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Citation de Ledraveur


Le vocabulaire des catégories sociales
On supposera connus (1), dans leurs grandes lignes, les problèmes historiographiques que posent, d'une part, l'authenticité de certains écrits de saint François et, de l'autre, l'objectivité de certains témoignages des premiers biographes de saint François. On y fera simplement allusion plus loin, dans la mesure où cette critique traditionnelle des textes affecte notre recherche. Car ici encore, nous devons travailler à deux niveaux : celui du rapport du vocabulaire de nos textes avec ce que nous savons par ailleurs des réalités qu'il désigne, celui de la relation de ce vocabulaire au monde mental de ses utilisateurs.
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(1). Les pages suivantes, qui ne sont qu'une esquisse du sujet bien limité défini dans le titre ci-dessus, ont aussi pour but, par-delà leur point d'application, de montrer le caractère dramatique de la recherche historique et du métier d'historien aujourd'hui. Toute enquête, si restreinte qu'elle soit, ne peut être conduite, encore moins menée à bien, qu'en mettant en cause la globalité du passé où s'intègre son objet et la totalité de l'outillage que le présent offre à l'historien. Rien n'illustre mieux cette double nécessité que l'étude des mots. À chacun d'entre eux est attaché tout l'univers où il retentit et, pour en faire un objet de science, l'historien doit le confronter à son propre langage qui tient à tout son univers actuel. Quand François d'Assise parle des pauvres, on ne le comprend que par référence à toute la société de son temps dans toute son épaisseur ; mais nous ne saisissons celle-ci qu'à travers une autre référence, qui est notre culture, et, dans ce cas, tout ce qu'elle nous fournit au dossier « pauvres », par-delà les différences de modèles proposés par les diverses idéologies historiques d'aujourd'hui, nous montre le rôle double et contradictoire du présent dans la compréhension du passé : révélateur et oblitérateur. Pour nous en tenir à l'exemple le plus éclatant, le concile de Vatican II éclaire et fausse à la fois les perspectives de la pauvreté dans l'histoire de la Chrétienté. La constatation de ces complexités imbriquées ne revient pas à dire que « tout est dans tout et réciproquement », négation de toute science. Elle incite à une analyse à plusieurs niveaux et à un va-et-vient méthodique constant entre les structures du passé et celles du présent, et chaque fois dans la double perspective des réalités « objectives » et des réalités « mentales ». Ceci implique un traitement de totalités que les méthodes du structuralisme et le recours aux machines électroniques semblent seuls permettre. Mais les possibilités concrètes d'études de ce genre sont encore très limitées. D'où le malaise de l'historien en face d'un travail encore artisanal échappant à l'ordinateur comme celui qui est ici offert.
p. 103 - 104
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