musulman. Ibn-Butlan, toujours lui, raconte :


Certaines Buja sont excisées ; toute la partie supérieure du pubis est découpée jusqu'à l'os au moyen d'un rasoir. Elles sont pour cela devenues fameuses."


Il précise cependant que, si ces esclaves sont "importées" (sic) jeunes, on leur épargne la mutilation.


N'oublions pas les esclaves qui finissaient dans les mines de sel ou dans les champs de canne à sucre. Car enfin, il faut bien le rappeler :


Pendant des siècles, tout le sucre consommé et vendu dans l'Europe chrétienne venait du monde musulman.


Heers évoque aussi la révolte des esclaves Zendjs dans les marais de l'Euphrate où leurs maîtres, de riches marchands, les faisaient travailler dans des conditions de servitude absolue.


Un livre dur, passionnant, un peu ardu sans doute mais qui se lit presque d'une seule traite. Un livre digne aussi qui démontre ce que certains voudraient oublier : qu'aucun peuple n'est supérieur à l'autre dans les vertus ou dans le crime. Les rabatteurs qui livraient les esclaves noirs aux marchands arabes, juifs et chrétiens étaient le plus souvent noirs et possédaient eux-mêmes des esclaves. Ils le faisaient non parce qu'ils étaient noirs, tout simplement parce qu'ils étaient humains. Et parce que, tout comme il est capable du meilleur, l'être humain, sans distinction de sa couleur de peau ou de sa religion, est aussi hélas ! capable du pire. ;o)
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Gilles de Rais

Comme dans "Les Négriers en terre d'islam", le but de Jacques Heers est ici de replacer les événements et les personnages dans leur contexte. Aussi fait-il voler en éclats nombre de fantasmes inspirés par la farouche personnalité du sire de Rais.


Bien avant la naissance de Gilles, les fiefs qu'il devait un jour vendre à droite et à gauche pour se procurer la solde de ses troupes, puis les ressources nécessaires au train de vie qui était alors celui de tout seigneur désireux de ne pas se faire oublier (et qui était, en outre, dans le cas de Gilles, maréchal de France depuis le sacre de Charles VII) firent l'objet d'une guerre larvée entre les héritiers de Jeanne de Chabot, dame de Rais, dite "Jeanne la Sage", morte veuve et sans postérité. En un premier temps, celle-ci avait adopté Guy II de Laval-Blaison mais, pour on ne sait quelles raisons, elle se ravisa et désigna la veuve de Pierre de Craon, Catherine de Thouars, et leur fils, Jean de Craon, qui sera le grand-père maternel de Gilles de Rais.


A l'arrière-plan déjà - et la chose est importante - le roi de France et le puissant duc de Bretagne veillaient, aussi peu disposés l'un que l'autre à voir ces fiefs, si nombreux qu'ils s'étendaient d'Ambrières, près d'Alençon, à Confolens, dans la région de La Rochelle (sans oublier un ou deux dans le Finistère, du côté de Fouesnant) revenir à un partisan de l'adversaire. L'occupation anglaise, pour laquelle la famille ducale, en la personne des Montfort, avait pris longtemps parti, était encore à l'ordre du jour et le futur Charles VII n'était toujours que "le soi-disant dauphin" de Bourges.


Finalement, un compromis fut adopté et l'on décida que Guy de Laval-Blaison épouserait la fille de Jean de Craon, Marie. De ce mariage, allaient naître deux fils : Gilles, seigneur de Rais et René, seigneur de La Suze. Tous deux perdirent leur parents en 1415, année terrible pour la chevalerie française puisque ce fut celle d'Azincourt, bataille où périt également leur oncle, Amaury de Craon. Faisant fi du testament de son gendre, leur grand-père monta aussitôt au créneau afin de récupérer la tutelle des deux enfants et ce fut de cette manière qu'ils passèrent sous le contrôle intégral de la famille de Craon.


Jean de Craon était expert en matière de violences et de magouilles machiavéliques. Il faut dire que lui-même avait de qui tenir puisque son père, Pierre de Craon, passait pour avoir assassiné Louis Ier, duc d'Anjou et était aussi responsable de la tentative de meurtre à l'encontre d'Olivier de Clisson, connétable de France. Cette hérédité a-t-elle vraiment pesée sur Gilles de Rais ? Si ce n'est génétiquement, en tous cas moralement, c'est certain. Si nous parlons de meurtre aujourd'hui, on peut douter que Jean de Craon n'ait pas présenté les choses de façon plus héroïque pour le bénéfice de ses petits-enfants.


Au reste, pouvons-nous lui donner tort ? L'Histoire, par l'entremise notamment de Jeanne d'Arc, a légitimé Charles VII et déconsidéré tous ses ennemis. Mais il fut bien une époque - dont nous ne pouvons nous faire qu'une très vague idée - où la propre mère du futur roi, Isabeau de Bavière, soutenue par son beau-frère et amant, Louis d'Orléans (lequel n'était pas pire, en ce sens, qu'un Pierre de Craon), faisait déclarer le jeune Charles "soi-disant dauphin" par son pauvre fou de mari. Ce qui revient à dire que, les dés fussent-ils retombés autrement, la France aurait réellement pu devenir alors possession du roi d'Angleterre.


Quoi qu'il en soit, la violence est présente dans la famille de Craon et dans celle de Rais. Plus que les gènes, les temps l'exigent : si l'on veut survivre, il faut choisir son camp, éventuellement en changer au gré des circonstances et surtout se battre. Même dans le mariage, la violence apparaît : Gilles de Rais vient d'avoir 16 ans lorsque, avec l'aval probable de son grand-père, il fait enlever sa future épouse, Catherine de Thouars, pour l'épouser sans cérémonie devant un moine dont l'Histoire n'a pas retenu le nom.


Scandale énorme : les jeunes gens sont parents au quatrième degré et la famille de Thouars était opposée à l'union. Là encore, d'intrigue en pression, Jean de Craon remportera la manche et le mariage sera validé par l'évêque d'Angers deux ans après la première cérémonie.


Si Pierre de Craon avait oeuvré plus pour le roi d'Angleterre que pour le roi de France, son fils avait fini par se ranger du côté du duché d'Anjou et de Yolande d'Aragon qui était aussi la belle-mère du futur Charles VII. Du coup, Gilles de Rais se plaça presque tout de suite au service du roi de Bourges. Mais, selon l'usage de l'époque, les troupes qu'il levait demeuraient à sa charge et, pour tenir son rang, notamment à Chinon où il fut l'un des premiers nobles à voir Jeanne d'Arc qui arrivait de Vaucouleurs, le sire de Rais ne disposait peut-être pas d'autant d'espèces sonnantes et trébuchantes qu'on a bien voulu le dire.


A l'exemple de beaucoup de grands seigneurs de cette époque, Gilles de Rais est un composé de sauvagerie et de raffinement. Fier de son sang et de son rang, il entend le tenir avec faste et bravoure. Pas plus qu'on ne le verra jamais fuir sur les champs de bataille, il ne renoncera jamais aux dotations qu'il aimait à faire à des ordres religieux et ill ne renoncera pas non plus à la chapelle privée, avec choeur et chantres, qu'il traînait toujours à sa suite. Car le psychopathe qui dormait en lui appréciait fort la musique sacrée.


Bien après le siège d'Orléans, auquel il participa aux côtés de Jeanne d'Arc - mais aucune archive ne nous dit s'ils se cotôyaient aussi fréquemment que l'ont affirmé certains modernes - Gilles de Rais faisait aussi représenter chaque année dans la ville "Le Mystère d'Orléans", une pièce de plus de 20 000 vers, avec acteurs, costumes et décors, qui retraçait l'intégralité de ce haut fait d'armes et le représentait surtout à son avantage, dans un rôle de décideur qu'il ne tint sans doute pas. Tout cela à ses frais, bien entendu, pour que ni le peuple, ni le Roi désormais bien installé ne vinssent à l'oublier.


Tout cela coûtait cher et, revenu dans ses terres bretonnes, le sire de Rais était également redevenu l'un de ces vulgaires chefs de bande que l'autorité royale cherchait insidieusement à réduire. Il ne pouvait pas non plus compter sur les travaux d'alchimie qu'il patronnait depuis pas mal de temps : la Pierre philosophale courait toujours ... D'où l'escalade bien naturelle, de l'alchimie - tolérée par l'Eglise, soulignons-le - à la sorcellerie - ou prétendu telle.


Jean de Craon est mort, Gilles de Rais est seul, face à lui-même et à une existence où ses rêves de gloire et de fastes se sont noyés. Le besoin d'argent le tient à la gorge et il se met à vendre ses terres, au grand dam de ses héritiers mais aussi du duc de Bretagne et de Charles VII. Enfin, il se laisse envahir par la violence qui, chez lui, devait trouver un exutoire sur les champs de bataille : les rapts et les meurtres d'enfants, peut-être commencés dès le retour d'Orléans, peut-être bien avant, prennent la triste ampleur qu'on leur connaît.


Jacques Heers ne s'attarde pas aux chiffres donnés qui ne sont guère fiables compte tenu des conditions précaires qui étaient celles de l'époque. Il se contente de citer les sources connues : témoignages de parents ou de voisins recueillis par les deux tribunaux devant lesquels comparut Gilles de Rais. Car il y eut en fait deux procès à Nantes :


a) un procès civil, qui ressortait du duc et du Parlement de Bretagne, et qui jugeait les crimes de félonie (l'affaire Le Ferron et diverses exactions accomplies par Gilles et ses troupes en temps de paix) et les crimes de sang (les meurtres d'enfants) ;


b) un procès ecclésiastique (mais non dirigé, contrairement à ce qui a été affirmé trop souvent, par l'Inquisition) amené à juger les accusations d'hérésie, de sorcellerie et d'idolâtrie lancées contre l'accusé.


Certes, on peut à bon droit s'interroger sur l'intégrité de Jean de Malestroit, évêque du Mans, dont les louvoiements entre le duc de Bretagne, les Anglais et la cour de France avaient fait un personnage suspect, y compris à ses contemporains. Mais on ne peut évidemment contester les preuves et les témoins, non plus que les aveux de Gilles de Rais.


Homme de son temps, guerrier valeureux mais personnalité psychique fragile, Gilles de Rais était bel et bien un psychopathe pédophile que rien ne peut réhabiliter.


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Le Moyen Age, une imposture

Jacques Heers remet les pendules à l’heure sur cette période de l’histoire si mal considéré par notre époque. Il balaie les fausses croyances, les approximations souvent hérités de la littérature ou des premiers livres d’histoire républicains cherchant une période a laquelle s’opposer.

Avec sa méticulosité habituelle, il analyse et compare, ce qui lui permet de dire,que non la culture classique n’avait pas totalement disparu d’Europe, que non la peur de l’an mil n’existait pas. Il tord le coup à beaucoup d’autres sornettes, sans pour autant perdre la réalité de l’époque.

Par contre comme pour tout livre d’histoire, il faut savoir parfois prendre du recul, chercher la sensibilité de l’auteur par exemple. Il apparaît que ce livre est très apprécier de certains milieux extrêmes qui y voit une justification de leurs thèses. Le journal « le monde » n’a pas eu des mots tendres pour la radio pour laquelle, il travaille. Il faut donc prendre du recul avec certain point comme la diffusion de la culture par le Nord qui suinte tout au long de l’ouvrage ou encore certains sujets sur les impositions, les effets de la guerre féodale comparés à celles de la renaissance, qui bien que très détaillés et inattaquables laissent sous silence d’autres parties essentielles à la comparaison.

On ne peut retirer à Jacques Heers son immense savoir et son érudition, tout est certainement vrai, mais il faut faire attention et savoir chercher les omissions, les non dits pouvant amener sur un chemin glissant.

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Les négriers en terre d'islam. La première trai..

Enfin un bon livre sur l’esclavagisme. Pourquoi ? Parce qu’il nous rappelle ou nous apprend que l’esclavagisme n’est pas limité à Rome et au tristement célèbre commerce triangulaire. Les européens n’ont pas été les seuls. La traite à aussi existé dans la sphère musulmanes. Une traite des noirs transporté par les caravanes avec la aussi des comptoirs et ce sur une très longue période. Attention, pas la peine du voire une justification à la xénophobie dans ce livre, c’est un travail fort documenté et sans partie pris. Du bon Jacques Heers, du très bon.
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Les négriers en terre d'islam. La première trai..

Jacques Heers (1924 – 2013), disciple de Fernand Braudel, assistant de Jacques Duby et enfin Directeur des études médiévales à la Sorbonne est un grand historien spécialiste du Moyen-Âge, une de mes périodes d’investigations préférées. C’était aussi un homme qui affectionnait de tordre le cou aux idées toutes faites …



Cet ouvrage ne suscita pas les mêmes polémiques que celui d’Olivier Pétré-Grenouilleau, publié un an plus tard sur le même thème. Il met pourtant en lumière un trafic millénaire d’êtres humains qui commença bien avant le commerce triangulaire et perdura bien après l’abolition de l’esclavage Atlantique. Des raisons pour ne pas, en Europe, être les seuls à invoquer une culpabilité collective … mais ce n’est pas politiquement correct.



La période et l’espace étudiés couvrent le monde islamique et l’Afrique du 7 ème au 16 ème siècle. Dès les premières années du 9ème siècle, des comptoirs, des relais, de petits établissements de musulmans familiers de l'Afrique et parlant les langues locales donnent une impulsion considérable à la chasse aux captifs. Plusieurs sultanats islamiques sont présents à la périphérie de l’Ethiopie et tirent l’essentiel de leurs ressources de la



Les guerres « saintes » entre chrétiens et musulmans se succèdent jusqu’à la fin du 16ème siècle autour de l’Ethiopie et de l’Abyssinie. Autour de Tombouctou, les premiers raids transsahariens restent sans conséquence jusqu’à ce que les Almoravides prennent l’offensive au 11ème siècle. En 1590, les Marocains conquièrent l’empire du Songhaï et provoquent une extraordinaire chasse aux esclaves dans les pays du Niger. Est-ce une œuvre sainte ? En réalité, ces noirs ne sont jamais de « bons » musulmans (que l'Islam interdit d'asservir) et jusqu’au 19ème siècle, les chefs musulmans se gardent de faire du prosélytisme afin de ne pas tarir cette ressource puisque, dans la plupart des pays d’Islam, la condition sociale est estimée au nombre d’esclaves possédés.



Ainsi, l’or et les esclaves firent la fortune des navigateurs et des caravaniers. Tombouctou ou Djenné ne furent à l’origine que des haltes de stockage pour les marokas, négociants en bétail humain. Il faut imaginer les conditions de convoyage des captifs à travers le désert, de point d’eau à point d’eau, entravés, tombant d’épuisement, perdus parfois et mourant sur le chemin, les caravanes mal protégées assaillies par les bandes de Touaregs, l'esclavage sexuel des femmes, le carnage perpétré par les faiseurs d'eunuques (dans des stations situées en dehors des pays d'Islam où la mutilation est interdite).



Les monnaies de troc sont des pièces d’étoffe, des barres de cuivre (extrait par des esclaves noirs), des pavés de sel (où la main d’œuvre est uniquement servile), des perles de verre (c’est là l’origine de la prospérité de Murano et importées depuis Tunis), des coquillages (cauris), de la poudre d’or.



Au Moyen-Orient, les chantiers navals, l'assèchement des marais du golfe persique, la mise en culture des champs de mil, les mines de sel, les champs de canne à sucre - très prisé en Occident - emploient exclusivement des captifs venus du Soudan. Sur le marché d’Alger en revanche, on ne trouve que des chrétiens raflés par les navires barbaresques. Les premiers maîtres du trafic furent les hommes du Yemen, du Hedjaz, d’Oman et de Bahrein, puis les Persans. Les Comores servent d’étape entre l’Afrique et l’Inde, dont les marchands arrivent et repartent avec la mousson. Ils prisent aussi l’ivoire car les défenses des éléphants d’Asie sont trop petites pour y tailler des bracelets … Les esclaves-soldats (ou sidis) servent dans les armées des Rajahs. Chez les Turcs, l’emploi d’esclaves razziés très jeunes est général dans les armées.



Le mépris pour les Noirs, décrits comme sans foi ni loi, corrompus et adonnés à la fornication forme un corps de notations toutes hostiles et racistes, qui ont profondément marqué les opinions et les attitudes populaires. Ainsi la chasse aux captifs, ouverte dès les premiers temps de l’Islam, n’est jamais remise en question et les esclavagistes, en tous temps comme en tous lieux, ne sont jamais en manque d’arguments.



Il y eut pourtant des révoltes : entre 869 et 883, dans les marais de Bassorah, un Etat rebelle fut créé par les Zendj, esclaves Noirs … sans espoirs de terres à cultiver eux-mêmes, sans espoir de retour, sans lien avec le pays, sans possibilité de descendance. Ils n’avaient rien à perdre.



Selon Jacques Heers, la traite des Noirs n’a donc pas commencé à Saint-Malo, Nantes, La Rochelle ou Bordeaux au 16ème siècle. Son livre est un texte engagé, enragé même. Il nous faut rester objectifs, mais à la lumière de récents événements ( la prise d'otages ou la razzia de jeunes lycéennes au Nigéria), on ne peut que réfléchir à certains phénomènes de rémanence.



On connaît les conséquences effroyables de l’esclavage sur le développement de l’Afrique. C’est une honte pour le genre humain en général mais personne ou presque n’évoque la traite dans le monde musulman, qui existe encore aujourd’hui en Afrique et ailleurs …



Sauf, peut-être, en 1958, Hergé dans « Coke en Stock ».



Amnésie collective ?
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Gilles de Rais

Auteur qui a beaucoup de mal a reconnaître et a expliquer les faits reproches a Gilles de Rais (meurtres,tortures,enlevements d'enfants,abus sexuels...).

Une grande partie de l'ouvrage est axe sur les faits d'armes de Gilles de Rais,sur ses titres accordes par le roi,mais peu de pages sont consacrees a son brigandage.Par contre,une partie est consacree a son heresie,a ses manipulations alchimiques...tenteraient d'expliquer son cote obscur pour en arriver aux rites sataniques qui demandent des sacrifices humains,d'ou l'enlevement des enfants.

Cet auteur m'a mise mal a l'aise car on sent qu'il aimerait rehabiliter son heros sans l'avouer clairement;et faire fi de ses abominables actions criminelles,il ne peut helas les ignorer
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Le clan des Médicis. Comment Florence perdit ..

Voilà un ouvrage d’une richesse documentaire remarquable, sur fond de lutte entre Guelfes et Gibelins. Il nous montre comment la prise de pouvoir des Médicis, à Florence à partir du 14ème siècle, a été le fruit d’une intelligence prédatrice.

Même s’ils n’ont jamais constitué une famille de va-t-en-guerre, la violence n’était pas exclue des rivalités dans leur conquête du pouvoir. C’est toutefois à leur habilité en politique, mais surtout à leur sens des affaires, qu’ils doivent leur mainmise sur la capitale toscane, et bien au-delà. Une banque Médicis n’a-t-elle pas été ouverte à Bruges.

Complots et intrigues sont le lot de ces gens de pouvoir, fervents chrétiens, humanistes et grands mécènes, lors de ces années de grâce pour l’art dans ce qui n’est pas encore l’Italie. Côme, Pierre dit le goutteux, puis Laurent dit le Magnifique seront les artisans de cette fabuleuse ascension sociale à la tête de la prestigieuse Florence. Ils lui conféreront la splendeur qu’on lui connaît encore de nos jours.

Avec une arrière-pensée égoïstement chauvine, j’ai regretté de ne pas trouver dans cet ouvrage le prolongement de l’histoire en notre pays, avec les deux filles du clan des Médicis, toutes deux nées à Florence, devenues reines de France (car épouses de rois) puis régentes, Catherine et Marie.

Catherine, arrivée à Marseille en 1533 pour y épouser le fils de François 1er, le futur Henri II. Elle a marqué l’histoire de notre pays de son austère souveraineté. Elle qui a poussé son fils Charles IX à engager bien malgré lui le fameux massacre des protestants lors de la terrible Saint-Barthélemy en 1572.

Marie de Médicis, la seconde épouse d’Henri IV, au destin moins noir et que notre histoire retient comme la mère de Louis XIII.

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Le Moyen Age, une imposture

Le moyen-âge, une imposture ? Ce livre passionnant, au titre et pourtant dû à l'un des grands médiévistes du XX°siècle, Jacques HEERS, interroge à la fois le concept même de Moyen-âge et ce que l'on y met couramment

Selon l'auteur, le concept a été élaboré sur des bases erronées, par des historiens considérant que finalement,l'histoire de la civilisation se résumait à sa naissance avec l'antiquité gréco-romaine, et à sa renaissance (justement!) après une longue éclipse, une période sombre, qu'on appellera moyenh-âge par défaut.

Mais une période historique (quoi que, la notion même de période historique....faut-il vraiment découper l'histoire en tranches ? Pour reprendre le titre d'un ouvrage de Jacques LE GOFF) se définit d'abord par ses limites ; et là les difficultés commencent.

Quand commence en effet le Moyen-Âge ? A la fin de l'Antiquité ? Oui, don à la fin de l'Empire Romain ; mais ce n'est pas si simple ; beaucoup de dates sont possibles ; on ne retient plus guère l'événement finalement de peu de conséquences que fut la déposition du dernier Empereur, Romulus Augustule, par l'Ostrogoth Odoacre, qui renvoya ses insignes à l'Empereur d'Orient....en lui demandant d'ailleurs de le reconnaître en tant qu'Empereur d'Occident ! Au vrai les chefs « barbares » Odoacre le premier, sont passablement romanisés et n'ont ni le sentiment ni l'intention de détruire l'Empire. Une génération plus tard, Clovis portera encore le titre de gouverneur de la Belgique Seconde, et recevra de l'Empereur les insignes de consul. Et on qualifiera souvent cette époque d'Antiquité tardive à la suite d'Henri-Irénée Marrou

L'Empire d'ailleurs si peu terminé qu'au siècle suivant Justinien manquera de rétablir l'Empire après en avoir reconquis une partie, et que la monarchie franque conservera longtemps une part des institutions romaines

Et pour la fin, c'est tout aussi compliqué. 1453, date de la prise de Constantinople par les Turs et de la fin de l'Empire Romain d'Orient ? Et pourquoi pas 1492, date de la découverte de m'Alérique et de la fin de la Reconquista ?

Mais si la Renaissance commence avec la redécouverte de la culture antique, alors elle a lieu beaucoup plus tôt, avec le retour en Occident dès le onzième siècle, depuis Byzance et par Pise et Bologne, de manuscrits originaux grecs et latins des grands auteurs de l'Antiquité,(*).

Pour sauver les concepts, certains parleront de pré-renaissance....

Et finalement ce « moyen-âge » ne mérite-t-il pas d'être considéré pour lui-même, autrement que comme un intermédiaire, et en lui conférant une unité qu'il n'a pas ? Dans ses limites convenues, la période recouvre près de mille ans, le temps qui nous sépare d'Hugues Capet. Et peut-on dire que Clovis et Louis XI appartenaient à une même culture ?



Heers poursuit ensuite sa « déconstruction » du concept en analysant et en réfutant un certain de mythes encore largement répandus aujourd'hui et dont il voit l'origine dans les idéologies héritées de la Révolution Française (qu'il semble ne pas aimer beaucoup)

Qu'il ait ou non raison sur ce point précis, il n'en trouve pas moins beaucoup de sottises qu'il serait trop long d'énumérer ici ; on citera cependant, pêle-mêle, l'incompréhension de ce qu'était le féodalité, les droits féodaux imaginaires, tels que le droit de cuissage, la légende noire de l'Inquisition, l'apocryphe « tuez-les tous, Dieu reconnaître les siens », les prétendus débats sur l'existence de l'âme chez les femmes, la croyance à la terre plate, la surestimation de certains personnages, l'opposition artificielle entre campagnes et villes, et l'idée que ces dernières étaient une oasis de liberté, ce qu'elles n'étaient nullement, au contraire, la surestimation du mouvement communaliste (**)

Dans cette section, l'auteur est peut-être trop systématique et vouloir pour les besoins de son raisonnement trouver à l'époque plus de vertus qu'elle n'en a.

Cependant, et c'est un autre mérite de ce livre, il révèle des choses qu'on a coutume d'occulter, telle que la persistante de l'esclavage au sens antique du terme au moins jusqu'au seizième siècle, et y copris entre chrétiens, le massacre des prisonniers de guerre, le sac des villes prises (on se rappelle de celui de Rome -en 1527 d'ailleurs, soit théoriquement sous la Renaissance- par les reîtres luthériens de Charles Quint, mais il y en eu bien d'autres)

En résumé, un livre aussi passionnant qu'instrutif,



(*) Par parenthèse, ce fait est connu depuis longtemps, et on ne comprend pas les critiques soulevées à l'occasion de la parution du livre de Gougenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel par certains chercheurs tenant à tout prix à ce que les classiques grecs aient été retraduits de l'arabe et non à partir des textes originaux, chercheurs parmi lesquels d'ailleurs on ne trouva aucun médiéviste de premier plan



(**) Je m'étends un peu sur cette question qui m'a particulièrement intéressé.On sait qu'au XIIIème siècle, un certain nombre de villes se virent attribuer par le Roi, les princes territoriaux, certains seigneurs ecclésiastiques, ou les pouvoirs ecclésiastiques des Chartes qui leur permirent de s'ériger en Communes, de se doter d'une administration municipale et de s'auto-administrer.

Et l'historiographie en vigueur nous décrit ces communes comme autant de petites républiques, démocratiques, heureuses, florissantes et prospères. réalité est malheureusement toute différente ; les Communs étaient des aristocraties rien moins que démocratiques, très médiocrement administrées, avec une fiscalité importante, et beaucoup de quasi-guerres civiles internes.

Au point que la plupart disparurent d'elles-mêmes, demandant au Roi , au comte ou à l'évêque de bien vouloir reprendre les" libertés "qu'il avait accordées.Ainsi à Provins un véritable référendum fut organisé par les magistrats municipaux en 1320 sur l'opportunité d'abandonner l'administration en place pour s'en remettre au Roi. Parmi 2701 personnes ayant exprimé un vote, 2545 opinèrent désirer « être libres du gouvernement des maires et échevins et ne plus êtres gouvernées que par le roi seul »
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Les négriers en terre d'islam. La première trai..

Ouvrage à rapprocher de "Les seigneurs du désert" de Francis Fèvre et d' "Esclaves chrétiens, maîtres musulmans" de Robert C.Davis.

Oui, les premiers esclavagistes furent les propres Noirs, puis les Arabes qui, au nom de l'Islam, vendaient des esclaves Noirs qu'ils capturaient parce qu'animistes ou même s'ils étaient musulmans.

A l'heure de l'éphémère, du no past no future, de la repentance, ... qui peut encore s'intéresser à la vérité historique?
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Chute et mort de Constantinople (1204-1453)

Une approche intéressante de la chute de Constantinople que propose Jacques Heers. La réflexion est bien construite, le plan de l'ouvrage est clair, thématique et progressif. Le livre débute par une description des rapports entre les royaumes d'occident et Constantinople qui amène la conquête de la ville en 1204. L'auteur replace cette évènement comme le début d'une longue agonie de l'Empire byzantin. Le jeu des alliances et des conflits entre les chrétiens d'Occident, les chrétiens slaves, les Byzantins et les Turcs vont finir d'épuiser les capacités de Constantinople et de son territoire. L'ouvrage se termine par la prise de la ville par les Turcs de Mehmet II.



L'ouvrage est donc bien construit, le style est simple et plaisant. On reconnait la maîtrise de l'auteur sur le sujet. Cependant j’émets plusieurs réserves sur ce livre. La première est le sentiment d'un vague parti pris de l'auteur envers Byzance qui se renforce par de nombreux jugements de valeur (qui ne devrait pas trop figurer dans un livre d'histoire selon moi). Une impression aussi que l'auteur fait confiance mot à mot à certaines sources (alors que l'on connait le manque d'objectivité des rédacteurs du Moyen Age). Enfin l'auteur entre parfois dans des détails qui n'ont pas vraiment d'importance et créer un déséquilibre par rapport au reste du livre (criant dans le dernier chapitre pendant la description du serment du faisan).
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La naissance du capitalisme au Moyen Age. C..

Voici un livre très intéressant sur l’ancêtre des banques (changeurs, usuriers, prêteurs) et la naissance du capitalisme entre le XIIIe et le XVe siècle. Divisé en 6 parties (L'or et l'argent, le change, le prêt et l'usure...) cet ouvrage se lit facilement, est complet et présente de nombreux exemples ou références proche de chez nous (France, Italie, Flandres...). Si les juifs et les Lombards ont pratiqués le change et l'usure au Moyen-Age, les bourgeois français ne se faisaient pas prier pour pratiquer eux aussi le prêt. Les taux contrôlés par les autorités n'étaient alors pas excessif et l'usure était pratiquée sur les tables ou des "bancs" en place publique et acceptée comme quelque chose de nécessaire dans la vie des paysans et des artisans, comme celle des grands seigneurs. Ce livre m'a permis d'en savoir plus sur la vie économique au Moyen-Age et surtout de me débarrasser que quelques idées reçues assez éloignées de la réalité historique.
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Histoire des croisades

J'étais pressé de m'attaquer à ce livre mais au bout de 50 pages mon élan s'est considérablement émoussé. Voila un ouvrage sur les "croisades" qui n'aborde leurs origines qu'en quelques paragraphes; Le concile de Clermont tient en 30 lignes maxi. Sur ces 50 premières pages j'ai eu la triste impression que l'auteur jetait ses idées et ses pensées comme elles lui venaient sans chronologie particulière si bien que la lecture est devenue complétement indigeste. .J'ai abandonné

Il faut cependant admettre que ses propos sur le terme croisade étaient très instructifs. Hormis cela....
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Chute et mort de Constantinople (1204-1453)

Jacques Heers fait des très bons et des très mauvais livres, et cela n’engage que moi. Ce coup-ci c’est réussi. Après une petite remise à niveau sur Constantinople, nous vivrons les guerres d’influences et les vrais guerres que vont mener les différentes cités maritimes italiennes toujours à la recherche de la prépondérance commerciale. Des affrontements avec les croisés, de la guerre contre les envahisseurs de tout bord. Sans oublier les luttes intestines internes. Une vraie saga. Une bonne façon de rentrer dans l’histoire de l’empire romain d’orient.
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Marco Polo

Vie de Marco Polo, ses rêves, son véritable voyage: un livre passionnant !
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